Montjoie (DE) est bordé par le Ravel. © getty images

Cyclotourisme au coeur des Cantons de l’Est

Pas besoin d’avoir des mollets d’acier pour pédaler au sommet de la Belgique! La Vennbahn, ancienne voie ferrée reconvertie en sentier cycliste, parcourt les Cantons de l’Est tout en douceur.

Au loin, le vieux chemin de fer se déroule dans le paysage, longé par un fin ruban de bitume. Devant, derrière, tout autour, rien que les tourbières des Fagnes. Des bruyères balafrées de miroirs d’eau, à peine troublés par l’envol des oiseaux, avec de noirs sapins en toile de fond. Petit instant de grâce. Ils deviennent rares, ces endroits de Belgique où il est encore possible de se sentir un peu seul au monde. De ceux où on arrête le vélo un instant, juste pour profiter du silence d’un panorama. Et pourtant, sur la Vennbahn, où nous pédalons par ce frais matin de printemps, ils sont plutôt nombreux.

Il y a dix ans, cette ancienne voie ferrée, qui reliait autrefois les aciéries d’Aix-la-Chapelle au réseau luxembourgeois, en passant dans sa grande majorité par les Cantons de l’Est belges, a été reconvertie en sentier cycliste reliant trois pays. Un itinéraire presque toujours à l’écart des voitures, long de près de 125 kilomètres (dans son genre, c’est l’un des plus étendu d’Europe! ), qui a tout du paradis pour les amateurs de balades tranquilles à vélo.

Car même si nous sommes au sommet de la Belgique, ici, pas de grosses côtes qui n’en finissent pas de monter: initialement conçue pour le passage de trains de marchandises lourdement chargés, la pente totale du parcours n’excède pas les 2%. Sa reconversion en itinéraire cycliste est par ailleurs un modèle en son genre: parfaitement balisé et entretenu, le chemin est asphalté sur toute sa longueur. Il est émaillé d’agréables aires de pique-nique où faire des pauses, certains sont même équipées avec de quoi s’allonger et relever les jambes. Merci pour les mollets ! On notera aussi la présence de bancs judicieusement placés tout au long du parcours pour profiter des paysages, dont il est difficile de se lasser: ceux-ci s’avèrent plus que variés, oscillant entre prés, fagnes, forêts, bocages et vallées de moyenne montagne.

Neidingen
Neidingen

Une histoire de frontières

Petit détail qui ne fait que rajouter du charme à la Vennbahn: contrairement à la plupart des autres itinéraires vicinaux transformés en Ravel, le patrimoine ferroviaire ici est toujours très palpable. Anciens panneaux de signalisation rouillés, wagons, vieilles locos, gares, viaducs et autres tronçons de voie ferrée rappellent sans cesse l’origine du tracé. Et pour les interpréter, le parcours est constellé de panneaux informatifs trilingues distillant des anecdotes, parfois touchantes ou carrément amusantes. Il y a là de quoi s’arrêter souvent, d’autant que l’histoire de la Vennbahn est plutôt cocasse...

Jugez plutôt: construite dans les années 1880, à une époque où toute la région faisait encore partie de l’Empire allemand, elle prend une importance considérable lors de la Première Guerre mondiale où elle sert au transport de troupes. Suite au Traité de Versailles et à la création des Cantons de l’Est, la Vennbahn passe ensuite presque intégralement sous contrôle belge, même lorsqu’elle pénètre à plusieurs reprises en territoire allemand. Encore aujourd’hui, tout en restant belge, elle traverse allègrement la frontière, créant ci et là des enclaves territoriales. Du pain béni pour les contrebandiers du début du XXe siècle! « Pour les habitants, la notion de frontière a de toute façon toujours été assez floue, sourit Christoph Hendrich, responsable du projet de la Vennbahn. Depuis les années 1990 [et la création de l’Espace Schengen], nous n’y pensons même plus du tout... »

À l’approche de la Seconde Guerre mondiale, la voie ferrée reprend une importance stratégique: les rares raidillons rencontrés sur le trajet découlent de cette époque, et du dynamitage de quelques viaducs, jamais reconstruits.

Le Grünen Closter, probablement l'un des plus beaux tronçons.
Le Grünen Closter, probablement l’un des plus beaux tronçons.© vennbahn.eu

S’éloigner du sentier

Aujourd’hui, la particularité du tracé de la Vennbahn permet de se mitonner quelques incursions en Allemagne, d’autant plus que la jolie (mais très fréquentée...) cité frontalière de Montjoie longe littéralement la piste cyclable. Mais il y a aussi amplement de quoi s’occuper de ce côté-ci de la frontière: l’itinéraire passe ainsi par Saint-Vith, Raeren, ou encore les ruines du château médiéval de Burg-Reuland. Il reste possible de fournir quelques coups de pédale supplémentaires pour découvrir d’autres centres d’intérêt des Cantons de l’Est: la région est quadrillée de points-noeuds qui croisent à de nombreuses reprises l’ancienne voie ferrée. A partir de celle-ci, 11 circuits en boucle, de 30 à 50 km, ont d’ailleurs été créés pour faciliter les incursions dans l’arrière-pays...

Si la Vennbahn se parcourt dans sa totalité en deux ou trois jours, il est donc possible de prévoir un programme plus long, très « slow travel », d’autant plus que l’offre horeca adaptée aux vélos est ici assez développée (lire encadré). Bref, vous l’aurez compris: n’hésitez pas à aller pointer le bout de votre guidon dans la région. Sans aller jusqu’à affirmer qu’il s’agit du plus beau Ravel de Wallonie, la piste cycliste de la Vennbahn constitue assurément l’un de nos coups de coeur de l’année!

Le patrimoine ferroviaire est bien préservé.
Le patrimoine ferroviaire est bien préservé.

Pratique

De nombreux hébergements proposent des infrastructures adaptées aux cyclistes. Attention, deux labels cohabitent dans les Cantons de l’Est: « bed + bike », très populaire chez les germanophones, et « Bienvenue vélo », surtout présent dans les deux communes francophones. Nous avons logé au Cyrano (www.cyrano.be), idéalement situé à Waimes, qui a l’avantage de combiner hôtel... et restaurant gastronomique. Il faut savoir varier les plaisirs!

À noter qu’il est aussi possible d’opter pour des offres forfaitaires avec nuitées, transports des bagages et location de vélos ou e-bike, depuis Aix ou Trois-Vierges, au Luxembourg.

Quand y aller? En saison touristique, la Vennbahn est évidemment plus fréquentée, mais on reste toujours loin de la cohue. De plus, vous pouvez alors profiter des points horeca établis tout au long de l’itinéraire. Mais personnellement, nous avons adoré la parcourir au printemps, hors saison, par un temps mitigé, pour profiter pleinement de sa quiétude!

Plus d’infos: www.vennbahn.eu et www.ostbelgien.eu

Les ruines médiéveles de Burg-Reuland sont situées à proximité immédiate de la Vennbahn.
Les ruines médiéveles de Burg-Reuland sont situées à proximité immédiate de la Vennbahn.© ostbelgien.eu Dominik Ketz

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