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1940-1945 : aurions-nous été meilleurs ou pires que ces gens?

Au Musée royal de l’Armée, l’exposition  » Guerre-Occupation-Libération  » se penche sur le quotidien des Belges pendant et après la Seconde Guerre mondiale. Intelligente, sans tabou et nuancée, elle rappelle qu’entre les traîtres et les héros, la majorité de la population se situait... en zone grise.

L’année 2019 marque les 75 ans de la libération de la Belgique et de l’échec de la contre-attaque allemande lors de la Bataille des Ardennes. Si, à cette occasion, quantité d’événements commémoratifs ou festifs ont été organisés (ou vont l’être dans les prochains mois), le War Heritage Institute a aussi marqué le coup en rénovant et en élargissant son espace consacré à la Seconde Guerre mondiale. Il s’agit désormais de la plus grande exposition belge sur cette thématique : ce ne sont pas moins de 2.000 objets qui sont exposés et remis en contexte sur un espace de plus de 3.000 m².

Faire comprendre, ne pas juger

En son sein, le tout nouveau parcours « Guerre – Occupation – Libération » délaisse les propos cent fois rabâchés de l’Histoire militaire stricto sensu, pour se pencher sur des thématiques plus délicates à aborder : la résistance, la répression, la collaboration, le rôle trouble de certains dirigeants, les impacts économiques, sociaux et humains de la Guerre... Autant de sujets « touchy » abordés avec intelligence. Plus que d’apporter des réponses ou de poser un jugement, l’exposition suscite la réflexion chez le visiteur en lui donnant de nombreuses clés de compréhension.

Grâce à plus de mille objets judicieusement choisis et à de nombreux témoignages, tour à tour poignants ou éclairants, elle n’occulte ni la violence de l’époque, ni l’horreur, ni même l’humour (qui peut aussi être une arme !), mais c’est au visiteur d’en tirer des conclusions. Et celles-ci, comme souvent dans la réalité, sont nuancées : sur les 8.300.000 Belges de l’époque, on découvre ainsi que « la très grande majorité veut simplement traverser la guerre indemne », peut-on lire le long du parcours. « Seule une petite minorité collabore ou fait acte de résistance ».

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.© klm-mra

Un passage de l’exposition est assez symbolique, à ce niveau. Il se subdivise en deux espaces, l’un blanc – la résistance, l’autre noir – la collaboration. Entre ces deux extrêmes, le visiteur est amené à suivre un couloir central, où un miroir lui pose la question : et vous, où vous seriez-vous situé ? Très probablement, justement, entre les deux... Il faut bien vivre, manger, on ne peut pas mettre les enfants en danger : pendant le conflit, la plupart des gens « adoptent une attitude passive et obéissent plus ou moins – souvent à contrecoeur – aux nouveaux dirigeants ». Une masse « grise », parfois teintée d’un peu plus de blanc ou de noir, posant des actes jugés différemment au fur et à mesure que la guerre s’avance... Il est plus facile de se sentir l’âme d’un résistant et de poser des actes de défi en 1944, alors qu’au début du conflit, nombreux sont ceux qui entretiennent des relations, si pas cordiales, aux moins « accommodantes » avec les Allemands.

Les opposants de la première heure, tant que l’issue de la guerre est incertaine, n’en sortent que plus héroïques. Quant aux « collabos », on retiendra le témoignage de l’un d’eux, qui raconte avoir été battu et torturé dans des geôles belges au début de la guerre, parce que flamingant : comment ne pas comprendre qu’il ait encore eu plus de ressentiment envers la Belgique et se soit compromis avec l’Allemagne, très favorable au Mouvement flamand ? Bien sûr, cela n’excuse rien. On comprend toutefois mieux le cheminement qui l’a amené à partir se battre sur le Front de l’Est.

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.© klm-mra

Répression, libération

Sont aussi abordées la répression et la persécution mises en place par l’Occupant, qui refuse rapidement toute contestation politique et transforme une partie de la population en « parias », « terroristes » ou « sous-hommes ». Bientôt, ceux-ci seront déportés et souvent exterminés dans les camps de concentration. Pour les Belges, une fois mis dans les wagons, ces infortunés disparaissent des radars. Là encore, le parcours muséal a été intelligemment pensé : la salle consacrée aux camps et au génocide – à la fois sobre et difficilement soutenable – n’est visible que bien plus loin, en même temps que les alliés pénètrent dans le Reich, soit après les espaces consacrés à la Libération de la Belgique.

Entretemps, on découvre que le pays libéré reste en état de guerre jusqu’à la capitulation allemande et que l’arrivée des Américains n’a pas mis fin au rationnement, au risque de bombardement, ni à la violence. Il suffit de penser aux femmes rasées pour avoir eu une relation amoureuse avec des soldats ennemis... S’ensuit une conclusion assez étonnante, consacrée à la Guerre en Orient, entre le Japon et les USA, pour rappeler que la Paix définitive n’est signée que bien après la libération de l’Europe, en septembre 1945. Tant qu’à remettre en perspective, autant le faire jusqu’au bout !

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Pratique

« Guerre – Occupation – Libération », War Heritage Institute – Musée Royal de l’Armée et de l’Histoire Militaire, Parc du Cinquantenaire 3, 1000 Bruxelles. Ouvert de 9h à 17h tous les jours, sauf le lundi. Plus d’infos : http://klm-mra.be ou 02 737 78 33

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