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Tout savoir sur les pensions alimentaires

Une rente alimentaire n’intervient pas que dans le cadre d’une séparation, pour un ex-partenaire ou des enfants. Et elle n’est pas sans conséquences fiscales.

Une rente alimentaire est une somme d’argent versée régulièrement (mensuellement, trimestriellement ou annuellement) à un proche qui, théoriquement, ne pourrait pas subvenir lui-même à ses propres besoins. Et les personnes concernées sont bien plus nombreuses qu’imaginé.

QUELLE PENSION POUR SON EX?

Lorsqu’un couple se sépare, l’un des ex-conjoints peut avoir à verser à l’autre une pension alimentaire « personnelle » – qui n’est donc pas destinée à l’entretien des enfants – pour la période suivant le divorce (des règles différentes s’appliquent pendant la procédure). S’il s’agit d’un divorce par consentement mutuel (DCM), la chose se règle par une convention. Cet élément est important, car un DCM n’est possible que si vous êtes d’accord sur tout, y compris sur la pension alimentaire. En revanche, s’il s’agit d’un divorce par voie judiciaire pour désunion irrémédiable, le juge aux affaires familiales peut accorder une pension alimentaire à l’ex-conjoint le plus faible économiquement, mais ce n’est pas automatique.

Comment la pension est-elle calculée?

La loi ne précise pas comment calculer le montant de la pension alimentaire. Elle indique simplement qu’elle doit « couvrir au moins l’état de besoin du bénéficiaire ». Il n’existe donc pas de méthode ou de modèle de calcul comme c’est le cas pour les pensions alimentaires destinées à l’entretien des enfants. Par conséquent, le montant accordé peut être très différent selon le juge. Il tient compte des revenus et des capacités (capacité économique potentielle) ainsi que de la dégradation de la situation économique de l’ex-conjoint qui réclame la pension alimentaire. L’importance de cette dégradation dépendra, entre autres, de la durée du mariage, de l’âge des parties, de l’organisation de leurs besoins pendant le mariage (qui est resté à la maison et qui a travaillé) et de celui/celle qui s’est occupé et s’occupera des enfants. Le juge peut également décider de la diminution progressive du montant de la pension alimentaire. Enfin, elle est indexée chaque année.

Peut-on perdre son droit?

Le tribunal peut rejeter la demande d’un demandeur qui a droit à une pension alimentaire, s’il est prouvé qu’il a commis une faute grave ayant rendu impossible la poursuite de la vie commune, par exemple des violences conjugales.

37% pas ou peu payées

La Plateforme Créances alimentaires regroupe des associations francophones et néerlandophones. Elle réclame une refonte complète du système des pensions alimentaires. Car 37% des pensions alimentaires ne sont jamais payées ou de manière irrégulière et les bénéficiaires connaissent trop peu les démarches pour faire valoir leurs droits. La plateforme demande aussi une uniformisation, car chaque juge, avocat ou parent est libre d’appliquer la méthode de calcul de la pension alimentaire qui lui convient le mieux, ce qui crée des disparités énormes.

Des cohabitants qui se séparent peuvent-ils également prétendre à une pension alimentaire?

Non, une pension alimentaire ne peut être attribuée que si le couple était marié. Bien entendu, les ex-cohabitants peuvent en convenir entre eux, mais il n’existe pas de base légale pour la réclamer devant la justice.

Pendant combien de temps le bénéficiaire de la pension alimentaire peut-il prétendre à son versement?

Si le divorce est prononcé par les tribunaux, la durée de la pension alimentaire ne peut être supérieure à la durée du mariage. Exceptionnellement, le juge peut prolonger ce délai. C’est bien la durée du mariage qui compte et non celle de la relation ou de la cohabitation. Si, par exemple, vous avez été marié pendant 20 ans, vous pouvez obtenir une pension alimentaire pendant 20 ans. Cette limite dans la durée n’existe pas dans le cadre d’un DCM. Il est tout à fait possible de stipuler dans la convention que la pension sera versée à vie au bénéficiaire. En cas de décès du débiteur, le bénéficiaire pourra en réclamer le paiement à ses héritiers.

Qu’en est-il si le bénéficiaire de la pension alimentaire se remarie?

Si le bénéficiaire de la pension alimentaire se remarie ou cohabite légalement, la pension alimentaire prend fin automatiquement et définitivement, sauf si les ex-conjoints avaient conclu d’autres arrangements. Dans le cas d’une cohabitation de fait, le tribunal peut (provisoirement) mettre fin à la pension alimentaire mais ce n’est pas automatique. Dans le cas d’un DCM, les ex-conjoints décident eux-mêmes dans la convention de divorce ce qu’il adviendra de la pension alimentaire.

Le montant peut-il être révisé?

Qu’en est-il lorsque le débiteur de la pension alimentaire prend sa retraite et que ses revenus diminuent? Et si le bénéficiaire, changeant par exemple d’emploi, voit ses revenus augmenter? Dans le cas d’un divorce par voie judiciaire, le juge peut augmenter, réduire ou supprimer la pension alimentaire ultérieurement lorsque les circonstances changent, indépendamment de la volonté des parties, sauf s’il a été convenu qu’aucune révision ne serait possible. S’il s’agit d’un DCM, il faut s’en référer à l’acte établi au moment du divorce, qui précise dans quel(s) cas la pension alimentaire peut être révisée. Une clause peut explicitement indiquer qu’elle sera réduite ou supprimée le jour où le débiteur prendra sa pension. On peut aussi envisager qu’elle soit liée aux revenus.

Pour les conventions de divorce conclues avant le 1er septembre 2007, la pension alimentaire ne peut être révisée que dans les cas prévus par la convention. Si le départ à la retraite (ou toute autre possibilité de révision de la pension) n’est pas mentionné comme motif de révision, aucune révision n’est possible. Dans le cas où la convention de divorce est postérieure à cette date, il y a lieu de vérifier si la possibilité de révision, qui vaut pour les pensions alimentaires accordées par un juge, est exclue. Si ce n’est pas le cas, vous pouvez généralement demander une réduction ou une suppression de la pension alimentaire le jour où vos revenus diminuent du fait du départ à la retraite. Un avocat se chargera d’engager une procédure devant le juge aux affaires familiales.

La loi prévoit une obligation alimentaire envers les ascendants, mais aussi les beaux-parents, gendres et brus!
La loi prévoit une obligation alimentaire envers les ascendants, mais aussi les beaux-parents, gendres et brus!© gettyimages

PAYER POUR SES PARENTS ET... SES BEAUX-PARENTS!

Selon le Code civil, les enfants ont une obligation alimentaire envers leurs père et mère ou autres ascendants qui sont dans le besoin. Imaginons une personne devant aller en maison de repos, mais dont les revenus sont insuffisants. Dans le meilleur des mondes, les enfants vont intervenir dans le cadre de la solidarité familiale. Mais le meilleur des mondes ne connaît pas les familles déchirées ou éparpillées, les conflits, les problèmes d’argent... Cette fameuse solidarité familiale fait parfois défaut!

La personne âgée ou son assistant social vont alors s’adresser au CPAS. Et ce dernier, en vertu des dispositions du Code civil relatives à l’obligation alimentaire réciproque, pourra demander l’intervention d’un juge de paix, qui obligera les enfants à mettre la main au portefeuille. Notons qu’en la matière, l’appréciation du juge est assez large. Il peut décider que, dans une fratrie, chacun paie une somme différente selon ses moyens ou le contexte, voire obliger seulement certains à payer. Le passé est pris en compte: par exemple, si le parent est resté des années sans donner de nouvelles, l’enfant pourra être (ou pas) déchargé de l’obligation alimentaire.

Notons que la loi prévoit une telle obligation alimentaire envers les parents, mais aussi les grands-parents, les gendres, brus et beaux-parents! Par contre, l’obligation alimentaire n’existe pas entre collatéraux: frères, soeurs, oncles, tantes, etc.

Enfin, rappelons que toute rente alimentaire pourra être déduite par la personne qui la paye (voir encadré ci-dessous), mais elle sera imposable pour la personne qui la reçoit.

FISC, FAUT-IL DÉCLARER UNE RENTE ALIMENTAIRE?

Oui, car pour l’administration des impôts, une rente alimentaire perçue équivaut à un revenu. Et cela doit donc être repris dans la déclaration fiscale. Mais « seulement » 80% de cette rente alimentaire sera imposable, tout comme les arriérés de ces rentes alimentaires le seront également à concurrence de 80%. Attention, si une rente alimentaire doit être payée pour un enfant (même si l’argent est versé sur le compte d’un parent), il ne s’agira pas d’un revenu du parent qui la perçoit, mais bien de l’enfant lui-même. La rente sera donc mentionnée au nom de l’enfant qui en est bénéficiaire.

Mais reprenons l’exemple d’une pension versée à un ex-partenaire... Dans le chef du bénéficiaire, la pension est imposable à hauteur de 80% de sorte que le montant net est forcément inférieur. Imaginons une pension alimentaire de 400€ par mois, soit 4.800€ par an. Des impôts sont dus sur 80% de cette somme. Pour un taux d’imposition de 30%, l’impôt à payer s’élève donc à 1.152€ et le montant mensuel net à 304€. Quant au débiteur, il peut déduire de ses revenus imposables 80% du montant qu’il paie.

ENCORE DES SOUS POUR LES TANGUY?

À plus de 30 ans, un professeur de musique italien, sans emploi, vivait toujours chez sa mère. Son père devait toujours lui verser une pension alimentaire malgré son âge. Le papa, estimant qu’il avait assez payé pour son fils, a dû saisir la justice. Et il a obtenu gain de cause dans un pays où les « bamboccioni », ces adultes qui continuent à vivre au domicile familial, sont un vrai phénomène culturel. Une Cour de cassation italienne a tranché en faveur du père, considérant qu’un adulte avait le « devoir de trouver un emploi afin d’acquérir son indépendance. » Même si cet emploi ne correspond pas à « ses ambitions adolescentes ».

Et en Belgique, un parent doit-il encore payer une contribution financière pour un jeune adulte? Difficile de répondre à cette question de manière automatique, selon Droits Quotidiens, une asbl active dans l’information juridique claire et vulgarisée. En réalité, tout dépend des circonstances. D’abord, une contribution alimentaire ne s’arrête pas automatiquement aux 18 ans d’un enfant. Vous devez payer une contribution alimentaire jusqu’à ce qu’il devienne autonome. Et cette autonomie « est généralement atteinte lorsque le jeune a un diplôme ou a fini une formation lui donnant accès au marché du travail », détaille Droits Quotidiens. Par ailleurs, le paiement d’une contribution alimentaire ne s’arrête pas automatiquement si votre enfant quitte le logement familial.  » Certains juges ont néanmoins admis que le jeune qui a choisi de quitter le domicile familial doive lui aussi contribuer financièrement, par exemple en travaillant durant le week-end et les congés scolaires. »

Une pension déductible à 80%

Vous payez une pension alimentaire pour des parents, enfants, ex-conjoints ou autres? Bonne nouvelle, c’est fiscalement très avantageux, car la rente alimentaire payée bénéficiera d’une déductibilité de 80% des montants payés. Ce qui signifie que 80% du montant de la rente alimentaire payée sera déductible de l’ensemble de vos revenus nets lors du calcul de l’impôt. À ne surtout pas oublier de mentionner dans la déclaration fiscale, à quatre conditions:

  1. Le bénéficiaire ne peut pas faire partie du ménage.
  2. La rente alimentaire doit être payée dans le cadre d’une obligation d’entretien, cela peut être la conséquence d’une décision de justice ou d’un accord entre les parties.
  3. Le bénéficiaire doit être dans un état de besoin, c’est-à-dire des revenus inférieurs aux dépenses.
  4. La rente alimentaire doit être payée régulièrement et les paiements doivent être prouvés.

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