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Qui prend les décisions de santé à la place du patient ?

En tant que patient, qui décidera pour moi si je ne suis plus capable de le faire ? Mon compagnon ou mes enfants ? Réponses... étonnantes.

Nous avons eu une vie avant, chacun de notre côté. Mais aujourd’hui, nous formons un nouveau couple et monsieur vient vivre chez moi. Mais que se passera-t-il si, un jour, je tombe malade et dépendante? Mon compagnon aura-t-il son mot à dire? Autant que mes enfants? « , s’interroge Viviane, une lectrice. Tout peut arriver: maladie dégénérative, démence, accident de la circulation qui plonge dans un coma temporaire... Qui prendra les décisions de santé à votre place? Oui, qui aura la primeur dans la cascade des responsabilités? Ces questions nous les avons posées à Florence Cols et Anaïs Feyens, juristes de Droits Quotidiens, une association qui regroupe des experts travaillant à la simplification du droit pour le grand public.

LE MANDAT DOIT ÊTRE LE PLUS PRÉCIS POSSIBLE ET PEUT CONCERNER PLUSIEURS PERSONNES

1 – LE MANDATAIRE DÉSIGNÉ

Celui qui prime dans la cascade des décisions, c’est le mandataire désigné. Mais avant il faut rappeler qu’il existe une loi concernant les droits du patient. Il y est question de patient majeur incapable. Incapable? Cela signifie que le médecin atteste qu’une personne n’est plus capable d’exercer ses droits. Le médecin décide si la personne arrive à encore comprendre ce qui se passe, à exprimer sa volonté, si son discours est cohérent, etc. Si le patient n’est plus capable, il ne peut pas consentir valablement à des soins ni les refuser. Il faut donc un système de représentation : quelqu’un qui va faire valoir ses droits à sa place...

Chaque patient peut anticiper ce cas de figure grâce au mandataire désigné. Le patient qui a toute sa tête va produire un écrit de ce type:  » Le jour où je ne serai plus capable d’exercer mes droits de patient, je désire que ce soit telle personne qui le fasse à ma place « . La personne désignée doit, bien entendu, accepter cette mission. Elle n’est pas obligée de le faire.

Ce qui est intéressant avec le mandataire désigné, c’est qu’un compagnon (même sans contrat de mariage ou de cohabitation) peut le devenir. Chacun peut effectivement désigner qui il veut : un membre de sa famille, un voisin, un ami, un enfant majeur, un soignant... Le mandat sera idéalement précis et pourra concerner plusieurs personnes: « Je veux que ce soit untel qui décide pour ma maison de repos, mais un autre qui décide des actions à mener lors d’une maladie grave, etc. « 

Et où faut-il déposer cet écrit ? Il n’y a pas de formalisme obligé. Il faut cependant que le médecin soit au courant de l’existence du mandataire, que l’écrit se retrouve idéalement dans le dossier du patient. En cas de problème, plus tard, le mandataire désigné décidera pour le patient. Le médecin devra suivre les instructions du mandataire sauf si elles sont contraires à l’intérêt du patient.

La déclaration anticipée de refus de soins

Vous craignez de subir un traitement médical qui n’est pas conforme à vos souhaits ? Vous pouvez faire une déclaration anticipée de refus de soins. Il s’agit d’un écrit dans lequel vous précisez, par exemple, que vous ne voulez pas de réanimation ou de chimio pour un cancer. Il faut être précis. Il n’est pas question de dire :  » Je ne veux pas qu’on me soigne « . C’est trop vague.

Si on refuse à l’avance une intervention déterminée, le médecin devra s’y plier. La déclaration anticipée de refus de soin doit se retrouver dans le dossier du patient. L’idéal est aussi de donner une copie de cet écrit à ses proches, en plus de le faire inscrire dans son dossier médical. Il n’y a pas de formalisme. Un simple écrit signé est valable, mais il faut que le médecin en soit informé.

Le contenu de la déclaration anticipée de refus de soins devra être respecté par le médecin. Par contre, une déclaration anticipée positive (moi, j’exige tel traitement) ne sera pas contraignante pour le médecin qui pourra néanmoins s’en inspirer. Ou pas.

2 – L’ADMINISTRATEUR DE LA PERSONNE

Pas de mandataire désigné ? Celui qui va intervenir, alors, c’est l’administrateur de la personne. Un juge de paix peut dire :  » En effet, cette personne est incapable d’exercer ses droits de patient. Et donc, je confie à l’administrateur de la personne le droit de prendre les décisions en ce qui concerne ledit patient.  » Le juge de paix préférera généralement la désignation de parents, du cohabitant ou d’un proche de la personne à protéger.

Quelle différence avec le mandataire désigné? Ici, nous sommes dans le cadre de la protection judiciaire. On s’adresse au juge de paix. Il y a toute une procédure à mettre en oeuvre. Il faut fournir un certificat médical circonstancié qui démontre que la personne n’est plus capable de mener à bien une série d’actes. Par contre, la procédure du mandataire désigné est plus informelle. Elle peut se faire entre deux personnes, sur la base d’un écrit à remettre au médecin. Plus simple.

3 – LES MEMBRES DE LA FAMILLE

En cas de maladie ou d’accident, on n’a pas toujours le temps de désigner un mandataire, ou d’aller voir le juge de paix pour prendre une mesure de protection. Donc, dans la cascade des responsabilités, après le mandataire désigné et l’administrateur de la personne, qui peut agir ? Réponse : certains membres de la famille selon des représentations en cascade, des échelons (d’abord le compagnon, puis les enfants, etc.)

Le premier échelon concerne donc l’époux, le cohabitant légal ou le partenaire de fait (même si le couple n’est pas domicilié sous le même toit). Souvent, on pense à tort que le partenaire de fait n’a pas de droit. C’est faux. Il est en réalité sur le même pied que l’époux ou le cohabitant légal en ce qui concerne les droits du patient. Bref, dans un premier temps, si une décision médicale doit être prise, on va se demander si la personne est en couple avec quelqu’un. Et peu importe si on est marié, cohabitant légal ou cohabitant de fait. Mais le partenaire pourrait dire :  » Oh, je n’ai pas envie de décider, c’est trop lourd pour moi ! » On passe alors à l’échelon suivant et ainsi de suite. C’est-à-dire d’abord les enfants majeurs. Ensuite, ce sera au tour des parents. Et en fin de cascade, la décision reviendra à un frère majeur ou à une soeur majeure.

CONTRAIREMENT À CE QU’ON CROIT PARFOIS, LE PARTENAIRE DE FAIT A LES MÊMES DROITS QUE L’ÉPOUX OU LE COHABITANT LÉGAL

4 – LE MÉDECIN

Si personne n’a pas pu ou voulu décider pour le patient, c’est au corps médical de le faire. Le médecin devra toujours agir dans l’intérêt du patient. Il devra tenter de grappiller des informations sur ses souhaits. et les notera dans son dossier médical. Idéalement, le médecin se concertera avec les proches (s’il en reste) qu’on appelle les mandataires informels. Il s’agit de membre de la famille, d’un ami, de la cousine ou de la voisine qui accompagne la personne. Et ce pour s’assurer que ses actes correspondent bien à la volonté du patient.

Et le mandat extrajudiciaire?

Agir à l’avance. Avoir la maîtrise de son avenir, même quand... on ne l’aura plus. Une des pistes est d’envisager le mandat extrajudiciaire. Il consiste à désigner une ou plusieurs personnes de confiance pour gérer ses biens, au cas où on ne pourrait plus le faire soimême. En raison d’une maladie, d’un accident ou d’un handicap, par exemple. En matière d’argent, cela évite de laisser la gestion de ses biens à un administrateur nommé par un juge de paix. Et depuis le 1er mars 2019, le mandat extrajudiciaire n’est plus cantonné aux biens mais aussi aux personnes. En clair? Un mandat extrajudiciaire peut aussi concerner le choix d’une maison de repos et de soins, par exemple en fonction des possibilités financières.

 » Ce mandat peut porter sur des éléments beaucoup plus larges que ceux prévus dans l’administration de biens et/ou de la personne, explique Anaïs Feyens de Droits Quotidiens. En exagérant, on pourrait même demander à un mandataire de vous emmener chez tel coiffeur une fois par mois ou de renouveler un abonnement à tel magazine. La liste peut aussi reprendre le choix de tel médecin ou de tel traitement (à condition de respecter les droits du patient).  » Et quand prend cours ce mandat ?  » Le moment est indéterminé, mais il doit être déterminable, répond la juriste. On peut imaginer qu’il sera effectif quand deux certificats médicaux de deux médecins différents attesteront du fait que la personne est devenue incapable. Rappelons aussi que le mandat est signé par le patient et par la personne mandatée et, qu’à tout moment, une des deux personnes peut mettre fin au mandat. « 

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