Quel avenir pour nos pensions ?

Comment pourrons-nous conserver des pensions correctes à l’avenir et de quoi seront-elles composées ? Nous avons soumis les réponses du sondage de Roularta Research mené en collaboration avec la Fondation Roi auprès de personnes âgées de plus de 45 ans à quatre experts. 72% des personnes interrogées pensent que leur pension légale seule ne suffira pas. Wauthier Robyns, Assuralia :  » Ce sentiment s’explique en partie par le fait que notre système de pension est fragmenté. On peut citer les indépendants qui ont une pension légale très basse. On constate aussi un clivage entre les fonctionnaires statutaires et contractuels. Les attentes en matière de pension se basent souvent sur les chiffres valables pour une carrière complète. Cela engendre forcément de l’insatisfaction. Il existe de grandes différences dans les pensions et il serait pertinent que le gouvernement accorde une attention particulière aux pensions les plus basses. Ce souci des pensions n’existe pas que chez nous. Aux Pays-Bas, par exemple, la situation est un peu meilleure, ce qui n’empêche pas les journaux de remplir des pages et des pages sur la crise des pensions.Kristof Woutters, Candriam :  » En même temps, il semble que tout futur pensionné se demande si le premier pilier, la pension légale, restera au niveau actuel. Parce que cela fait des années déjà qu’on taille dans les pensions, ce qui fait baisser les pourcentages. Aujourd’hui, la pension maximale dans le secteur privé tourne autour des 2.200 ? brut mais que représentera encore ce montant dans vingt ans ? Si on continue à la réduire, le premier pilier deviendra problématique et le second pilier devra prendre une part plus grande dans la pension totale. C’est un choix politique. Aux Pays-Bas et en Angleterre, par exemple, le premier pilier représente plutôt une pension minimum et le deuxième pilier joue un rôle beaucoup plus important. En Italie et en Grèce, on retrouve un premier pilier beaucoup plus développé. La Belgique se situe actuellement à un niveau moyen en Europe.  » 38% bénéficient d’une assurance groupe, et donc 62% n’en ont pas. Wauthier Robyns :  » Cela s’explique par le fait que c’est surtout dans le secteur privé que les assurances groupe sont bien développées. Cela ne vaut pas pour les fonctionnaires. Ce n’est pas tant un problème pour les fonctionnaires nommés qui ont une pension légale plus élevée que dans le privé mais c’en est un pour les contractuels. Sans oublier les indépendants qui, même s’ils se constituent une pension libre complémentaire (LPC), n’ont pas le sentiment qu’elle soit sur pied d’égalité avec l’assurance groupe. « Frederic Struyf, Gras Savoye Consulting :  » La loi Vandenbroucke (2004) a fait énormément progresser les fonds de pension. Maintenant, 70% des travailleurs du secteur ont une assurance groupe alors qu’ils n’étaient que la moitié il y a 15 ans. Mais tout le monde – on en est même loin – ne la voit pas comme partie intégrante de la pension. On n’a pas encore vraiment pris conscience du fait que la future pension se constitue sur base de différents piliers.  » Wauthier Robyns :  » Depuis cette loi, beaucoup plus de gens bénéficient d’une pension complémentaire. Maintenant nous devons travailler en profondeur et les travailleurs devraient pouvoir, eux aussi, prendre des initiatives. Si l’assurance groupe de leur entreprise n’est pas assez développée ou ambitieuse, les travailleurs devraient pouvoir décider eux-mêmes de l’augmenter et ce au moment qu’ils choisissent. Prenons l’exemple de quelqu’un qui a fini de payer sa maison. Il dispose désormais de plus d’argent pour épargner. Pourquoi ne pas verser cette épargne dans l’assurance groupe s’il en existe une dans son entreprise ou en démarrer une si ce n’est pas le cas. On parle ici de choix individuel tandis que l’assurance groupe classique est un fait collectif. C’est pourquoi il faut davantage investir dans l’éducation des gens pour qu’ils puissent prendre les bonnes décisions et s’éviter des surprises désagréables à leur pension.Des campagnes d’information ont déjà été lancées pour éclaircir les choses : qu’est-ce que l’épargne ? Qu’est-ce que la prévoyance ? Quels sont les différentes options, risques et perspectives, partant de chaque situation individuelle, différente pour chacun. « Frederic Struyf :  » Beaucoup de réflexions sont lancées pour mieux développer l’assurance groupe mais le gros problème tient souvent à l’engagement de l’employeur : il était obligé de garantir un rendement de 3,25% (3,75% pour les versements faits par le travailleur). Le gouvernement a décidé de rendre ce taux libre pour qu’il puisse baisser en période de taux d’intérêt bas et remonter plus tard. C’est une bonne chose parce qu’il faut redonner envie aux employeurs d’investir dans le deuxième pilier. Des entreprises ont également créé, comme alternative à l’assurance groupe, des fonds de pension qui peuvent obtenir un meilleur rendement mais qui sont aussi fortement réglementés, ce qui entraîne des frais supplémentaires. Pour comprimer ces frais, il existe maintenant des fonds de pension parapluie et multi-employeur auxquels peuvent adhérer plusieurs employeurs. « 76% des répondants à notre enquête font une épargne pension. Kristof Woutters :  » La composition de notre société est très asymétrique. Il faut d’abord s’intéresser au taux de remplacement, c’est-à-dire le rapport entre le montant de pension et le précédent revenu professionnel. L’objectif est que la pension représente environ 75% du revenu du travail. « Wauthier Robyns :  » Les chiffres publiés par l’OCDE donnent une image claire de la situation dans notre pays. On y voit qu’une personne qui gagne un peu moins que le salaire moyen obtient une pension qui représente 58% de son ancien revenu professionnel. Pour quelqu’un qui a un salaire moyen, ce rapport est de 41% et seulement de 30% pour celui/celle qui gagne plus que le salaire moyen. La situation est toute différente lorsqu’on ajoute une pension complémentaire et le rapport passe respectivement à 73,3%, 56,2% et 41,4%. Le fossé reste évidemment énorme pour ceux qui gagnent le plus pendant leur vie professionnelle mais pour les bas salaires, on arrive à peu près au rapport auquel on tend de 75%. « Kristof Woutters :  » La plupart des salaires se trouvent sous la moyenne parce que les salaires les plus élevés tirent cette moyenne vers le haut. Une grande partie de la population va donc se retrouver – sans gros efforts particuliers – à un revenu de remplacement de 73% par rapport au salaire. Si ceux qui gagnent le plus veulent maintenir leur niveau de vie après la pension, ils ont intérêt à investir dans le troisième pilier (épargne pension individuelle), le quatrième pilier (autres formes d’épargne) et le cinquième pilier (immobilier). « 58% des répondants choisissent de faire verser leur assurance groupe sous forme de capital et 5% seulement optent pour la rente à vie. Les Belges voient-ils leur pension complémentaire avant tout comme un placement ? Wauthier Robyns :  » Certains oui mais il y a aussi une certaine logique à cela. Dans notre pays, beaucoup de pensionnés sont propriétaires de leur logement et doivent donc consacrer moins d’argent au poste  » habitat « . Frederic Struyf :  » Aux Pays-Bas, on est obligé de prendre son assurance groupe sous forme de rente. On ne peut donc pas en faire ce qu’on veut. Chez nous, on peut choisir entre rente et capital et on le constate : le capital l’emporte de loin sur la rente. « Renaud Grégoire, notaire :  » Les Belges voient davantage leur assurance groupe comme une épargne et non comme une assurance pour leurs vieux jours. Et la perspective de devoir se serrer la ceinture maintenant pour mieux s’en sortir à la pension n’est pas encore mûre chez tout le monde. On n’est guère enthousiaste à l’idée de sacrifier une partie de son salaire pour l’investir dans une épargne pension. L’Etat encourage la pension complémentaire parce que la population a des craintes quant à la pension légale... mais les gens eux-mêmes ne se sentent guère interpelés. « 69% pensent qu’avoir sa propre maison est un bon complément de pension. Renaud Grégoire, notaire :  » Oui, mais les gens ont peut-être une trop grande confiance dans l’immobilier. Beaucoup se trompent sur la valeur de leur maison. Ils comptent la vendre pour acheter un appartement et conserver encore une partie du capital. Mais c’est souvent l’inverse qu’on voit aujourd’hui : un appartement coûte plus cher qu’une maison. Si on n’a rien mis de côté, on a un problème ! En même temps, la plupart des gens sont persuadés qu’être propriétaire apporte une belle sécurité, rassure émotionnellement. Ce sentiment est très fort... et la mémoire est courte. A un moment donné, il y aura certainement une crise de l’immobilier car celui-ci se comporte un peu comme la bourse.  » 92% rejettent l’idée de vendre leur maison en viager.Renaud Grégoire :  » La rente viagère est complexe parce que difficile à réaliser. Il y a beaucoup plus de personnes prêtes à vendre en viager que d’acheteurs. Cela changerait avec un encouragement fiscal. Une autre option est de vendre à un investisseur et de lui verser un loyer chaque mois. Ainsi, on se retrouve en possession d’un beau capital et on est assuré de rester chez soi jusqu’à la fin de ses jours. Mais payer un loyer pour une maison dont on était propriétaire est une idée difficilement acceptable psychologiquement pour la plupart des gens. « Pour plus d’informations sur le projet de la Fondation Roi Baudouin, cliquez sur www.avosprojets.be

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