Purée, mais où se perd le prix de la patate ?

Les 100 kilos de pommes de terre valent désormais... 1 euro au prix de gros ! Payez-vous ce prix dans votre magasin ? Que nenni !

Avec le confinement, dont on voit le bout du tunnel, de nombreux appels à vivre différemment et à consommer de manière différente fleurissent sur les réseaux sociaux. En ligne de mire les grandes enseignes, les hypermarchés et tutti quanti qui ont toutes les dé-vertus de la malbouffe cancérigène. Et, dans un autre coin côté du ring, il y a l’alimentation locale qui, comme celle du producteur d’asperge verte, aurait a minima plus de vertus morales et accessoirement gustatives. On pense à l’empreinte carbone réduite, aux bienfaits pour l’économie locale et au tissage de liens sociaux, car le consommateur rencontre le producteur.

Parmi ces producteurs locaux si présents dans nos campagnes retenons les malheureux de la crise : les producteurs de pommes de terre. Ils n’ont plus la frite, au risque de commettre un mauvais jeu de mots. On apprend dans le « Sillon Belge », la gazette des agriculteurs, que la « crise du coronavirus pèse sur le prix des pommes de terre qui n’ont quasi plus de valeur. Ainsi, 100 kilos de pommes de terre valent désormais 1 euro, un prix historiquement bas. » Un euro pour 100 kilo, vous lisez bien ! Bon, il s’agit des patates cultivées sur le marché libre, celles qui ne sont pas cultivées sous contrat de producteur, comme celles par exemple destinées à l’usine de chips Crocky à Mouscron. Mais bon, les prix se sont effondrés...

Le prix du paquet inchangé

Il demeure étrange, quand on se rend dans sa friterie habituelle, de constater qu’il n’y a pas de changement de tarif sur le prix du paquet. Quand on le fait remarquer à son friturier favori, celui-ci réplique que le prix de la patate est accessoire dans son business. C’est paradoxal. Mais vérification faite, pour un paquet de frites normal, la valeur en pomme de terre n’est que d’une quinzaine de pourcents. Tout le reste est constitué d’un peu de matières premières, mais surtout de taxes et de charges. Ce sont ces dernières qui sont les ingrédients principaux du prix du paquet de frites, comme celui du cervelas et de la sauce andalouse.

La note reste salée

Pas de gros changements non plus de tarif pour vos frites congelées en supermarché et de vos chips. La grande distribution dit avoir de nombreux coûts annexes, un peu comme ceux du friturier local, ce qui explique le peu de variation des prix. Au moment où nous écrivons ces lignes, les pommes de terre Nicola primeur sont à 7,95 € pour 5kg (source Colruyt Collectandgo). Mais dès lors, où donc se perd l’argent entre le prix payé au producteur et celui déboursé par le consommateur ? D’autant que personne ne dit en profiter. Notre petit doigt nous dit qu’il faut malgré tout regarder dans les marges bénéficiaires de la grande distribution et de ses intermédiaires : les grossistes. Evidemment, ces marges bénéficiaires sont confidentielles, mais un indice pourrait nous mettre la puce à l’oreille. Nos confrères du journal « l’Echo » écrivait, il y a quelques jours, que les enseignes de la grande distribution en Belgique ont bouclé leur premier trimestre sur une formidable croissance. Pour Ahold-Delhaize, par exemple, « la croissance des revenus est particulièrement spectaculaire en mars: +26,7%. La crise du Covid-19 est passée par là (...) Rien que pour la première semaine de confinement, le bureau d’études Nielsen chiffrait la hausse des ventes en supermarché et dans les magasins de proximité belges à 37,5% (+94 millions d’euros). » La crise profite bien à quelqu’un.

Le problème de l’export

Résumons : le prix de la patate chute, mais le consommateur n’en profite pas véritablement. Question subsidiaire : est-ce que les Belges achètent encore des pommes de terre. Réponse : oui. Il y a même eu une augmentation spectaculaire de la demande de pommes de terre fraîches, selon Belpotato, l’interprofession belge du secteur. Les emballeurs ont peiné répondre à la demande de produits tant les consommateurs étaient derrière leur fourneau. Les ventes de chips et de produits surgelés ont également augmenté de façon spectaculaire. « Le problème est venu des entreprises d’épluchage qui fournissent des frites précuites aux restaurants et aux cuisines collectives. Mais surtout, en Belgique, la grande majorité de la production de pommes de terre (environ 80 %) est destinée à la transformation en produits surgelés, dont la majeure partie est valorisée à l’exportation. » Et ce sont les ventes à l’export qui se sont lamentablement crachées tout comme les prix à la tonne en réaction.

Reste que le consommateur n’en profite pas, répétons-nous. Et que le producteur ne vend plus ses produits à un juste prix. Les patates leur restent même sur les bras. Rien que pour la Wallonie, le risque de gaspillage alimentaire est désormais évalué à près de 400.000 tonnes de pommes de terre. La Région wallonne vient donc de mobiliser 30.000 € pour écouler des tonnes de pommes de terre vers les banques alimentaires. Parallèlement, une action est menée pour inciter la grande distribution à vendre des pommes de terre belges, ainsi qu’une campagne en faveur des consommateurs.

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