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Prêter de l’argent dans les règles de l’art

Comment rédiger le meilleur des contrats. Quels sont les pièges à éviter. Quid de la fiscalité et de la... psychologie du prêt.

Un proverbe dit « Qui prête à un ami perd à la fois l’argent et l’ami ». Alors, pour éviter les litiges, il est important de faire les choses dans les règles. D’autant que si un ami vous demande un prêt, c’est qu’il a souvent épuisé les voies classiques du prêt bancaire et qu’il a besoin de votre aide pour surmonter quelques difficultés passagères après des problèmes de santé, un divorce, un accident de la vie, etc. Vous pouvez aussi aider des membres de votre famille, par exemple des petits-enfants qui veulent acquérir leur première habitation...

Toujours un document !

Rien n’oblige le prêteur et son débiteur à mettre leur accord par écrit. Certains sont même gênés de devoir mettre le tout noir sur blanc. La peur d’une remarque cinglante du genre  » Quoi, tu ne me fais pas confiance !  » doit pourtant être jetée aux orties. Un document bien rédigé évitera au contraire les discussions, malentendus et réclamations. N’oubliez jamais : les paroles s’envolent, les écrits restent. Maintenant, si le montant est inférieur à 375 €, une simple reconnaissance de dette rédigée à la main suffira. Un écrit signé du genre : « Monsieur/Madame... reconnaît devoir la somme de... ? à Monsieur/Madame... Fait à... le... Bon et approuvé pour la somme de ... ? . »

N’ayez pas peur d’une remarque cinglante du genre « quoi, tu ne me fais pas confiance ?!

Il est par contre plus que souhaitable d’établir un contrat de prêt en bonne et due forme pour les gros montants. Et ce, pour qu’il soit validé devant les tribunaux en cas de litige. L’article 1326 du Code civil belge renseigne les mentions qui doivent s’y retrouver. Une reconnaissance de dette doit toujours être écrite, datée et signée par le débiteur. Elle doit préciser les noms, prénoms et dates de naissance des deux parties. L’article du Code mentionne comment le débiteur s’engage à payer sa dette : avec mention manuscrite « bon pour », somme en toutes lettres, etc. Pour être valable, le document ne doit pas être entièrement dactylographié. Voir notre modèle de reconnaissance de dette ci-contre.

La force du virement

Pour le reste, il faudra toujours privilégier le virement bancaire du prêt. Pourquoi ? Car c’est une preuve indiscutable. Le créancier peut dès lors prouver qu’il a bien envoyé l’argent sur tel compte, à telle personne. Il ajoutera une communication utile en ce sens.

Il en va de même pour celui qui rembourse : les virements lui permettront de prouver qu’il a bien respecté ses obligations de remboursement et les échéances (mensuelles ou autres). Exemple d’une communication type : « remboursement prêt Mario 08/2020 ».

Astuce : établissez un calendrier précis des remboursements. En effet, à défaut, l’emprunteur ne remboursera que lorsqu’il en a les moyens. La porte ouverte aux ennuis...

Faut-il l’enregistrer ?

Comment faut-il conserver le document du prêt ? Vous pouvez bien entendu le garder au fond d’un tiroir mais, par mesure de sécurité, le plus prudent serait de le faire enregistrer auprès du Bureau de sécurité juridique (anciennement appelé Bureau d’enregistrement) le plus proche de chez vous. Il en coûtera 50 €.

Si l’enregistrement du document n’est pas obligatoire, il permet de donner une date incontestable au contrat sous seing privé. Pour un acte authentique, pour rendre votre contrat encore plus solide juridiquement, il faudra vous adresser à votre notaire. Un acte authentique a une valeur probante qui peut difficilement être remise en cause.

MODÈLE DE RECONNAISSANCE DE DETTE

Je soussigné(e) _______ (nom et prénom),

né à _______(lieu) le _______ (date), domicilié(e) à _______(adresse), reconnais devoir à _______ (nom et prénom), né à _______ (lieu) le _______ (date), domicilié(e) à (adresse) _______, la somme de _______ (somme écrite en chiffres et en lettres), qu’il m’a prêtée en date du (date) _______.

Je m’engage à lui rembourser cette somme en _______mensualités de _______ EUR, dont la première échéance est fixée à la date du _______ chaque mensualité ayant comme échéance le _______de chaque mois.

Chaque mensualité sera versée sur le compte de _______ (nom et prénom et numéro de compte) et devra porter la communication _______ (nom de la communication).

Précisez si il y a des intérêts ou non.

Fait à _______ (ville), le _______ (date).

Mention manuscrite :

 » BON POUR + la somme en toutes lettres  »

Signature de l’emprunteur

Quelques remarques supplémentaires : si le document fait plusieurs pages, par exemple pour détailler des garanties éventuelles et des modalités de paiement, il faudra faire parapher toutes les pages. Et si l’emprunteur est marié sous le régime de la communauté, le nom de son conjoint devra aussi être indiqué.

Avec ou sans intérêts ?

Si le prêteur demande des intérêts au débiteur, il sera imposable sur les intérêts perçus. Le SPF Finances est clair : il y a obligation fiscale lorsque le prêt produit des intérêts via la souscription d’une déclaration au précompte mobilier. Cette déclaration se fait par le biais du formulaire 273, facilement téléchargeable sur internet. Techniquement, c’est celui qui a reçu l’argent en prêt qui va payer le précompte mobilier. Cet impôt de 30% sur les intérêts est libératoire, retenu « à la source ». En clair, le débiteur ne paiera au prêteur que 70% des intérêts. Les 30% restant iront aux impôts. Conséquence ? L’emprunteur devra déclarer les intérêts dans sa déclaration fiscale.

Les intérêts payés sont-ils déductibles ? Certains le sont. Par exemple si le prêt est destiné à acquérir une habitation familiale. Ou alors si le prêt est destiné à financer des activités professionnelles, ces intérêts sont des frais professionnels déductibles. Il est bien entendu conseillé de s’adresser à un comptable.

Attention, en matière d’intérêts, la loi interdit l’usure. « Le prêteur ne peut pas abuser des faiblesses ou de l’ignorance de l’emprunteur en fixant un intérêt excédant manifestement l’intérêt normal. Inutile donc de charger l’emprunteur avec un taux d’intérêt de 27 %, souligne-t-on chez Droits Quotidiens, services juridiques. Dans ce cas, à la demande de l’emprunteur, le juge peut réduire ses obligations au remboursement du capital prêté et au paiement de l’intérêt légal. »

Si un décès survient

Imaginez que l’emprunteur décède. Sa dette ne s’éteint pas. Ce sont les héritiers qui ont accepté la succession qui devront continuer à rembourser le prêt sauf clause contraire. Selon la même logique, le décès du prêteur n’oblige pas l’emprunteur à solder sa dette. Il poursuivra ses remboursements aux héritiers. Notons que le prêt fera partie des actifs de la succession, avec des droits de succession donc.

Et si vous avez prêté de l’argent à vos enfants ? Si vous ne souhaitez pas qu’ils soient redevables de droits de succession, « il conviendra de convertir ce prêt en donation indirecte, au moyen d’une remise de dette, expliquait le fiscaliste Adrien Biquet dans les colonnes de MoneyTalk. Pour que cette remise de dette échappe aux droits de succession, l’acte devra soit subir les droits de donation de 3% (ou 3,3% en Région wallonne) en ligne directe soit intervenir trois ans avant votre décès. »

En cas de litige

Pour conclure, si un emprunteur ne respecte pas les échéances de remboursement ou tout simplement conteste avoir reçu une somme d’argent, la démarche, certes pénible, sera la suivante : vous contacterez d’abord l’emprunteur de manière informelle pour lui demander pourquoi il ne paie pas. Après une lettre recommandée avec accusé de réception, si les paiements se font toujours attendre, il ne vous restera plus « qu’à » intenter une action en justice pour récupérer vos sous.

Il n’est pas rare que le règlement d’une dette entre particuliers se termine devant les tribunaux. « Si vous voulez vous débarrasser d’un ami, prêtez-lui de l’argent », dit un autre dicton.

Comment dire non

Argent et amitié (ou amour) ne font pas bon ménage. Si un ami vous demande de l’argent, une double contrainte risque de vous perturber l’esprit. Soit vous décidez de ne pas lui prêter d’argent et vous risquez de le fâcher. Soit vous faites le pari stressant que tout se passe bien. Mais sachez que vous avez le droit de dire non. Et si c’est un véritable ami, il ne vous en voudra pas. Pour le reste, vous pouvez argumenter ainsi pour justifier votre refus :

  • Expliquez simplement que, malgré les apparences, vous n’avez pas les moyens ou que cet argent est destiné à vos enfants qui en ont besoin. Si c’est un mensonge, évitez cet argument. Vous pouvez bien entendu prêter un montant plus petit que celui réclamé.
  • Soyez honnête. Expliquez que cela risque de compromettre votre amitié, que vous n’êtes pas rassuré à l’idée de ne plus revoir votre argent. Expliquez à cette personne que vous l’appréciez, que vous lui faites confiance, mais que ce n’est pas dans vos capacités (psychologiques ou autres).
  • Proposez une aide autre que financière : payez de votre personne en temps et en actions plutôt qu’en euros. On pensera au bricoleur qui ira aider son ami.

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