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Les coffres sont-ils réellement inviolables ?

Quand on place ses objets de valeur dans un coffre à la banque, on les croit en parfaite sécurité. Mais, en cas de vol ou de dégradation, est-on indemnisés ? Et comment un coffre de banque est-t-il inventorié après un décès ? »

« Lorsque je dis que ma richesse est intérieure, je veux dire que mon argent est dans un coffre », s’amuse l’humoriste Philippe Geluck. Cette richesse  » intérieure  » peut parfois prendre l’eau. Des clients d’une banque du Brabant flamand ont récemment été avertis que des problèmes d’humidité menaçaient leur salle des coffres. Caramba ! Mon tableau de valeur que je croyais à l’abri va-t-il gondoler ? C’est le paradoxe pour ceux qui désirent protéger biens et documents contre le vol et les... inondations.

Toujours en matière de fuite, un fait divers a été mis sous les feux de la rampe en février dernier. Des malfaiteurs ont pénétré dans la salle des coffres d’une agence bancaire anversoise en creusant des tunnels au départ d’égouts. Plusieurs coffres ont été forcés. Dernièrement toujours, un client de la banque BNP Paribas Fortis a médiatisé sa désagréable aventure. En 2013, des vols ont été commis dans plusieurs salles des coffres en région bruxelloise. Des malfaiteurs ont réussi à ouvrir les coffres sans traces spectaculaires d’effraction. Six ans plus tard, ce plaignant dit n’avoir toujours pas été indemnisé. Il avait placé 40.000€ en billets de 500 dans son coffre. Une enquête est toujours en cours, ce qui explique en partie le délai. Et ladite enquête peine toujours à expliquer le modus operandi des faits et encore moins à trouver les coupables.

Veillez à conserver des photos de vos bijoux ou une estimation réalisée par un expert.

Bien entendu, à la lecture des quelques lignes qui précèdent, la question est de savoir si biens et argent sont réellement protégés dans le coffre d’une banque. La réponse est oui dans l’immense majorité des cas. Les couacs sont en réalité plutôt rares. Mais ils existent. Et en cas de problème, les banques indemnisent-elles correctement leurs clients ? Réponses...

La charge de la preuve

Certes, les banques louent leurs coffres avec une assurance comprise pour le contenu en cas de sinistre. Les valeurs déposées dans le coffre sont couvertes sans limite et gratuitement contre le vol, l’incendie et les dégâts des eaux. Mais, comme pour tous les contrats d’assurance, la personne lésée doit apporter des preuves de ce qu’elle a perdu.  » En principe, tout le contenu du coffrefort est assuré, à condition que le client puisse prouver par des factures ou d’autres preuves de ce qui était réellement présent « , détaille Pieter Kussé, porte-parole pour la KBC. Pas d’autre son de cloche chez ING :  » La preuve de l’existence du contenu du coffre et de sa valeur au jour du sinistre incombe au locataire (factures, décomptes de coupons, bordereaux, photos). Le locataire évitera de placer dans le coffre les documents susceptibles de prouver l’existence des valeurs et de permettre leur identification et leur estimation. « 

Vous avez perdu des bijoux de valeur dans la mésaventure ? Venez au minimum avec des photos, par exemple prises lors du dernier mariage de votre petit cousin. Les estimations d’experts sont aussi prises en compte. Pour l’argent, c’est plus problématique. Un banquier nous expliquait discrètement qu’un vol dans coffre-fort peut devenir très fâcheux en cas d’argent noir. Car comment apporter la preuve de sommes par définition discrètes, voire carrément secrètes ? Rappelons que, comme dans d’autres assurances contre le vol, toute déclaration fausse ou exagérée entraîne la déchéance du droit à l’indemnisation.

Combien ça coûte ?

La location d’un coffre varie selon sa taille. Auprès des grandes banques, il faut généralement compter une cinquantaine d’euros par an pour la location d’un petit coffre, par exemple de 17 dm3. Un coffre de taille standard est loué environ 70€ par an pour 20 dm3. Les plus grands coffres, au-delà de 400 dm3, peuvent se louer 500€.

Veillez aussi à ne pas perdre votre clé ! Il n’y a en effet qu’une seule, assortie d’un seul code pour accéder à un coffre bancaire. En cas de perte ou de vol, ça coûte bonbon ! Pas d’autre choix pour le client que de demander l’ouverture forcée du coffre et d’installer une nouvelle serrure. Chez BNP Paribas, la banque belge qui loue le plus de coffres, il faut débourser environ 210€ pour le passage d’un serrurier. Et ce n’est pas la banque la plus chère en la matière. Cette somme sera aussi à débourser par les héritiers s’ils ne retrouvent pas la clef du défunt. A bon entendeur...

Les coffres à domicile

Le marché du coffre-fort privé a connu une belle croissance ces dernières années. Les avantages d’un coffre à domicile sont un accès à tout moment, même après un décès, et sa discrétion. Mais est-ce sage d’avoir un coffre chez soi ? Cela peut l’être à condition que le coffre soit scellé dans un mur et non simplement posé (sauf les coffres d’un poids supérieur de 500 kg). Sans quoi les voleurs peuvent repartir avec le coffre et l’ouvrir à leur aise, plus loin, avec un chalumeau. Le coffre doit être encastré dans un mur et entièrement scellé dans du béton. Le coût ? Plusieurs centaines d’euros selon les projets.

Si vous gardez chez vous des bijoux ou des objets d’art de grande valeur, votre assureur devra en être averti. Des surprimes sont à prévoir en cas de couverture contre le vol. Enfin, garder des biens de haute valeur chez soi, c’est aussi prendre le risque d’être victime de violences. Certains auteurs de vols dans les habitations ont recours à des menaces et des coups afin d’obtenir la combinaison et la clé du coffre.

Décès : le coffre est bloqué

 » Lorsque mes parents ont voulu nous accorder, à mon frère et à moi,un mandat pour leur coffre, le banquier nous a demandé de venir tous ensemble pour signer les formalités. C’était contraignant. Est-ce normal ? », s’interroge Emma. Certaines banques comme ING imposent effectivement que tous les intervenants soient présents lors de l’attribution, la révocation ou la modification des mandats sur les contrats coffres. D’autres institutions ne convoquent pas tout le monde en même temps. Par la suite, et là c’est partout pareil, chaque colocataire ou mandataire qui demandera à accéder à la salle des coffres devra, à chaque visite, apposer sa signature dans le registre prévu à cet effet par la banque.

Les coffres sont-ils réellement inviolables ?
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L’accès avant le décès

Imaginons un couple... L’épouse décède. La banque sera tenue de signaler l’état de ses comptes à l’administration Sécurité juridique (jadis administration de l’enregistrement). Ce signalement va refléter la situation financière à 00h00 le jour du décès. Et ce, même si la personne est morte à 23 heures. C’est important de le souligner. Car, en tant que mandataire, il n’est vraiment pas judicieux de retirer de l’argent quelques heures avant le décès. Vous paierez les droits de succession et une amende.

Le principe est le même pour un coffre bancaire. Dès que la banque est avisée du décès d’une personne, le coffre est bloqué. Mais dans les faits, les banques sont souvent averties du décès plusieurs jours après la mort. Cela signifie que le coffre sera toujours libre d’accès pour les colocataires et les mandataires. Mais attention, car le fisc peut toujours demander à la banque le registre des visites au coffre ! Certains couples pensent cependant trouver une astuce en louant deux coffres dans la même salle des coffres de la même banque. Ainsi, même si le coffre du défunt est scellé, le survivant peut toujours se rendre dans la salle des coffres sans s’attirer les foudres de l’imposition.

Posséder un coffre à domicile est une solution, mais il n’est pas forcément à l’épreuve des voleurs.

Attention à l’inventaire !

C’est obligatoire, dès l’annonce d’un décès, les banques sont tenues de sceller l’accès au coffre loué par le défunt ou son conjoint. Pourquoi ? Car le fisc veut avoir un droit de regard. Il ne désire pas que les héritiers vident le coffre avant qu’il n’ait été inventorié. Notons que si le conjoint survivant loue un autre coffre, il sera aussi bloqué, même en cas de séparation des biens. Auparavant, les coffres des conjoints survivants n’étaient pas inventoriés. Ce n’est plus le cas. Certes, seule la valeur du contenu du coffre du défunt est ajoutée à l’actif de la succession... Mais, car il y a un  » mais « , l’Etat connaît désormais le contenu du coffre du survivant avant son décès ! Et cela risque d’être problématique si, au moment du décès, il y a d’importantes différences de valeurs et de liquidités.

Les bijoux de la discorde

Si le coffre est bloqué par l’Etat, c’est que son contenu doit entrer dans les calculs de la succession. Pour le débloquer, outre la production d’un acte d’hérédité, un inventaire du coffre du défunt doit être établi dans les règles de l’art. Il est généralement établi par des représentants de la banque et signé pour accord par les héritiers ou leurs représentants. En théorie, l’inventaire du coffre peut également être dressé par le notaire ou un délégué de l’administration. Mais ils sont rarement présents.

L’inventaire mené à bien, la valeur du contenu du coffre du défunt sera ajoutée à l’actif de la succession. Ce qui n’est pas (une nouvelle fois) sans poser problème dans certains cas. Imaginons un frère et une soeur. Le frère a permis à sa soeur de laisser ses bijoux de valeur dans son coffre pour les protéger des voleurs. Mais au moment du décès du frère, cela va créer des embarras au sein de la famille. Car la valeur des bijoux va être ajoutée à la masse successorale du défunt. Les bijoux seront rendus aux héritiers légaux, par exemple aux enfants du défunt s’il en a (et donc pas à sa soeur). Les enfants seront libres de rendre les bijoux à leur tante (ou pas). Ils devront en outre payer des droits de succession sur leur valeur.

En cas de fermeture d’agence

Les coffres bancaires sont moins populaires depuis la loi de 2005 sur la suppression des titres porteurs. Mais il en reste encore environ 600.000 dans les grandes banques du pays malgré les fermetures d’agences.

Justement, que se passe-t-il lorsqu’une agence, qui dispose d’une salle des coffres, met la clef sous le paillasson ? Les clients sont d’abord convoqués à la banque pour vider leur coffre. Il leur est généralement proposé de louer un autre coffre dans une agence du même réseau. Tout en conservant leur contrat ? Techniquement, non. Car le contrat de location est lié à l’agence. C’est donc aux clients à faire les démarches pour trouver un coffre ailleurs.

Pas de testament dans le coffre

On le répète : la banque a légalement l’obligation de bloquer le coffre loué par le défunt ou son conjoint. Les héritiers ne peuvent pas, en conséquence, accéder au coffre tant que l’administration n’a pas connaissance de son contenu. Il ne faut donc pas laisser son testament dans son coffre.

C’est logique, car comment les héritiers pourraient-ils prendre connaissance d’un testament bloqué dans un coffre ? Tout cela risque de méchamment ralentir les démarches. La banque devra bloquer de nouveau le coffre et obligatoirement demander l’intervention d’un notaire. Le blocage durera tant que ce dernier n’aura pas pu déterminer à qui reviennent les avoirs bancaires.

Une boîte à (mauvaises) surprises

On ne décide jamais de l’heure de sa mort, mais bien de ce qu’on peut laisser dans son coffre. Les coffres ne contiennent pas unqiuement des biens de valeurs, mais aussi des documents très importants (un acte d’adoption, un diplôme) ou sentimentaux comme des lettres d’amour. A ce sujet, n’oubliez jamais qu’après votre décès, le coffre-fort bancaire sera ouvert et inventorié devant des inconnus (au minimum les représentants de la banque) et de tous les ayant-droits.

Une anecdote nous est, à ce sujet parvenue, celle d’un mari qui avait gardé des photos intimes de lui et de sa maîtresse. Imaginez la tête de sa femme qui a découvert, images à l’appui, la tromperie de son homme après son décès. Pour vos héritiers, un coffre sera comme une boîte à bonnes ou mauvaises surprises. À vous de biffer la mention inutile.

Il est l’or !

Pourquoi loue-t-on un coffre ? Pour y placer des bijoux, des liquidités, des documents officiels et de... l’or évidemment. D’autant que le métal précieux a retrouvé tout son éclat. Les investisseurs y succombent de nouveau. Comment l’expliquer ? Les actions ont baissé en 2018, les taux d’intérêt stagnent. L’or conforte donc son statut de valeur refuge. Il permet de contrer la perte de valeur de la monnaie.

D’autres raisons de croire en l’or ces prochaines années ? Le métal profite hélas des tensions géopolitiques récurrentes, mais aussi d’une forte demande en joaillerie, lingots et pièces tant en Inde qu’en Chine. Enfin, dernier indice pour y croire, les achats d’or des banques centrales sont au plus haut depuis 1967.

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