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Erreur médicale : comment être bien indemnisé

Une personne qui subit un dommage suite à des soins médicaux peut en demander réparation. Trois possibilités s’offrent à elle : un règlement amiable, la justice ou le Fonds des accidents médicaux.

Les médecins sont des êtres humains et, à l’instar de tout être humain, ils sont susceptibles de commettre des erreurs. Lorsqu’un patient est victime d’un dommage suite à la bévue d’un médecin, la responsabilité de ce dernier est engagée et il doit – lui-même ou son assurance – indemniser le patient. Si le dommage ne résulte pas d’une erreur du médecin, on parle d’un  » accident médical  » et, dans ce cas, l’indemnisation éventuelle est payée par le Fonds des accidents médicaux, organisme créé il y a plusieurs années.

Vous soupçonnez l’erreur d’un dispensateur de soins. Que faire en priorité ?

En tant que patient, vous avez le droit de savoir quelle erreur a été commise et ses conséquences médicales. Etant donné que vous devez vous-même apporter la preuve de l’erreur, il est conseillé de rassembler le plus d’informations possible et, en premier lieu, auprès du dispensateur de soins qui s’est occupé de vous. Si vous n’avez plus confiance en lui, vous êtes en droit d’en choisir un autre pour lui demander un second avis. Exigez également une copie de votre dossier médical. Notez en outre quel dispensateur de soins a posé quel acte et à quel moment. Conservez soigneusement toutes les correspondances : factures, lettres et e-mails.

Faut-il systématiquement s’adresser au tribunal ?

La victime d’une erreur médicale dispose de plusieurs possibilités pour obtenir réparation. Il n’est donc pas nécessaire de s’adresser d’emblée au tribunal. En fait, trois voies s’offrent à elle :

  • Proposer un règlement amiable au dispensateur de soins et/ou à son assurance en responsabilité civile professionnelle;
  • Engager une procédure judiciaire, au civil ou au pénal;
  • Introduire une demande auprès du Fonds des accidents médicaux.

Comment le règlement amiable se déroule-t-il ?

La première démarche consiste à adresser au dispensateur de soins une mise en demeure – par courrier recommandé – lui proposant un règlement amiable. Il avertira sa compagnie d’assurance de sorte que, vous et la compagnie, vous vous accordiez sur une procédure d' » expertise amiable  » : un collège d’experts est chargé d’analyser les causes et les conséquences du dommage allégué. Si, sur base du rapport des experts, la compagnie d’assurance conclut à l’erreur du dispensateur de soins, une indemnisation est négociée.

L’expérience montre qu’il est parfois difficile de faire la preuve d’une erreur médicale mais aussi de négocier avec les compagnies d’assurance. Les propositions de règlement amiable sont régulièrement inférieures aux dommages et intérêts octroyés par un tribunal. Faites-vous assister par un avocat spécialisé et/ou un médecin conseil (un médecin spécialiste) qui intervient en toute indépendance par rapport à la compagnie d’assurance.

Comment la procédure devant le tribunal civil se déroule-t-elle ?

Vous pourriez choisir d’engager une procédure devant le tribunal civil, en adressant une citation à comparaître. Pour faciliter l’obtention de preuves, vous êtes en droit de demander la nomination d’un expert qui sera chargé d’examiner votre demande. Par la suite, le tribunal lui-même examinera la demande et octroiera ou non des dommages et intérêts. Notez bien qu’un traitement médical qui ne conduit pas à la guérison n’est pas nécessairement incriminable.

En tant que victime, il vous appartient d’apporter la preuve que le dispensateur de soins n’a pas appliqué le traitement normal et consciencieux qu’un autre aurait appliqué dans les mêmes circonstances.

Ensuite, vous devez prouver l’existence d’un dommage qui peut être d’ordre physique, psychologique et/ou financier. Seuls les dommages consécutifs à l’erreur alléguée peuvent faire l’objet d’une indemnisation.

Enfin, la victime doit encore établir le lien de causalité entre l’erreur et le dommage. Pour cela, elle peut se faire assister d’un expert. Il est souvent délicat d’établir qu’un patient aurait eu de meilleures chances de rétablissement sans l’erreur du dispensateur de soins. Prenons l’exemple d’une femme enceinte atteinte, au cours de la grossesse, d’un diabète gestationnel. Son gynécologue lui prescrit des médicaments mais elle fait une fausse couche. Cette fausse couche résulte-t-elle des médicaments prescrits ou se serait-elle produite de toute façon ? Il appartient à un expert de trancher.

Comment la procédure devant le tribunal pénal se déroule-t-elle ?

Il existe encore la voie pénale, par laquelle vous déposez plainte en vous constituant partie civile, le dossier étant alors transmis à un juge d’instruction. Le traitement erroné ou imprévoyant doit alors être juridiquement qualifié en tant que délit, par exemple négligence coupable ou coups et blessures non intentionnelles. Exemple : un dispensateur de soins injecte à un patient un produit de contraste. Celui-ci développe une réaction allergique à laquelle il succombe. La famille de la victime est fondée à déposer une plainte contre le dispensateur de soins pour négligence coupable.

Comment la procédure devant le Fonds des accidents médicaux se déroule-t-elle ?

La procédure étant gratuite et plus rapide que le tribunal, la victime d’une erreur médicale peut très bien opter pour le dépôt – par courrier recommandé – d’une demande auprès du Fonds des accidents médicaux. Trois possibilités existent : la déposer soi-même en téléchargeant le document de demande sur le site www.fmo.fgov.be, se faire assister d’un avocat spécialisé ou demander l’aide de sa mutuelle pour compléter le dossier. Le Fonds examine la demande, désigne un expert et remet un avis. L’objectif est d’arriver, pour les dossiers relativement peu complexes, à indemniser la victime dans un délai d’un an à dater de l’introduction de la demande.

Le Fonds peut également accorder des dommages et intérêts quand bien même le prestataire de soins n’a commis aucune erreur. On parle d’accident médical sans responsabilité mais, pour que le Fonds intervienne, les dommages doivent être suffisamment graves. On retient quatre cas :

  • une invalidité permanente de plus de 25%
  • une incapacité de travail temporaire d’au moins 6 mois
  • des troubles particulièrement graves (y compris d’ordre financier) dans les conditions de vie
  • le décès de la victime

La victime ne doit donc pas prouver d’erreur mais bien les dommages subis et leur lien avec le traitement médical reçu.

Que se passe-t-il si l’erreur existe mais que le médecin la conteste ou est insuffisamment assuré ? En dépit d’un rapport d’expert concluant à l’erreur du médecin, le Fonds indemnise lui-même la victime lorsque le médecin conteste sa responsabilité, lorsque son assurance propose une indemnisation insuffisante ou lorsque le médecin est insuffisamment couvert par son assurance.

Peut-on simultanément aller en justice et introduire une demande auprès du Fonds ?

Non. Mais supposons que vous vous soyez d’abord adressé au tribunal et que celui-ci ait rejeté votre demande. Dans ce cas, vous pouvez vous tourner vers le Fonds. A l’inverse, vous pouvez également contester l’avis du Fonds devant un tribunal. Bien entendu, vous ne serez pas indemnisé deux fois pour le même dommage.

De combien de temps disposez-vous pour introduire votre dossier ?

La victime qui s’adresse au Fonds ou au tribunal doit le faire dans un délai de vingt ans à dater du traitement médical ou de cinq ans à dater de la constatation d’un dommage. Pour la victime d’une erreur médicale, il n’est parfois pas facile d’en établir la matérialité, par exemple après une intervention chirurgicale. Il ne serait pas sain que le délai de prescription soit tellement long que la victime elle-même ne puisse faire le lien entre son état et une (éventuelle) erreur médicale.

Demandez conseil

Il n’y a pas de  » meilleure voie  » à suivre quand on est victime d’une erreur médicale. Tout dépend des circonstances particulières et des dommages subis. D’une manière générale, mieux vaut commencer par proposer un règlement amiable qui agrée les deux parties. Si vous n’arrivez pas à un accord ou que la proposition est insuffisante, adressez une demande d’avis au Fonds qui désignera un expert apte à déterminer si la responsabilité du médecin est ou non engagée.

Si elle ne l’est pas, le Fonds pourra éventuellement vous indemniser, pour autant que vous répondiez aux conditions (p.ex. : une invalidité permanente de 25%) et celles-ci sont relativement sévères. Il faut également savoir que l’intervention financière du Fonds est limitée. Si vous l’estimez insuffisante, vous pourrez, en dernière instance, vous adresser au tribunal mais il vous incombera de prouver l’erreur, le dommage et le lien de causalité.

Un avocat spécialisé en droit médical vous conseillera utilement car, dans certains cas, il est préférable d’entamer immédiatement une action en justice. Il pourra vérifier que vous disposez d’une assistance en justice ou que vous avez droit au pro deo, de sorte que ses frais et honoraires ne seront pas trop élevés.

Porter plainte auprès de l’Ordre ?

Il arrive que certaines victimes portent plainte auprès de l’Ordre des Médecins. Si une telle démarche peut conduire à une sanction disciplinaire à l’égard du dispensateur de soins, elle ne donne droit à aucune une indemnisation de la victime.

JULIE HANTSON, AVOCATE

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