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Donation aux enfants : 5 techniques pour rester maître de son argent

Vous craignez que ce que vous donnez à votre enfant ne soit pas bien dépensé, finisse dans la belle famille ou entraîne d’autres problèmes? Voici cinq situations courantes et leur solution.

1. VOUS NE VOULEZ PAS QUE VOTRE ENFANT UTILISE L’ARGENT DONNÉ À UNE AUTRE FIN

Vous souhaitez aider votre fille à construire ou rénover sa maison. Vous avez mis 75.000€ de côté à cette fin, mais vous craignez que cet argent serve à financer (partiellement) une voiture de luxe ou un coûteux voyage.

LA SOLUTION? La donation par paiement de facture

Vous pouvez résoudre ce problème très simplement en convenant à l’avance avec votre fille quelle(s) factures(s) vous allez payer. Quand elle reçoit la facture, vous la payez simplement à sa place. Elle ne dispose donc à aucun moment de l’argent et vous avez la certitude que votre donation serve bien à payer les dépenses prévues.

Le paiement de la facture est considéré juridiquement comme une donation indirecte, tout comme un don bancaire. Votre fille ne paie donc pas de droits de donation. Mais elle devra s’acquitter de droits de succession si vous décédez dans les trois années qui suivent la donation.

Il est fortement conseillé d’acter la donation par écrit. Vous pouvez ainsi clairement préciser qu’il s’agit d’une donation et pas d’un prêt, et évitez les malentendus avec le fisc ou vos autres enfants.

Après avoir payé la facture, établissez rapidement un document probant (pacte adjoint) dans lequel vous expliquez « qu’une donation indirecte a été effectuée et acceptée par le donataire, via le paiement de la facture n° X datée du Y, par virement du compte A au compte B ». Ce document constitue, avec la facture et le virement, la preuve irréfutable de la donation indirecte. Vous pouvez aussi opter pour un échange de courriers recommandés, mais cette solution est moins pratique.

2. VOUS VOULEZ QUE VOTRE DON VOUS REVIENNE SI VOTRE ENFANT DÉCÈDE AVANT VOUS

Vous effectuez une donation à votre enfant et par sécurité, prévoyez une clause de retour dans l’acte ou le document probant de façon à ce que le bien donné vous revienne, en exonération d’impôt, si votre enfant décède avant vous. Mais qu’en est-il si le bien donné a été vendu entre-temps et que le produit de la vente a servi à acheter un autre bien? Si le bien donné n’existe plus ou a fait l’objet de rénovations?

LA SOLUTION? La subrogation.

En prévoyant une clause de retour avec « subrogation », la clause s’applique aussi à tous les biens acquis en remplacement du bien donné. Si vous effectuez une donation devant notaire, ce dernier l’inclut généralement automatiquement. Dans le cas d’un don bancaire, vous devez veiller à prévoir la clause de retour avec subrogation dans le document probant ou l’échange de courriers recommandés. « Le donateur se réserve le droit de retour des biens donnés au donataire, ou de ce qui les remplace par (ré)investissement, accroissement et remplacement des biens, si le donataire décède avant le donateur ».

Un exemple : Vous donnez un portefeuille de titres de 100.000 € à votre fils par don bancaire (virement) et incluez dans le document probant une clause de retour avec subrogation. Si votre fils décède avant vous, ce portefeuille de titres vous revient en exonération d’impôt. Si, entre-temps, votre fils a vendu ces investissements pour acheter un studio, c’est ce studio qui vous revient au lieu du portefeuille de titres. Si votre fils a liquidé le portefeuille de titres et utilisé l’argent pour financer des rénovations et différents achats, on ne sait alors plus très bien ce qui l’a remplacé. Dans ce cas, le donateur dispose d’une créance de la valeur du bien donné, soit 100.000€ dans ce cas.

3. VOUS CRAIGNEZ QUE VOTRE ARGENT ENRICHISSE L’EX DE VOTRE ENFANT

Lorsque les parents font une donation, ils redoutent souvent le spectre du divorce, craignant que l’ex de leur enfant parte avec la moitié de la donation.

Ce problème se pose surtout si votre enfant est marié sous le régime légal. En l’absence de contrat de mariage, tout est considéré comme commun sauf les biens dont disposait votre enfant avant le mariage ou qu’il a reçus par héritage ou donation pendant le mariage. Ce sont ses biens propres. À première vue, la loi vous offre donc une protection suffisante, car ce que vous donnez à votre enfant lui reste « propre » et n’est pas repris dans le patrimoine commun.

En pratique, les biens donnés sont toutefois souvent mêlés au patrimoine total de deux époux. Ils achètent des choses, paient des travaux de rénovation, placent l’argent donné sur un comte commun, etc. Dans le régime légal, tous les biens sont présumés communs, sauf preuve du contraire. Mais 10 ou 20 ans après la donation, parvenir à le prouver est loin d’être évident. Votre enfant risque donc de devoir partager les biens donnés avec son ex.

Cette confusion se produit principalement dans le cas de donations d’argent et de titres. Si vous donnez un portefeuille d’investissement à votre enfant, il est supposé lui être propre, mais les revenus -intérêts et dividendes- sont communs. Votre enfant réinvestit généralement ces revenus dans le même portefeuille de sorte qu’après quelques années, il n’est plus évident de faire la distinction entre ce qui est propre et commun.

LA SOLUTION? Un compte distinct, la conservation des preuves, la clause d’exclusion

Pour éviter cette confusion, votre enfant doit veiller à placer les revenus du portefeuille de titres donné sur un compte commun distinct. Par ailleurs, il est important de conserver soigneusement tous les documents prouvant qu’il s’agit de biens propres reçus par donation: preuve du virement bancaire, acte de donation notarié. Votre enfant doit aussi faire en sorte que l’argent donné demeure traçable s’il change de compte ou de banque. Et il doit tenir compte du fait que les banques ne conservent les extraits de compte que pendant 10 ans.

Par ailleurs, il est aussi recommandé de prévoir une clause d’exclusion dans l’acte de donation ou le document probant. Elle a pour conséquence que ce que vous avez donné à votre enfant (par exemple un appartement) ne peut pas être apporté dans la communauté matrimoniale sauf si vous donnez votre accord. Pour les donations immobilières, cela fonctionne très bien. Pour une somme d’argent, nettement moins, car il y a rapidement confusion.

La solution la plus simple est qu’en tant que donateur, vous précisiez dans le document probant ou l’acte de donation que les revenus générés par les biens donnés ne tombent pas dans la communauté.

4. EN TANT QU’USUFRUITIER DE L’APPARTEMENT QUE VOUS AVEZ DONNÉ, VOUS CRAIGNEZ D’AVOIR BESOIN D’ARGENT PLUS TARD

En tant que parents, vous donnez un appartement en nue-propriété à vos enfants, avec réserve d’usufruit, de façon à continuer à percevoir un loyer mensuel pour compléter votre pension (à terme). Mais si vous souhaitez ensuite revendre l’appartement, parce que vous en avez assez des conflits incessants avec les locataires, cela peut entraîner des discussions.

Imaginons que vous ayez tous les deux 76 ans, l’usufruit ne vaut alors plus que 16% de la pleine propriété. Vos enfants pourraient accepter de vendre, mais seulement s’ils reçoivent immédiatement leur part du prix de vente (84%). Alors que vous préféreriez évidemment réinvestir la totalité du prix de vente, par exemple dans un portefeuille de titres, de façon à continuer à percevoir les revenus de ce portefeuille.

LA SOLUTION? Une clause dans l’acte de donation.

Si l’entente est au beau fixe, cela ne pose pas de problème. Vous pouvez alors convenir avec vos enfants que le produit de la vente de l’appartement sera entièrement réinvesti avec le capital au nom des nus-propriétaires (vos enfants) et les revenus au nom des usufruitiers (vous). Et ce, aussi longtemps que les usufruitiers restent en vie. Au moment de votre décès, le capital ne se trouve plus dans votre succession. À noter que cet arrangement doit être convenu avant la vente, vous ne pouvez pas l’imposer après coup.

Il est donc crucial d’anticiper! Le mieux est de préciser dans l’acte de donation qu’en cas de vente (ou d’expropriation), vous souhaitez avoir le choix entre réinvestir le produit de la vente et conserver les revenus de ces investissements, ou recevoir votre part du capital (la valeur de l’usufruit). Le cas échéant, vous pouvez ainsi décider vous-même si vous avez besoin de ces revenus.

5. VOUS ÊTES USUFRUITIER D’UN PORTEFEUILLE DE TITRES QUE VOUS AVEZ DONNÉ, MAIS CRAIGNEZ QUE LES REVENUS SOIENT INSUFFISANTS

Vous disposez d’un portefeuille de titres bien garni et envisagez d’en donner une partie à vos enfants en nue-propriété. Vous en conservez ainsi l’usufruit, c’est-à-dire les intérêts et dividendes, pour compléter votre pension. Mais la plupart des portefeuilles d’investissement génèrent peu de dividendes et d’intérêts en raison de l’importance des fonds de capitalisation (sans coupon).

LA SOLUTION? Déterminez comment les capitaux doivent être investis, définissez l’usufruit

En pratique, vous pouvez résoudre ce problème en précisant clairement dans l’acte de donation que tant que, vous, l’usufruitier, vivez, le portefeuille ne peut être investi que dans des produits qui génèrent des revenus réguliers. D’un point de vue juridique, rien ne s’y oppose, car cela n’est pas contraire au principe « donné, c’est donné ». Vous ne faites que préciser la manière dont les capitaux doivent être investis. C’est donc une solution envisageable, mais qui vous enferme toutefois dans un carcan, où l’optimisation fiscale et la réactivité face à l’évolution des marchés deviennent plus difficiles.

Une autre excellente solution, encore trop rarement utilisée, est de « définir » votre usufruit. Concrètement, vous précisez clairement dans l’acte de donation le contenu exact de l’usufruit. Vous pouvez par exemple indiquer que l’usufruit englobe tous les intérêts et dividendes ainsi que la plus-value par année calendrier – soit la différence entre la valeur du portefeuille au 31/12 et au 1/1. Vous pouvez même prévoir que l’usufruit porte sur les intérêts et dividendes pour les produits avec coupon, et sur la plus-value pour les produits sans coupon.

Si ces revenus annuels découlant de l’usufruit vous sont nécessaires pour compléter votre pension, la meilleure solution est, par exemple, de vous laisser le choix chaque année calendrier entre a) tous les intérêts et dividendes, b) la plus-value du portefeuille entre le 01/1 et le 31/12 ou c) un rendement minimum de par exemple 2,5%. Grâce à cet usufruit assorti de différentes options, vous pouvez choisir chaque année ce qui vous convient le mieux.

Quelques derniers conseils pratiques. Après la donation, la plupart des banques ouvrent un compte en nue-propriété et usufruit. Concrètement, cela signifie qu’il existe deux comptes distincts. La banque verse les intérêts et dividendes directement sur le compte de l’usufruitier, ce qui n’est pas le cas de plus-values que vous auriez considérées comme faisant partie de l’usufruit dans l’acte de donation. Il est donc préférable d’en discuter avec votre banque à l’avance, certains établissements étant plus souples que d’autres.

En principe, les titres figurant le compte des nus-propriétaires doivent être gérés collectivement par les nus-propriétaires et les usufruitiers, sauf mention contraire. Ce qui est toutefois assez peu pratique et n’est aussi souvent pas le souhait des parents. En précisant dans l’acte que le portefeuille doit être considéré comme une universalité et qu’en tant qu’usufruitier, vous gérez cette universalité, vous contournez le problème.

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