Divorcer est-il vraiment devenu plus facile?

La loi entrée en vigueur en septembre 2007 a réformé le divorce en profondeur. Son objectif était clairement de limiter les effets destructeurs de la procédure sur les futurs ex-conjoints. Pari gagné ?

Avant la loi de septembre 2007 modifiant profondément les règles du divorce, il y avait trois façons de divorcer :

  • par consentement mutuel : on se mettait d’accord sur toutes les modalités de la séparation avant de comparaître deux fois devant le juge. Cela impliquait d’être d’accord sur absolument toutes les mesures, y compris celles concernant les enfants
  • la deuxième manière de divorcer était basée sur l’écoulement du temps : si on était séparé depuis deux ans, on pouvait demander le divorce. Le problème : celui qui demandait le divorce était présumé  » en tort « . Il devait donc renverser cette présomption, mais c’était la seule possibilité d’obtenir le divorce pour celui/celle dont le conjoint le refusait. Avec deux inconvénients majeurs : deux ans représentaient un délai relativement long et cela obligeait à invoquer des torts de l’autre
  • la troisième manière de divorcer était le divorce pour faute. Et là, on ne pouvait obtenir le divorce qu’après avoir établi les torts de l’autre en apportant la preuve des fautes qu’il avait commises : PV de coups et blessures avec plainte, constat d’adultère, etc.

Deux ans et demi après l’entrée en vigueur de la loi réformant la procédure en divorce, les divorces sont-ils vraiment prononcés plus vite ? Comment s’effectue la liquidation-partage des biens du couple ? Et où en est-on question de pension alimentaire pour le conjoint ? Benoît Malevé, avocat et médiateur familial, nous explique comment se vit et s’applique la nouvelle loi concrètement.

Quel est le plus grand changement qu’a apporté la nouvelle loi sur le divorce ?

Benoît Malevé : Le grand bouleversement que la nouvelle loi a apporté est d’avoir fait disparaître tout le débat sur la  » culpabilité « .

Des anciennes procédures, il ne reste aujourd’hui que le divorce par consentement mutuel. Elle a même été un peu simplifiée parce que, si on vivait déjà séparés depuis six mois au moment de déposer les conventions du règlement du divorce, il n’y a plus qu’une seule comparution. Simplification aussi au niveau de la procédure. Avant, on devait se présenter en personne aux deux comparutions. Si on ne pouvait pas le faire (parce qu’on se trouvait à l’étranger pour son travail, par exemple), il était possible de demander au président du tribunal une autorisation pour se faire représenter par un avocat ou un notaire. Aujourd’hui, c’est beaucoup plus simple. Il ne faut plus recourir à cette procédure-là et on peut d’office se faire représenter.

L’autre procédure existant aujourd’hui se borne à constater la  » désunion irrémédiable « . Avant, on entamait une procédure de divorce en invoquant tous les torts possibles et imaginables à charge de l’autre conjoint. Et bien sûr, celui-ci renvoyait la balle pour essayer d’obtenir au moins un divorce à torts partagés. La nouvelle loi a voulu qu’il n’y ait plus justement tout ce débat autour de la  » culpabilité  » et de la  » peine « . Il peut encore intervenir sur la responsabilité, mais dans un second temps, à propos de la pension alimentaire après divorce pour l’ex-conjoint parce que celui à qui on la réclame n’a d’autre moyen de ne pas devoir la payer que de prouver que celui qui la demande a des torts et/ou est à l’origine de la séparation.

A vous entendre, la pension alimentaire de l’ex-conjoint a aussi subi d’importants changements ?

Avant, la pension alimentaire accordée à un des ex-conjoints avait un double caractère : alimentaire, mais aussi indemnitaire. On pouvait, à la limite, être l’époux économiquement le plus fort et obtenir une pension alimentaire à charge de l’autre, même si elle n’était que symbolique, parce qu’on considérait qu’il y avait une question de responsabilité, de  » culpabilité  » de l’autre dans la rupture. C’était en quelque sorte une forme de divorce-sanction.

Aujourd’hui, la pension est uniquement alimentaire et, aux termes de la nouvelle loi, l’octroi d’une pension alimentaire à l’ex-conjoint se décide sur base de la notion d’état de besoin. Je pense, par exemple, à l’époux qui est resté à la maison pendant tout le temps de la vie commune et qui subit un divorce : il peut demander une pension alimentaire parce qu’il se retrouve dans un état de besoin qui sera apprécié par les tribunaux en fonction du niveau de vie qu’avait le couple.

Autre nouveauté : la durée de la pension alimentaire est limitée au nombre d’années qu’a duré le mariage. Le but est évident : le législateur n’a plus voulu qu’une personne qui a été mariée un an ou deux ans soit obligée de payer une pension alimentaire toute sa vie. Cela ne va évidemment pas sans poser certains problèmes. Pensons à une personne de 45 ans qui a été mariée pendant vingt ans et qui se voit imposer le divorce par son conjoint. Elle aura droit à une pension alimentaire pendant un maximum de vingt ans. A 65 ans, elle devra s’être constituée ses propres droits à une pension ou devra demander la Grapa ! Inversement, d’autres problèmes ne se posent plus. Je pense notamment à celui qui, avant, devait verser une pension alimentaire et qui, une fois pensionné, n’avait plus les moyens de l’assumer. Il pouvait essayer de la faire modifier mais c’était loin d’être facile parce qu’on considérait que c’était immuable, notamment dans le cadre d’un divorce par consentement mutuel.

Aujourd’hui, on peut introduire une demande en divorce seul ou ensemble. Dans la pratique, enregistre-t-on davantage de demandes conjointes ou de demandes unilatérales ?

Il y a beaucoup plus de demandes conjointes dans la procédure de divorce pour désunion irrémédiable et parallèlement, il y a beaucoup moins de divorces par consentement mutuel. Avant, c’était le moyen le plus rapide et le moins onéreux de divorcer... à condition de se mettre d’accord sur toutes les modalités de la séparation. Aujourd’hui, à côté de ce divorce par consentement mutuel, si le couple est d’accord sur la nécessité de divorcer, une requête conjointe permet d’obtenir plus rapidement le divorce. C’est d’autant plus facile qu’on peut très bien faire acter un accord liquidatif (partiel) dans la requête. On peut, par exemple, déclarer qu’on s’est mis d’accord pour la vente de l’immeuble conjugal et sur la répartition du prix. Au quotidien, la nouvelle procédure peut revenir à une sorte de divorce par consentement mutuel, mais un acte notarié reste nécessaire s’il y a transfert de bien(s) immobilier(s). Mais toute médaille a son revers : avec la nouvelle loi, des personnes qui ne veulent pas d’un divorce peuvent se le voir imposer beaucoup plus facilement. Elles n’auront en outre pas la possibilité d’obtenir une pension alimentaire parce qu’économiquement elle ne se justifie pas. On voit donc apparaître maintenant des situations où un conjoint subit la demande de divorce de l’autre alors que cet autre a déjà une nouvelle relation amoureuse !

La pension alimentaire mieux assurée

L’évaluation du montant de la pension alimentaire est un des points sensibles de la législation sur le divorce. Jusqu’il y a peu, elle était tributaire du juge, par manque manifeste d’une règle générale claire. Il existe bien des méthodes de calcul, comme la méthode Renard dont les juges tiennent souvent compte mais sans y être obligés. Et une fois fixé le montant, reste encore à obtenir le versement effectif de la pension alimentaire.

Ces deux aspects de la pension alimentaire ont abordés dans la proposition de loi présentée par la députée Sabien Lahaye-Battheu (VLD) et approuvée par la commission de la Justice du Sénat.

L’importance du montant de la pension alimentaire doit à présent être motivée par le juge et une série de critères sont établis comme les revenus des parents et les mesures d’hébergement. Si le parent débiteur  » oublie  » à deux reprises de payer la pension alimentaire, le juge doit ordonner l’autorisation de percevoir le montant dû sur le compte du parent en question. Le montant dû pourra donc être retenu sur le salaire de l’ex-partenaire.

Une association féminine a un jour qualifié le nouveau divorce de  » divorce kleenex  » en raison de sa facilité et de sa rapidité. Quelle est réellement la durée moyenne de traitement d’un dossier de divorce ?

Depuis la nouvelle loi, je dirais que la plupart des dossiers peuvent être traités en six mois. Mais cette affirmation appelle bien sûr des nuances. Le divorce est prononcé lorsque le juge constate la désunion irrémédiable entre les époux (la poursuite ou la reprise de la vie commune est impossible). Cette désunion irrémédiable est établie :

lorsque la demande est formée conjointement par les deux époux : on estime que s’il y a déjà séparation effective depuis six mois, elle suffit à prouver que la désunion est irrémédiable. Si ce n’est pas le cas, le juge va constater lors de la première comparution que le délai de six mois minimum de séparation n’est pas encore rempli et va reporter le dossier à une date où il sera effectivement atteint. Si le couple confirme sa volonté de divorcer, le juge considérera que la désunion est irrémédiable et le divorce sera prononcé. Cette nouvelle audience se déroule à une date qui suit immédiatement l’expiration du délai de six mois, ou trois mois après la première audience. Autrement dit, si le délai de six mois n’est pas encore passé, le dossier sera normalement reporté à trois mois. Sauf si l’on a, par exemple, déjà quatre mois de séparation, le tribunal remettra le dossier à deux mois seulement puisqu’alors, le délai de six mois sera déjà atteint.

lorsque la requête est déposée de façon unilatérale et que l’autre conjoint n’est pas forcément d’accord de divorcer : la désunion irrémédiable est établie après un an de séparation de fait ou, si les conjoints ne sont pas séparés de fait depuis plus d’un an, quand un conjoint au moins confirme sa volonté de divorcer lors d’une nouvelle audience.

Cette nouvelle audience se déroule à une date qui suit immédiatement l’expiration du délai d’un an de séparation, ou un an après la première audience. Supposons qu’un couple est déjà séparé depuis quatre mois. Le tribunal va reporter le dossier de huit mois pour que le délai d’un an soit atteint, il va constater, à ce moment-là, que la désunion est irrémédiable et prononcer le divorce. En bref, il faut qu’un certain délai soit écoulé puisque c’est lui qui traduit la désunion irrémédiable.

Attention ! Une autre possibilité qui influence le délai dans lequel le jugement en divorce est prononcé, c’est encore et malgré tout d’invoquer les torts de l’autre. On peut toujours, par exemple, faire un constat d’adultère et demander le divorce sur base du Par. 1 de l’article 229 du Code civil qui invoque les torts de l’autre rendant la vie commune impossible. Là, il n’est plus question de délai. Dans ce cas, on fait citer le conjoint en justice et dès l’audience d’introduction, même si on est toujours domicilié sous le même toit, on produit le constat d’adultère qui permettra d’obtenir immédiatement le jugement de divorce. Idem s’il y a eu des faits de violence qui sont avérés.

La rapidité de la procédure n’entraîne-t-elle pas finalement beaucoup de non-dits, de frustrations entre les ex-époux ?

On constate en effet depuis l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, que l’objet de la frustration ou de l’opposition entre conjoints s’est déplacé. Plutôt que de se disputer pour savoir si l’autre est en tort ou non, c’est dans la liquidation-partage des biens qu’on retrouve souvent plus d’agressivité. Auparavant, les parties s’étaient affrontées dans le cadre de la procédure en divorce elle-même et étaient arrivées au terme à bout de souffle ou s’étaient rendu compte que les accusations réciproques ne menaient à rien de très constructif sinon à alourdir la note des honoraires des avocats à mesure que la procédure s’éternisait. La liquidation des biens se passait alors parfois un peu plus facilement parce que les ex-conjoints étaient désireux d’en finir et d’enfin tourner la page.

Aujourd’hui – et c’est un point négatif de la nouvelle loi – les ex-conjoints ne sont pas nécessairement prêts à tourner la page alors que le divorce est déjà prononcé. Les tensions vont alors s’exprimer à l’occasion du partage des biens. Il y a ainsi des liquidations qui durent des années parce qu’un des ex-conjoints remet systématiquement tout en cause. Il y a, par exemple, eu évaluation d’un immeuble par un notaire désigné par le juge mais un des ex-conjoints conteste cette évaluation.

Le notaire devra renvoyer le dossier chez le juge qui, à son tour, devra trancher et éventuellement désigner un expert différent. Le couple peut aussi faire passer ses griefs dans le problème de la garde des enfants. Il ne faut pas se leurrer : on voit des conjoints demander la garde alternée des enfants d’abord et avant tout parce qu’ils savent très bien que cela va compliquer la vie de l’autre.

Pour sortir de l’impasse, on voit de plus en plus souvent les couples recourir à un médiateur. C’est même parfois encouragé par le tribunal. Le médiateur va permettre que les parties reprennent le dialogue, deviennent à nouveau des acteurs de leur vie plutôt que de subir des solutions qui leur sont imposées. Les partenaires, avec l’aide d’un médiateur totalement neutre, construisent leur solution aux problèmes qu’ils rencontrent.

Comment se passe concrètement la liquidation-partage des biens ? S’inscrit-elle en marge de la procédure en divorce ?

Non, pas du tout. Quand on divorce, plusieurs cas de figure se présentent en ce qui concerne le sort des biens.

– Il se peut qu’il n’y ait pas de liquidation à proprement parler parce que le couple n’avait pas d’économies particulières et ne possédait ensemble aucun bien immobilier. La liquidation se limite à se mettre d’accord sur le sort des biens mobiliers, sans intervention d’un notaire. Chacun reprend ses meubles et ses effets personnels et le partage s’arrête là.

– Une autre possibilité est d’aller trouver un notaire pour réaliser une liquidation-partage à l’amiable. C’est la démarche qu’on entreprend notamment lorsqu’on opte pour la procédure en divorce par consentement mutuel. La liquidation-partage peut alors aller très vite puisqu’elle va se faire suivant les conventions établies entre les futurs ex-époux.

– Dans le cadre de la procédure en divorce pour désunion irrémédiable, on peut très bien demander de divorcer sans parler de la liquidation-partage des biens et ne demander que plus tard au juge de désigner le(s) notaire(s) qui procédera/ont à la liquidation. C’est un peu dommage parce que cela implique deux procédures distinctes alors qu’on peut introduire la procédure dès le départ par simple requête (quitte à ne pas mettre la liquidation tout de suite en mouvement). On peut aussi joindre à la requête en divorce un accord de partage des biens qui sera acté par le juge.

Si on ne s’accorde pas, le juge désig-nera des notaires qui seront chargés de procéder à la liquidation-partage des biens du couple. Les avocats ont aussi leur mot à dire et doivent naturellement défendre les intérêts de leurs clients. Ils font valoir leurs prétentions en établissant des états liquidatifs qui sont des notes dans lesquelles ils exposent comment ils estiment qu’il faudrait réaliser la liquidation. Par exemple, l’avocat estime que sa cliente a droit à la moitié de l’immeuble diminuée du solde du prêt hypothécaire et par ailleurs, il apporte la preuve qu’à telle date, c’est elle-même qui a payé tel et tel postes avec de l’argent qu’elle a hérité. Elle a donc également droit à une récompense de la communauté. Cela veut dire aussi qu’à ce moment-là, assez rapidement après la séparation, on va aborder les questions de la liquidation mais peut-être dans un climat où les parties n’ont pas encore fait leur deuil de la séparation.

Même si c’était une requête bilatérale, on risque de se retrouver confronté à des débats qui peuvent être assez houleux et assez passionnés parce que, quelque part, on essaie de faire payer indirectement la fin de la relation de couple. D’un autre côté, ce n’est peut-être pas plus mal que la liquidation puisse intervenir assez rapidement dans certains cas. Sous l’ancienne loi, lorsque la procédure s’éternisait, un des conjoints pouvait parfois rester des années dans le domicile conjugal. En effet, tant que le divorce n’était pas prononcé, il était impossible de sortir d’indivision et de faire vendre l’immeuble conjugal qui bénéficie d’une protection particulière. Le conjoint qui l’occupait pouvait donc avoir intérêt à faire trainer la procédure parce qu’une décision en mesures urgentes et provisoires lui avait permis de rester dans le logement conjugal sans payer de loyer et ce, à titre de secours alimentaire. Après le divorce, le secours alimentaire prévu pendant la procédure n’était plus dû et la personne qui était dans l’immeuble devenait redevable d’un loyer à son ex-conjoint pour la partie qui lui appartenait.

Attention ! Il y a généralement désignation de deux notaires au moins : le notaire qui est chargé des opérations de liquidation-partage (parfois chacune des parties choisit son propre notaire) et le notaire qui est chargé de représenter ce qu’on appelle les parties absentes ou récalcitrantes afin de pouvoir avancer dans la procédure. Si, par exemple, un des deux conjoints ne vient jamais aux convocations dans le but de paralyser la procédure, ce notaire prendra sa place et signera pour lui.

Ce que la loi de 2007 a changé

Nouveau fondement du divorce Des anciennes procédures, seul le divorce par consentement mutuel est maintenu et l’unique autre forme de divorce qui existe encore est le divorce pour désunion irrémédiable.

Sans faute Celui /celle qui veut divorcer ne doit plus prouver la  » faute  » de son partenaire. Mais prouver que son partenaire a commis une faute grave permet encore d’éviter de devoir payer une pension alimentaire après divorce.

Conditions moins strictes Une seule comparution peut suffire si le couple vivait déjà séparé depuis six mois au moins et, dans certains cas, les parties peuvent se faire représenter plus facilement sans avoir à demander d’autorisation préalable.

Pension alimentaire limitée La pension alimentaire pour l’ex-conjoint est octroyée sur base de l’état de besoin et est limitée au nombre d’années qu’a duré le mariage.

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