Divorce : les pièges financiers à éviter

Quelque 30.000 mariages se soldent, chaque année, par un échec en Belgique. Outre le fort impact émotionnel, un divorce a aussi toute une série de conséquences financières : pour les impôts, l’emprunt pour la maison,... Et comment se calculent les droits d’enregistrement si l’un des deux rachète le logement familial ?

Contenu :

  • L’impôt sur les personnes physiques
  • L’emprunt de la maison
  • Les droits d’enregistrement

1. L’impôt des personnes physiques (par Peter Vandervoort)

Des questions importantes se posent sur le plan fiscal lorsque l’on décide de divorcer : faut-il encore remplir une seule déclaration ou deux ? Que devez-vous faire en cas de remboursement par le fisc (ou de supplément à payer) ? Que faire en cas de dettes fiscales ? Et quid si des pensions alimentaires sont versées ?

La déclaration d’impôt

A partir de l’année du divorce officiel, le fisc considère les ex-partenaires comme des  » isolés  » et chacun doit donc rentrer sa propre déclaration. Si le divorce a, par exemple, été prononcé en 2010, vous devez déclarer vos revenus de 2010 dans une déclaration séparée, en principe avant le 30 juin 2011. Mais si le divorce n’est prononcé qu’en mars 2011, par exemple, vous devez encore rentrer, pour le 30 juin 2011, une déclaration commune pour vos revenus de 2010.

Il s’écoule souvent pas mal de temps entre le moment de la rupture et celui où le divorce est officiellement prononcé. Ainsi, il est parfaitement possible que vous vous soyez séparés en 2010 et que vous habitiez, depuis, à des adresses différentes, mais que la procédure en divorce ne soit pas encore aboutie (à moins qu’elle n’ait même pas encore été entamée). Dans ce cas, vous êtes séparés de fait, mais le fisc vous considère toujours comme des conjoints. En principe, vous devez encore rentrer une déclaration commune cette année-là, mais comme ce n’est pas toujours facile pratiquement, le fisc accepte aussi que vous fassiez des déclarations séparées.

ATTENTION ! Ceci ne vaut que pour la première année de séparation (2010, dans notre exemple). Si l’année suivante (2011 dans notre exemple), le divorce n’est toujours pas prononcé, le fisc vous considérera quand même comme isolés et vous devrez rentrer chacun votre propre déclaration.

L’avertissement-extrait de rôle

A partir de l’année où le divorce est prononcé, vous êtes imposé à titre de contribuable isolé et vous recevez un avertissement-extrait de rôle séparé. Mais ce n’est pas le cas pour l’année de la séparation, puisque pour cette année-là, c’est encore un avertissement- extrait de rôle commun qui est établi. Notons aussi, c’est important, que vous recevez un avertissementextrait de rôle commun même si vous avez déposé des déclarations séparées. Dans ce cas, l’administration fiscale rassemble tout simplement les données fournies dans les deux déclarations. Si vous n’habitez plus officiellement à la même adresse, le fisc en est informé et vous enverra en principe à chacun un exemplaire de l’avertissement- extrait de rôle.

  • Un complément à payer. Si vous avez un supplément d’impôt à payer, vous pouvez demander à l’administration fiscale de diviser l’avertissement- extrait de rôle et de calculer la part que chacun doit prendre à son compte. Mais attention : un tel partage ne se fait pas automatiquement. Vous devez le demander expressément à votre contrôleur (ses coordonnées figurent sur votre avertissement- extrait de rôle).
  • Un remboursement à recevoir. Si vous devez récupérer de l’argent, le fisc vous demandera à tous deux comment le remboursement doit être partagé. Vous pouvez le diviser comme bon vous semble, à condition bien sûr de vous mettre d’accord ou le faire rembourser sur base de votre part fiscale, calculée d’après vos revenus (tout comme cela se fait en cas de supplément à payer).

Les dettes fiscales de votre ex

Même si le fisc calcule vos parts respectives, cela ne veut pas dire que vous n’avez que votre propre part à payer ! Si votre ex-partenaire n’est pas en mesure d’acquitter sa dette fiscale, le receveur des impôts peut se retourner contre vous. L’avertissement- extrait de rôle était en effet encore commun.

Cette mesure ne s’applique plus à partir de l’année qui suit celle de la séparation de fait, mais pour celle-ci, votre contribution peut encore être requise pour le paiement de la dette fiscale que votre ex a sur ses propres revenus, et ce même si vous êtes déjà imposé comme isolé. Cela ne se fait heureusement pas de façon automatique. En principe, le receveur va d’abord s’adresser à votre ex et ce n’est qu’en cas d’insolvabilité qu’il se tournera vers vous. Le receveur devra toujours commencer par envoyer un rappel à votre ex ainsi qu’une copie de l’avertissement-extrait de rôle à vous-même pour que vous soyez informé(e) de la dette restant ouverte.

EXEMPLE : Supposons que vous soyez mariés mais que vous ayez décidé de vous séparer en 2009 et que vous habitiez depuis à des adresses différentes. Un avertissement-extrait de rôle commun a encore été établi pour vos revenus 2009. Mais à partir de 2010, vous avez été imposé à titre d’isolés et vous avez reçu chacun un avertissement-extrait de rôle distinct. Si votre ex-partenaire ne parvenait pas à acquitter sa dette fiscale, vous seriez mis(e) à contribution. Ce n’est plus vrai à partir des revenus de 2011, mais cela ne veut pas dire que vous pouvez dormir tranquille... L’avertissement-extrait de rôle de 2010 est en principe établi fin 2010 – début 2011 et ce n’est que s’il reste impayé plus de deux mois plus tard que le receveur entre en action. En outre, le fisc peut effectuer des contrôles et réclamer un supplément d’impôt pour les revenus 2010 jusque fin 2013 (et même quelques années plus tard dans certains cas), mais cela reste l’exception.

Les enfants à charge

Vous avez peut-être opté pour la coparenté après le divorce, c’est-à-dire qu’en tant que parents, vous exercez l’autorité parentale et assurez l’hébergement des enfants à parts égales. Or fiscalement, un enfant ne peut être déclaré à charge que d’un seul des parents. Une réglementation spécifique a donc été élaborée pour les cas de coparenté.

L’avantage fiscal pour enfant(s) à charge consiste en une majoration de la quotité exonérée d’impôt (montant de base = 6.430?). Cette quotité augmente avec le nombre d’enfants à charge et est, pour l’année de revenus 2010, de :

Enfants à charge Majoration
1 + 1.370 ?
2 + 3.250 ?
3 + 7.880 ?
4 + 12.750 ?
Par enfant supplémentaire + 4.870 ?

Comme ces majorations montent de manière progressive, il est plus intéressant, sur le plan fiscal, de déclarer deux enfants à charge que deux fois un seul enfant. Les parents divorcés qui ont deux enfants, par exemple, seraient donc désavantagés en déclarant chacun un enfant à charge. Pour ceux qui n’ont qu’un seul enfant, un tel partage n’est même pas possible.

Pour pallier ce problème, le fisc permet aux parents divorcés qui ont opté pour la coparenté de se partager la quotité exonérée. Exemple : s’ils ont 2 enfants, la majoration à laquelle ils ont droit est de 3.250?. Ils peuvent bénéficier chacun d’une majoration de 1.760? (3.250? : 2) alors qu’ils n’auraient eu que 1.370? en déclarant chacun un enfant à charge. Il suffit pour cela de cocher la bonne case dans la déclaration d’impôt et l’adaptation est faite automatiquement.

2. L’emprunt de la maison

Après un divorce, il est fréquent qu’un des ex-partenaires veuille racheter à l’autre sa part de la maison. Si vous ne trouvez pas d’accord sur le prix, vous pouvez faire appel à un expert pour qu’il estime la valeur du bien ou vous adresser au tribunal pour qu’il tranche votre désaccord.

Ne perdez pas de vue que des droits d’enregistrement sont dus sur l’attribution à un des ex-conjoints. Si vous étiez propriétaires indivis avec votre ex-partenaire – ce qui est souvent le cas – vous ne devrez heureusement payer qu’un droit de partage (1%)... mais calculé sur la valeur totale du bien immobilier.

Si vous reprenez la maison, cela veut dire aussi que vous devrez assumer seul(e) le remboursement de l’emprunt. La banque doit donc être informée de la transaction afin de pouvoir rayer comme preneur de crédit celui qui n’est plus propriétaire de la maison. Mais si la banque estime que vos ressources ne sont pas suffisantes pour supporter seul(e) le remboursement de l’emprunt, elle peut refuser ou vous imposer des nouvelles conditions comme une garantie supplémentaire ou un allongement de la durée de l’emprunt.

Si l’opération est financièrement supportable, il sera peut-être nécessaire de souscrire un prêt (hypothécaire) complémentaire pour racheter sa part à votre ex, ce qui entraîne bien sûr des frais bancaires et notariaux supplémentaires. En principe, les intérêts payés et le capital remboursé peuvent être déduits fiscalement, mais si vous remboursez déjà un emprunt, l’avantage fiscal risque d’être plutôt modeste.

CONSEIL : Si le montant à emprunter n’est pas trop élevé et si votre banquier est d’accord, un crédit à la consommation peut s’avérer plus intéressant parce qu’il entraîne beaucoup moins de frais annexes.

3. Les droits d’enregistrement (par Eric Spruyt, notaire et professeur à la HUB et à la Fiscale Hogeschool, Bruxelles)

Un divorce a aussi des effets sur les droits d’enregistrement si vous êtes propriétaire d’un bien situé en Flandre. La Flandre applique en effet le principe de la portabilité des droits d’enregistrement. Si vous avez payé des droits d’enregistrement à l’achat d’un bien immobilier, vous pouvez – sous certaines conditions et jusqu’à un plafond de 12.500? – les emporter et les faire valoir à l’achat d’un nouveau bien immobilier, logement ou terrain à bâtir. Mais qu’en est-il lorsque les partenaires se séparent ?

Chronologie

Pour schématiser la portabilité des droits d’enregistrement, la littérature professionnelle recourt souvent à des abréviations : A1 pour l’achat du premier bien immobilier, V1 pour la vente de ce premier bien et A2 pour l’achat d’un autre bien immobilier. Selon la chronologie des transactions immobilières, deux situations peuvent conduire à la portabilité des droits d’enregistrement.

  • A1 => V1 => A2
    Vous achetez un bien immobilier (A1) que vous revendez ensuite (V1). Puis vous achetez un nouveau bien (A2). Les droits d’enregistrement payés sur le premier achat (A1) seront immédiatement déduits des droits du deuxième achat (A2).
  • A1 => A2 => V1
    Vous achetez un bien immobilier (A1), puis un autre (A2) et plus tard seulement, vous revendez le premier bien (V1). La portabilité des droits d’enregistrement se traduira par un remboursement. Vous payerez la totalité des droits sur le deuxième achat, mais les droits payés sur le premier (A1) vous seront remboursés lorsque vous le vendrez (V1).

Un des partenaires rachète la maison

Une des conditions à la portabilité des droits d’enregistrement veut que A1 et V1 soient des ventes pures et donc uniquement des contrats au sens strict où une somme d’argent est versée pour l’acquisition d’un bien immobilier. Mais une sortie d’indivision en cas de divorce satisfait-t-elle à cette condition de vente pure ? Au départ, on estimait que non. Un avis ressenti comme une véritable injustice : celui qui devenait seul propriétaire de la maison conservait la portabilité des droits, l’autre la perdait. Le législateur flamand a donc opté, en 2005, pour un assouplissement de la loi : celui/celle qui n’occupe plus l’ancien domicile conjugal peut récupérer la moitié des droits d’enregistrement qui avaient été versés lors de l’achat (A1) quand il/elle achète un nouveau bien immobilier (A2 – logement ou terrain).

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