Décider au nom d’un parent âgé

Un de vos parents entre en maison de repos et de soins et n’est plus capable de gérer sa santé ou ses biens. Qui la loi désigne-t-elle pour le représenter ? Et comment pouvez-vous vous écarter de la loi ?

Lorsqu’un parent passe le cap d’entrer dans une maison de repos et/ou de soins (MRS), il peut vite ressentir l’impression de devoir renoncer à sa vie privée et que tout un chacun aura désormais accès à son dossier. Pour le convaincre du contraire, il faut prendre le temps d’une concertation avec tous les acteurs indispensables. Tout comme il faut prendre le temps de réfléchir à ce qui se fera quand ce parent ne sera plus capable de prendre des décisions concernant sa santé ou ses biens.

Dans ce dossier, nous nous arrêterons à des notions clés qui jouent un rôle primordial dans l’encadrement juridique : la représentation familiale, les droits des patients et la loi sur l’euthanasie.

Pour ce faire, nous avons suivi une formation de deux jours consacrée à la position et aux droits des dispensateurs de soins, avec une attention particulière accordée à la représentation familiale. Elle était organisée par le Hoger instituut voor gezinswetenschappen (Institut supérieur des sciences familiales) et assurée par Marianne De Boodt, docteur en droit familial, médiatrice en matière de divorce et conseillère juridique auprès de Similes, une association ouverte aux familles de personnes souffrant de troubles psychiques.

Qui a accès à l’information ?

Lorsqu’un parent est admis dans une maison de repos et/ou de soins (MRS), son dossier médical passe dans plusieurs mains. C’est inévitable. Ce qui ne veut pas dire que tout le monde et n’importe qui peut tout savoir à son sujet.

Secret professionnel partagé

Médecins, infirmières et personnel soignant sont liés par le secret professionnel. Ce qui veut dire qu’ils ont un devoir de réserve sur tout ce qu’ils voient, entendent, découvrent ou observent à propos de leurs patients. Ce devoir de réserve va plus loin que ce qu’on leur confie. Un médecin, par exemple, ne peut pas faire état de faits qui relèvent de la vie privée de votre parent. Si votre père entretient une relation amoureuse et que le médecin en est informé, il n’a pas le droit d’en parler, même si cela n’a en soi rien à voir avec son état de santé.

Dans les MRS, on parle de secret professionnel partagé : les dispensateurs de soins qui s’occupent de votre parent peuvent partager le secret professionnel entre eux. Il est bon que votre parent le sache et même qu’il donne lui-même l’autorisation explicite de partager les informations le concernant.

Le devoir de réserve en est outre maintenu après le décès du résident/patient. Si votre parent ne veut pas que ses proches soient au courant de certaines données privées (par exemple, votre mère ne veut pas que vous sachiez qu’elle souffre d’une certaine maladie), le secret peut être totalement garanti. En tant que proche, vous n’aurez un droit de regard sur son dossier que si votre parent ne s’y oppose pas et que vous pouvez motiver votre demande d’information.

Pas pour tout le monde

Il est important de convenir avec le résident des personnes qui, dans son entourage, sont les plus indiquées pour recevoir des informations sur sa santé. Mieux encore, il faudrait demander une autorisation explicite de partager l’information avec certaines personnes de l’entourage. En général, ce sont des parents proches qui remplissent cette fonction.

Pour obtenir des informations sur une personne, plusieurs conditions doivent être remplies :

  • l’information doit concerner les soins et se faire dans l’ intérêt du patient. Si une nièce, par exemple, vient s’enquérir de la maladie de votre mère, elle ne recevra pas cette information, même si elle pose la question parce qu’elle craint de souffrir elle-même de cette maladie (en raison d’une prédisposition génétique)
  • la personne informée doit être suffisamment concernée. Si vous rendez visite à votre père une fois par an, on ne vous donnera aucune information qui tombe sous le secret professionnel
  • l’information doit être pertinente. Ainsi, un administrateur provisoire désigné pour prendre des décisions concernant les biens d’une personne, ne recevra jamais d’informations médicales à son sujet.

La personne de confiance 1 mot, 3 significations

La notion de personne de confiance apparaît dans plusieurs lois :

  • dans la loi sur les droits des patients. Le patient peut désigner dans un document une personne de confiance qui l’épaulera dans l’exercice de ses droits. Elle peut recevoir des informations mais ne peut pas décider à la place du patient.
  • dans la loi sur l’ administration provisoire. Ici, la personne de confiance joue un rôle d’intermédiaire entre l’administrateur provisoire et la personne protégée. Elle peut vérifier le rapport de départ de l’administrateur, se concerter avec lui... mais elle ne peut exercer aucun contrôle sur l’administration elle-même. Ce peut être un collaborateur de l’institution où réside la personne aidée. Pour la désigner dans ce cadre-ci, il faut compléter et signer un document spécifique.
  • dans la loi sur l’ admission forcée. La personne qui est en admission forcée peut désigner une personne de confiance qui recevra une copie du jugement et pourra rendre visite au patient, mais elle n’aura, du reste, que peu de compétences.

Santé : qui décide ?

Il est fort possible qu’un jour, votre parent ne soit plus capable de prendre des décisions concernant sa santé. Il est important qu’il ait désigné une personne pour le représenter et qui pourra répondre à des questions telles que : Quel traitement choisissons-nous ? Convient-il de poursuivre l’actuel traitement ou non ?

C’est votre parent ou la loi qui décide

Dans le cadre de la loi relative aux droits du patient, une personne peut désigner un mandataire au cas où, par exemple, elle tomberait dans le coma ou serait frappée de sénilité. Si le patient n’a pas désigné lui-même de mandataire, c’est la loi qui s’en charge, dans l’ordre suivant :

1. le conjoint ou le cohabitant (légal ou de fait). Le partenaire qui partage officiellement la même adresse entre en ligne de compte, même si, concrètement, il n’habite plus avec l’intéressé du fait de l’admission en MRS

2. les enfants majeurs. Il y a concertation avec eux, mais s’ils ne parviennent pas à un accord, c’est le médecin qui tranchera

3. les parents

4. les frères et s£urs majeurs

5. le médecin traitant ou une personne désignée après concertation multidisciplinaire.

Comment s’écarter de la loi ?

Il est fort possible que votre parent ne veuille pas être représenté par la personne que la loi désigne. Il lui est tout à fait possible d’en désigner une autre ou de modifier l’ordre établi par le législateur. C’est peut être important dans les familles où règne une certaine discorde ou en cas de remariage/nouvelle relation. Votre parent peut, par exemple, estimer qu’il vaut mieux que ses enfants prennent les décisions concernant sa santé plutôt que son second partenaire.

Pour désigner une personne qui le représentera, votre parent peut compléter et signer le document  » Désignation d’un mandataire  » (*)

Ce n’est pas parce qu’il a désigné un mandataire qu’il ne peut pas revenir sur sa décision. Et le mandataire peut également se dédire.

Outre le mandataire qui sera chargé de prendre les décisions relatives à sa santé, le patient peut aussi désigner une personne de confiance. Ce peut être un de ses enfants, mais aussi un ami. Le mandataire peut aussi être la personne de confiance, mais seul le mandataire a le droit de décider à la place du patient.

BON À SAVOIR Une personne peut être désignée comme personne de confiance sans même en être informée ! Elle ne doit en effet pas signer le document de désignation, mais le patient peut y indiquer que la personne de confiance peut s’informer sur son état de santé, consulter son dossier médical et/ou en demander une copie. Votre parent peut aussi décider que son ami(e) peut s’entretenir avec son médecin, mais pas avec le psychiatre.

Pas pour l’admission en MRS

La décision d’entrer en maison de repos et/ou de soins ne peut être prise ni par le mandataire (pour les soins de santé) ni par l’administrateur provisoire (pour les biens – voir plus loin). Cette décision est du seul ressort de votre parent sauf s’il s’agit d’une personne qui est en minorité prolongée ou qui a été déclarée juridiquement incapable.

Dans notre pays, la liberté de l’individu est tenue en grand respect. Les personnes ont le droit de refuser des soins. L’admission forcée ne peut être envisagée que si le patient souffre de troubles mentaux et qu’elle représente un danger pour elle-même ou pour son entourage. Quelqu’un qui ne pourrait plus prendre soin de lui-même mais qui ne présenterait ni troubles mentaux ni agressivité ne pourrait pas être contraint d’entrer en maison de repos. On pourrait, d’un côté, y voir une lacune dans notre législation – parce qu’on peut en arriver à des situations navrantes – mais, d’un autre côté, c’est une garantie du droit pour chacun de décider lui-même s’il veut être pris en charge ou non.

La loi sur les droits du patient

La loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient (Moniteur belge, 26 septembre 2002) prévoit notamment le droit à :

  • une prestation de service de qualité
  • le libre choix du praticien professionnel
  • l’information relative à son état de santé et à son évolution
  • ne pas être informé sauf si la non-communication de l’information peut nuire à sa santé ou à celle de tiers (par exemple, maladie contagieuse)
  • une communication dans un langage clair et accessible
  • un dossier soigneusement tenu à jour, avec possibilité de le consulter et d’en obtenir une copie (partielle)
  • la protection de la vie privée
  • l’introduction d’une plainte.

Patrimoine : qui décide ?

Vous pouvez représenter votre parent sur un tout autre plan, à savoir la gestion de ses biens en cas, par exemple, de coma, de traumatisme cérébral ou de démence. Cette représentation va de la simple gestion informelle (votre parent vous confie sa carte bancaire pour que vous retiriez de l’argent pour lui/elle) à des missions plus encadrées : charge (plus connue sous le nom de procuration : vous concluez un accord avec votre parent), désignation d’un conseiller juridique et/ou administration provisoire (avec désignation par le juge de paix). La bonne solution est fonction de la situation de fait. Tout est affaire de confiance entre le parent, l’enfant mandaté et les autres enfants.

Le gérant d’affaires

La gérance est le terme juridique pour un acte tout simple : vous faites quelque chose à la place de votre parent : retirer de l’argent, faire un achat... Vous n’avez pas de mandat et juridiquement, vos actes relèvent de la situation de fait. Mais vous ne représentez pas votre parent auprès de la banque. Vous vous chargez de certaines tâches, mais vous ne protégez pas votre parent (si nécessaire). Rien ne l’empêche, par exemple, d’aller retirer lui-même 2.000 euro.

Le mandataire

Celui qui a reçu mandat ou procuration va un pas plus loin, mais c’est aussi une solution juridiquement plus solide. Votre parent (mandant) conclut un accord, par exemple, avec un de ses enfants (mandataire). Mandant et mandataire doivent être des personnes capables. Si celui/celle qui donne mandat ou procuration est en fait incapable, la validité des actes posés pourrait être contestée.

BON À SAVOIR Dans une famille de plusieurs enfants, le parent en désigne souvent un seul comme mandataire, mais rien n’empêche qu’ils assument cette charge à tour de rôle. C’est en effet une tâche à ne pas sous-estimer.

  • En bon père de famille. Pendant la période de sa mission, le mandataire n’a de compte à rendre ni à un juge ni à ses frères et s£urs. Il ne doit le faire qu’après le décès du mandant. Il est toutefois vivement conseillé de remplir sa tâche avec beaucoup de prudence et de tenir une comptabilité des rentrées et des dépenses. Vous y parviendrez facilement en utilisant le programme de comptabilité proposé sur www.similes.org. Celui qui ne mènerait pas sa tâche en bon père de famille pourrait voir sa responsabilité engagée pour les fautes qu’il aurait commises en tant que gestionnaire. Les mandataires qui ne font pas partie de la famille peuvent souscrire une assurance responsabilité civile professionnelle.
  • Eventuellement avec procuration notariée. Si votre parent (le mandant) souhaite qui vous puissiez, par exemple, vendre un bien immobilier (ce qui outrepasse la simple gestion), il doit vous donner une procuration notariée.
  • Avec ou sans indemnité. Le mandataire peut percevoir une indemnité, mais ce n’est pas obligatoire. Elle peut être, par exemple, de 3 % des revenus de la personne protégée, à l’instar de l’administrateur provisoire. Par revenus, il faut entendre ici, les revenus réguliers : pension, intérêts sur capital... Un revenu unique, comme un héritage, n’entre pas en ligne de compte.

Le conseiller judiciaire

En dehors de la simple gestion et de la procuration, il existe des solutions juridiques spécifiques qui sont notamment : la désignation d’un conseiller judiciaire et celle d’un administrateur provisoire.

  • Prodigalité. La désignation d’un conseiller judiciaire s’indique pour des personnes qui, en raison de troubles mentaux, gaspillent leurs avoirs. Ce n’est pas possible pour des personnes dont les capacités à gérer leurs biens ont simplement diminué.
  • Initiative. Le conjoint ou un parent prend l’initiative. Un ami peut être conseiller judiciaire, mais il ne peut pas faire le premier pas. La demande se fait par requête unilatérale adressée au tribunal de première instance. La nomination d’un conseiller judiciaire est publiée au Moniteur Belge.
  • Assistance. Le conseiller va assister la personne dans ses affaires. Attention : il ne s’agit pas ici de protéger le capital ni les revenus. La personne assistée continue à décider elle-même de sa pension ou de ses allocations. Comme il lui revient à décider de sa propre personne (entrer en maison de repos ou non, par exemple).
  • Nullité relative. Cela veut dire que seule, la personne protégée peut invoquer la nullité d’un accord ! Supposons que votre père achète une Mercedes hors de prix alors qu’il est assisté d’un conseiller judiciaire. Il pourra sans problème invoquer la nullité de l’achat. C’est au garagiste de vérifier si la personne à qui il vend une voiture n’est pas sous assistance judiciaire ou administration provisoire. Ce qu’il peut facilement contrôler sur www.ejustice.just.fgov.be

L’administrateur provisoire

Il est possible que votre parent souffre de démence (mais de simples pertes de mémoire seraient insuffisantes) ou d’un problème de santé (une paralysie totale, par exemple) qui l’empêche d’encore gérer ses biens. Si son état de santé empêche votre parent de gérer ses biens, que ce soit de manière temporaire ou définitive, un administrateur provisoire peut être nommé. La désignation d’un administrateur provisoire rend votre parent  » incapable  » juridiquement. Il ne peut même plus signer de contrat. Un administrateur provisoire a donc des pouvoirs plus étendus que le conseiller judiciaire. Mais il ne peut prendre aucune décision sur le plan de la santé. C’est votre parent qui reste seul compétent pour décider s’il va entrer en MRS ou non.

  • Initiative. L’administration provisoire démarre toujours sur requête adressée au juge de paix du lieu de résidence de la personne concernée, c’est-à-dire le lieu où elle réside habituellement. Si elle est admise de manière permanente en MRS, c’est là que sera son lieu de résidence habituel. Contrairement à la désignation d’un conseiller judiciaire, l’initiative d’une administration provisoire peut être prise par toute personne ayant un intérêt (un voisin, mais aussi votre parent lui-même). Les membres du personnel et les dispensateurs de soins ne peuvent jamais être administrateurs provisoires et c’est en fin de compte le juge de paix qui décide qui aura cette charge. Il donne en général la préférence au partenaire, à un enfant ou un membre de la famille. Mais il peut aussi désigner un administrateur provisoire professionnel, en général un avocat.
  • En bon père de famille. L’administrateur provisoire gère les avoirs de votre parent en bon père de famille. Il a besoin de l’autorisation du juge de paix pour certaines opérations. Il ne peut jamais faire ni testament ni donation. Si votre parent est encore capable d’exprimer ses volontés, il peut faire lui-même un testament ou une donation, mais il doit préalablement demander l’autorisation du juge.
  • Contrôle. L’administrateur provisoire doit répondre de sa gestion et présenter un compte-rendu annuel au juge de paix. L’éventuelle personne de confiance en recevra une copie.
  • Plus qu’une procuration. L’administration provisoire est plus qu’une charge. Le contrat de procuration cesse ses effets quand l’administrateur provisoire entre en jeu.

(*) Vous trouverez le formulaire permettant de désigner un mandataire sur internet : www.hearth.belgium.be Cliquez sur  » Ma santé « ,  » Droits du patient « ,  » La loi relative aux droits du patient  » et » Manière ». Vous pouvez également le commander au 02 524 97 97

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