Pierre Jammar est expert immobilier, formateur d'experts et de géomètres. Il est aussi l'auteur de nombreux ouvrages sur l'immobilier en Belgique, dont plusieurs guides du propriétaire ou encore "Tout savoir sur les dégâts locatifs". Dans ses livres, il se demande comment "recruter un bon locataire". Justement, nous lui avons osé cette question...
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Pierre Jammar est expert immobilier, formateur d'experts et de géomètres. Il est aussi l'auteur de nombreux ouvrages sur l'immobilier en Belgique, dont plusieurs guides du propriétaire ou encore "Tout savoir sur les dégâts locatifs". Dans ses livres, il se demande comment "recruter un bon locataire". Justement, nous lui avons osé cette question... Alors, comment choisir son locataire? Je rappelle d'abord que la définition d'un bon locataire, c'est simplement une personne qui paie son loyer et qui entretient le bien. Il n'y a en réalité pas de mérite à payer et à entretenir. Mais à l'heure actuelle, beaucoup de locataires sont défaillants. Que faire? Le premier conseil que je donnerais au propriétaire, c'est de s'adapter. Cela signifie utiliser des méthodes plus actuelles. Autrefois, c'était simple. Il fallait que le locataire gagne trois fois le montant du loyer. C'est impossible aujourd'hui. Considérons une famille monoparentale, une mère avec son enfant, ce qui est très fréquent... La mère gagne 1500€. Cela voudrait dire qu'elle ne pourrait prétendre qu'à un logement de 500€. Ce n'est pas possible. Or, des propriétaires se basent encore sur ce principe qui est, à mes yeux, totalement obsolète. Vous prônez une analyse plus globale... Oui, mon conseil est de faire une rapide analyse de la situation économique du locataire. Je fais d'un côté l'inventaire de tout ce qu'il gagne: les revenus, les revenus de remplacement, les éventuelles pensions alimentaires. De l'autre côté, je lui demande ce qu'il dépense de manière récurrente: son loyer, ses charges, un financement éventuel, des pensions alimentaires à payer. Et j'analyse le résultat. S'il est positif, c'est-à-dire s'il lui reste assez d'argent pour vivre dignement et se nourrir, je peux prendre le risque. S'il ne reste par exemple que 200€ au candidat locataire après ce calcul, ce ne sera pas possible. Quant à celui qui me répondra qu'il se débrouillera pour payer le loyer dans ces conditions, il ne sera pas crédible. Votre autre piste est faire appel à un garant... Si on ne sait pas réduire les dépenses, il faut augmenter les revenus. Comment? En faisant intervenir un garant, c'est-à-dire une personne qui va répondre du paiement du loyer avec le locataire. Je suis un grand partisan de cette formule. Cela permet à la fois de rassurer le propriétaire et de responsabiliser le locataire. Mais celui qui se porte garant (un membre de la famille ou ami) doit bien avoir conscience de sa responsabilité. Car s'il y a défaut de paiement, c'est vers lui que le propriétaire va se retourner. Ce dernier pourra également, le cas échéant, se tourner vers le garant s'il y a des dégâts locatifs qui dépassent le montant de la garantie locative. Concrètement, peut-on inscrire un garant dans un contrat de location? Absolument. Attention, car l'intervention du garant est "limitée dans le temps" selon le Code civil. Cela signifie que, si on rédige un bail d'un an, par exemple, le garant ne sera responsable que durant une année, mais pas après, si le bail est renouvelé. Il faut donc "insérer" le garant en tant qu'autre locataire dans le contrat. C'est tout à fait légal même si, bien entendu, le garant ne va pas habiter le logement loué. Cette technique va permettre de garder le garant durant toute la durée du bail. Vous estimez aussi que pour trouver de bons locataires, il faut poser des questions... Mais là, on marche sur des oeufs. Les propriétaires travaillent au feeling à la base. Ils "sentent bien" ou pas les gens, avec un risque d'erreur bien entendu. Cela arrive de trouver une personne fort sympathique de prime abord et de se rendre compte par la suite que c'est un escroc. Et ça, c'est parce que le propriétaire n'a pas pris les précautions d'usage. Il ne faut donc pas avoir peur de poser les bonnes questions au candidat comme: qui est-il, d'où vient-il et l'interroger sur son passé locatif. A-t-on le droit de poser ces questions? Il existe une réglementation contre la discrimination dans les trois régions du pays. On peut refuser une personne avec des animaux domestiques, mais on n'a pas le droit de refuser une personne sur base des origines, de la religion, du sexe, de l'orientation sexuelle, d'un handicap et de... l'état de fortune. Reste qu'en tant que propriétaire, j'ai le droit de prendre mes précautions... J'ai le droit de lui demander ce qu'il fait dans la vie, mais pas d'exiger qu'il me montre sa fiche de salaire ou des extraits de compte. S'il refuse, évidemment, il aura probablement moins de chances qu'une personne qui joue cartes sur table. Il y a d'autres questions à se poser: combien payait-il comme loyer avant? Ou encore: quelle est sa nouvelle composition familiale? C'est loin d'être anecdotique de demander si c'est une première expérience de vie en commun. C'est certes délicat, mais on sait qu'un nouveau couple recomposé, qui n'a jamais vécu ensemble, peut se séparer dans les six mois. C'est aussi une information précieuse pour le propriétaire. Une des hantises pour un propriétaire, outre les dégâts locatifs, c'est que le locataire ne paie pas/plus son loyer. Que faire? Il est possible de s'assurer contre les loyers impayés grâce à une assurance supplémentaire. Elle rembourse, en général, jusqu'à douze mois de loyers impayés. L'indemnisation peut aussi être plafonnée selon un loyer mensuel maximal théorique, qui sera fixé par la compagnie en fonction du type de bâtiment et du lieu. Elle permet d'éviter d'avoir recours à des procédures en justice coûteuses. Cette garantie se prend en début de bail. La prime varie entre 3% et 5% du loyer annuel. Mais attention, les assureurs vont prendre leurs précautions. Ils vont demander au preneur d'assurance des preuves de la solvabilité du futur locataire. Son loyer ne pourra, par exemple, pas dépasser un tiers de ses revenus. On comprendra que cette assurance peut être fort limitative. Et si elles doivent intervenir, les compagnies peuvent aussi fixer un loyer mensuel maximal à reverser à leur assuré en fonction du type de bâtiment et du lieu. Louer à une agence immobilière sociale Une autre piste pour éviter les impayés, c'est de louer son bien via une AIS, une agence immobilière sociale. Pour faire simple, le propriétaire va autoriser l'AIS de sa commune à gérer "pour compte" du propriétaire les différents aspects de la location. Le propriétaire va donc accepter de louer son logement (totalement mis en conformité) moins cher que le prix du marché. La ristourne à accorder sera de l'ordre de 25 ou de 30%. L'idée est de permettre aux personnes aux revenus modestes d'accéder à des logements de qualité. En échange, le loueur va pouvoir dormir sur ses deux oreilles. Car c'est l'AIS, une institution publique donc, qui va garantir le paiement du loyer chaque mois même s'il est inoccupé. Il sera en outre entretenu "en bon père de famille". C'est aussi l'AIS qui va couvrir les dégâts locatifs. Le propriétaire sera donc certain de récupérer son bien en bon état. Seules l'usure normale et la vétusté resteront à charge du propriétaire. Certes le bail AIS est plus contraignant. Si vous vendez le bien, le nouveau propriétaire sera tenu de poursuivre le bail. Mais, d'un autre côté, vous bénéficierez d'avantages fiscaux. Par exemple, en Wallonie, si vous souhaitez rendre habitable un ancien bâtiment afin de le mettre en gestion à l'AIS, vous pouvez bénéficier d'une réduction d'impôts pour les dépenses faites en vue de la rénovation de l'habitation. Cette réduction d'impôts s'élève à 45% des frais effectivement engagés pour les travaux de rénovation et est étalée sur une période de 9 ans. Autre exemple, en Wallonie et à Bruxelles, le précompte immobilier va sauter, ce qui va en partie compenser le loyer plus modeste.