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Comment alléger sa fin de carrière?

Nombreux sont ceux qui souhaiteraient travailler moins et différemment. Comment s’y prendre ? Des spécialistes vous répondent.

DEUX MOMENTS CHARNIÈRES DANS VOTRE VIE

La coach de carrière Gerda Bourdeaud’hui remarque que les 50+ sollicitent un accompagnement de carrière à deux moments charnières de leur vie. « Quand ils ont fini de payer la maison et quand les enfants ont quitté le nid. Ils sont alors plus libres. Financièrement parlant, mais aussi dans leur tête, ce qui leur laisse le temps de penser à eux et à leur carrière. Le travail représente une partie importante de leur vie. J’entends une volonté de changement, mais observe aussi certains blocages. L’un des plus courants est que travailler à 4/5e ou moins n’est pas possible pour leur fonction. Qui a dit cela ? Il y a aussi le phénomène de la cage dorée : ils ont atteint un certain niveau de salaire et leur ancienneté leur permettrait d’obtenir une confortable indemnité en cas de licenciement. Ils ne sont pas prêts à faire une croix dessus. »

En tant que coach de carrière chez Itzu, elle recherche les réponses à des questions essentielles. « Qui suis-je et en quoi suis-je naturellement doué ? Qu’est-ce qui me demande peu d’efforts ? Qu’est-ce qui me donne de l’énergie ? Qu’est-ce que je veux ? Quelles sont mes valeurs ? Supposons que la dimension sociale vous manque, cela ne signifie pas forcément que vous devez en changer. Vous pouvez par exemple passer à 4/5 et faire du bénévolat. »

UNE FIN DE CARRIÈRE ALLÉGÉE À PARTIR DE 55 ANS

Si vous souhaitez travailler moins, vous pouvez prendre un crédit-temps fin de carrière à partir de 50 ou 55 ans. « Il y a une différence entre le droit au crédit-temps et le droit à l’allocation de l’Onem, analyse Geert Vermeir, manager chez SD Worx. Vous n’aurez droit à une allocation que si vous avez au moins 60 ans, sauf si vous exercez un métier pénible, une longue carrière ou travaillez dans une entreprise en difficulté.

Sous certaines conditions, vous pouvez alors bénéficier d’un crédit-temps avec allocations à partir de 55 ans pour une réduction de 1/5e temps ou à partir de 57 ans pour une réduction à mi-temps. Mais vous pouvez réduire votre horaire de travail plus tôt. Vous pouvez ainsi prendre un crédit-temps fin de carrière à 1/5e ou à mi-temps dès 55 ans (et même 50 ans dans certains cas). L’âge n’est toutefois pas le seul critère. Vous devez ainsi notamment avoir travaillé au moins 25 ans comme salarié (ou 28 ans pour un crédit-temps à partir de 50 ans pour cause de longue carrière). Les années où vous avez travaillé comme indépendant ou fonctionnaire ne comptent pas. De plus, vous devez avoir au moins 24 mois d’ancienneté chez votre employeur actuel, même si vous pouvez convenir d’un délai plus court ».

Johan

« Le confinement m’a forcé à changer mes habitudes et m’a fait prendre conscience que je veux utiliser mon temps autrement. J’aurai 60 ans l’année prochaine et j’aimerais passer à 4/5e. En télétravaillant ces derniers mois, j’ai pu observer mon épouse prendre plaisir à s’occuper notre petite-fille qu’elle garde un jour par semaine. Je veux aussi vivre de tels moments. Le temps passe si vite. »

TRAVAILLER MOINS EN GARDANT UNE PENSION COMPLÈTE

« Le crédit-temps fin de carrière n’est pas seulement intéressant car il vous permet de travailler moins tout en recevant une allocation à partir d’un certain âge, poursuit Geert Vermeir. Les jours de crédit-temps pour lesquels vous avez reçu une allocation comptent pour votre pension. La façon dont ils sont pris en compte n’est pas toujours favorable. Si vous prenez un crédit-temps fin de carrière en étant occupé par une entreprise en restructuration ou en difficulté, ou que vous exercez un métier pénible, votre pension ne sera pas réduite. Le calcul tiendra en effet compte de votre ancien salaire pour les périodes de crédit-temps.

Si vous travaillez à mi-temps à partir de 60 ans, il ne sera tenu compte de votre ancien salaire que les deux premières années. Pour les années suivantes, le calcul de votre pension tiendra compte d’un montant inférieur. Si vous réduisez votre temps de travail à 4/5e à partir de 60 ans, votre ancien salaire sera retenu comme référence pendant 5 ans. Si vous prenez un crédit-temps à 1/5e à 60 ans et partez à la retraite à 65 ans, cela n’aura donc pas d’impact sur votre pension ».

Si vous n’avez pas droit à une allocation et que les périodes ne sont pas assimilées pour votre pension, quel est l’intérêt d’un crédit-temps fin de carrière à 55 ou 50 ans ? C’est du temps partiel ? « Non. Juridiquement, il y a une différence. Dans le cadre d’un crédit-temps, vous avez le droit de demander à travailler à 4/5e ou à mi-temps. Pour passer à temps partiel, votre employeur doit par contre être d’accord, vous ne pouvez pas l’exiger. De plus, vous bénéficiez d’une protection contre le licenciement quand vous êtes en crédit-temps fin de carrière (sauf pour motif grave). Votre employeur devra vous verser une indemnité complémentaire. »

UN TRAVAIL PLUS FLEXIBLE

Si le confinement nous appris quelque chose, c’est bien qu’il est possible de travailler autrement. Télétravailler semblait impossible ou compliqué avant, mais est tout à coup devenu la norme. Quelles en sont les conséquences sur nos perspectives de fin de carrière ? Lou Van Beirendonck, consultant en gestion répond : « Télétravail, cours en ligne... Leur développement était attendu depuis longtemps. Ils rendent le travail plus flexible. Cela signifie que vous ne devez pas nécessairement prester le même nombre d’heures dans les mêmes conditions entre 22 et 65 ans.

Quand la fin de carrière approche, discutez-en avec votre patron. Le dialogue permet de trouver des solutions durables. Pour certains, la solution sera de faire un ou deux jours de télétravail, de passer à 4/5e... Pour d’autres, un changement de poste sera plus bénéfique. En fait, c’est très simple. Posez-vous la question suivante : que me faut-il pour continuer à travailler avec plaisir jusqu’à 70 ans ? Est-ce que cela doit être à temps plein ? Sûrement pas ! Cette question est au centre de la discussion. Quel est pour vous le principal obstacle ? Est-ce le stress ? La distance ? Le nombre d’heures? Commencez par faire le point et adressez vos souhaits à votre responsable. De nombreuses organisations y sont très attentives. »

Caroline

« Il me faut une heure et demie pour aller de chez moi au travail. Mes journées sont donc longues. C’est pourquoi j’ai pris un crédit-temps fin de carrière à 55 ans, afin de pouvoir souffler un jour par semaine. Depuis que je suis passée au télétravail à cause du confinement, c’est un réel soulagement. Bien sûr, je ne voudrais pas tout le temps rester seule à la maison devant mon ordinateur. Mais le fait de pouvoir travailler à la maison quelques jours par semaine pourrait faire une nette différence pour moi. Alors je pourrais vraiment retravailler à temps plein. »

MOINS DE RESPONSABILITÉS OU PLUS DE SENS ?

La démotion ou rétrogradation est une manière de travailler autrement. Vous « baissez » d’un échelon dans la hiérarchie vers un poste avec moins de responsabilités. Vous ne travaillez pas nécessairement moins d’heures, mais avec moins de stress. Cela peut être libératoire et très bénéfique, mais cela demande une bonne préparation mentale. Pour beaucoup, une rétrogradation est psychologiquement difficile à assumer. C’est avant tout lié au statut social et à la crainte de ce que les autres pensent. Perdre une partie de son salaire est une chose, mais perdre la face en est une autre ! Évidemment, le ressenti est différent quand vous avez demandé la rétrogradation et qu’elle n’est pas été imposée.

« La démotion est présentée comme un concept moderne, mais la rétrogradation est un phénomène ancien, réagit Lou Van Beirendonck. Vous pouvez gravir les échelons (la promotion) et les redescendre (la démotion). Cela renvoie à l’image d’une organisation hiérarchisée, mais ne correspond pas à l’organisation du futur dans laquelle les gens travaillent dans un partenariat dynamique. Prenons un exemple. Chez Quintessence, il y a actuellement trois collaborateurs de plus de 60 ans. Trois psychologues qui ont travaillé auparavant comme directeur du personnel, un emploi avec beaucoup de responsabilités. Tous trois voulaient renouer avec leur passion et leur formation. Ils effectuent désormais des évaluations pour nous comme indépendants. Cela serait-il possible dans le cadre d’un contrat à temps partiel ? Évidemment ! Le contrat n’est que l’enveloppe permettant de formaliser les arrangements convenus. Et tous les trois sont satisfaits.

En général, je constate que les travailleurs plus âgés trouvent très important d’exercer un métier qui a du sens, qui est utile. Certains employeurs ont des accords avec des ONG ou des entreprises sociales. Les employés plus âgés qui le souhaitent peuvent ainsi être transférés tout en conservant leur contrat. C’est un autre type de solution pour terminer sa carrière en douceur. »

Wim

« Je ne cherche pas à réduire mon temps de travail. J’aime toujours mon travail et passer à temps partiel a quand même un impact sur la pension. Ce qui me soulagerait vraiment, ce serait de changer de département et ainsi pouvoir travailler beaucoup plus près de chez moi. Cela me permettrait de gagner du temps et de retrouver la quiétude « .

FIN DE CARRIÈRE EN DOUCEUR ? CRÉDIT-TEMPS FIN DE CARRIÈRE

L’année dernière, il était question du régime des fins de carrière en douceur. Existe-t-il encore ?  » L’appellation est un peu trompeuse, car il ne s’agit pas d’un crédit-temps, précise Geert Vermeir. Dans le cas d’une fin de carrière en douceur, vous ne recevez pas d’allocation de l’Onem, mais bien une prime de votre employeur ou d’un fonds sectoriel. Et l’objectif n’est pas forcément de réduire vos heures de travail, mais d’alléger votre charge de travail. Le régime de la fin de carrière en douceur existe encore, mais est peu utilisé.  »

Quelles sont les différentes options ? « À partir de 58 ans, votre employeur peut vous verser une prime exonérée de cotisations s’il vous confie un travail plus léger et diminue donc votre salaire. Passer à 4/5e n’est pas considéré comme un allégement de la charge de travail. Votre employeur ne pourra donc pas vous verser une prime exonérée de cotisation ONSS. C’est par contre possible à partir de 60 ans. Vous pouvez alors passer à 4/5e et recevoir une prime exonérée de cotisations. »

Et qu’en est-il de votre pension ? « La prime que vous recevez de votre employeur pour compenser la perte de salaire étant exonérée de cotisations ONSS, elle ne vous confère aucun droit social. Donc : pas de droit à la pension, au chômage ou aux indemnités de maladie. »

« Globalement, le régime de la fin de carrière en douceur est moins favorable. La prime est certes exonérée de cotisations, mais l’employeur doit la payer lui-même alors que l’allocation crédit-temps est versée par l’Onem. Le seul cas où le régime de la fin de carrière en douceur constitue une piste intéressante est si vous ne remplissez pas les conditions nécessaires pour le crédit-temps fin de carrière. Par exemple, si vous avez travaillé moins de 25 ans comme salarié. »

Retrouvez toutes les conditions et exceptions du crédit-temps fin de carrière sur www.onem.be > Citoyens > Interruption de carrière.

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