Chute des bourses : Que faire? Attendre !

Le moins malin serait de céder à la panique. Par contre, pour les plus audacieux, c’est peut-être le moment d’acheter au  » son du canon « . Mais à vouloir attraper un couteau qui chute, ne risque-t-on pas de se blesser ?

« Suivre les règles, c’est investir. Suivre ses émotions, c’est parier »,Warren Buffett.

Les bourses s’effondrent. Transports aériens, tourisme, luxe, énergie, finance... Des pans entiers de l’économie sont lourdement touchés. C’est la panique à bord. On abandonne le navire ? Surtout pas. La plus grosse des erreurs serait de céder au chant des sirènes.

Les spécialistes parlent quasiment tous à l’unisson : ne paniquez pas, faites le gros dos. Et n’oubliez pas qu’après un krach boursier, le cours des actions se redresse de manière tout aussi inattendue. « La reprise a déjà commencé pour l’économie chinoise, raconte Véronique Goossens, 48 ans, chief-economist chez Belfius. On part du principe que d’ici l’été, le virus sera sous contrôle tant en Europe que dans le reste du monde. » On observera ensuite une reprise vigoureuse.

Selon Igor de Maack, gérant de DNCA Investments, certes le Covid-19 « est responsable d’une des chutes les plus brutales de l’économie mondiale depuis la crise de Lehman Brothers en 2008-2009. Il est aussi la source de la dégringolade boursière. Et si tout est parti de Chine, tout redémarre là-bas. Certaines données (centrales électriques à charbon ou informations en provenance de sociétés comme Bureau Veritas), confirment que les usines chinoises semblent repartir. Néanmoins, la contamination des autres continents et pays et les mesures de confinement qui suivent vont prolonger l’effet sur l’activité économique de ces zones. Le coronavirus est unique dans l’histoire des pandémies. Il représente tout ce que les marchés n’aiment pas dans l’éclosion d’un risque : imprévu, global, non quantifiable tant dans son ampleur que dans sa durée (...) Mais si le calendrier de la disparition du virus (vers l’été en raison de l’impact nocif des températures plus élevées sur le virus) est hypothétique, il doit aussi laisser entrevoir de meilleurs jours boursiers. » On ne dit finalement pas le contraire chez Belfius qui, dans une communication de crise rappelle qu’après un krach boursier, le cours des actions se redresse généralement de manière tout aussi inattendue et aussi rapide. « Diverses études montrent qu’en cas de fluctuations et de pertes comme celles des dernières semaines, il n’est pas rare d’observer des rebonds de l’ordre de 20 à 30%. » Investir dans des actions s’envisage donc sur long terme. Le caractère « montagne russe » de la Bourse fait partie du jeu. À court terme, les actions sont volatiles. Qui avait prévu une telle crise sanitaire mondiale ? Mais elles récompensent toujours l’investisseur patient, malgré les crises.

Pare-chocs monétaire

Pour Christine Lagarde, la présidente de la BCE, « l’Europe pourrait connaître un scénario qui rappellerait celui de la grande crise financière de 2008 si elle n’agit pas. ». Mais des actions sont entreprises, « le choc ne sera alors probablement que temporaire. » Les banques centrales, et peu importe la zone géographique, vont ou prennent des mesures comme en France. L’idée est d’injecter des liquidités, d’une manière ou d’une autre pour sauver l’économie, empêcher la disparition de milliers d’entreprises et endiguer les risques d’un krach boursier comme en 1929. Par ailleurs, autre source d’espoir, le système financier est plus solide qu’en 2008. Les mesures de soutien budgétaires et monétaires qui se mettent en place ont pour dessein de sauvegarder l’activité économique.

Alors, après ces réflexions, une question plutôt iconoclaste se pose en ces temps troublés : est-ce le moment de faire de bonnes affaires en Bourse ? Autrement dit, comme les actions sont « bon marché », est-ce le moment d’acheter ?

Les avis divergent. Si certains conseillent de se positionner progressivement sur les actions, d’autres estiment que les mauvaises nouvelles peuvent encore tomber. Personne n’a de boule de cristal. Mais selon Rémi Le Bailly, rédacteur en chef d’Investir, la réponse est oui : « nous prenons le risque de répondre ‘commencer à acheter’. Si auparavant nous avons conseillé d’être sous-investis en actions, c’est-à-dire de détenir moins d’actions que dans un portefeuille équilibré, cette fois nous conseillons d’avoir un portefeuille équilibré. C’est à dire de consacrer une partie des liquidités à l’achat d’actions. Mais ce réinvestissement doit être progressif. Il est possible sinon probable que le marché ira sans doute plus bas, mais comme on n’achète jamais au plus bas... Le proverbe ‘acheter au son du canon’ s’applique plus que jamais aujourd’hui. Seulement le canon risque de tonner encore quelques semaines. »

Never catch a falling knife

Pour Guy Legrand, ancien rédacteur en chef de Cash et chroniqueur pour le Plus Magazine, « d’un côté, il est toujours difficile d’acheter quand les marchés s’écroulent, c’est psychologique ! Mais il est vrai aussi qu’on ne peut jamais savoir si la baisse est terminée. D’où l’adage anglo-saxon ‘never catch a falling knife’. A vouloir attraper un couteau qui chute, on risque effectivement de se blesser ! A preuve : après le mini-krach du lundi 9 mars, l’indice Bel 20 de la Bourse de Bruxelles avait perdu 24,4 % en 3 semaines. De fameuses soldes ! Sauf qu’aujourd’hui, le 17 mars, il est encore 22 % plus bas ! D’un autre côté, avec un indice à présent en chute de 40 % en un mois, on peut considérer qu’on anticipe un fameux paquet de mauvaises nouvelles. Y compris cette récession que l’on évoque de plus en plus. On peut même considérer qu’on anticipe à l’excès, ce qui est d’ailleurs l’essence même de la Bourse, à la hausse comme à la baisse. Globalement, nos entreprises ne valent en effet pas 40 % de moins si la conjoncture est mauvaise jusqu’en été, ou même jusqu’à la fin de l’année. Dans une perspective de long terme, -40 %, c’est vraiment une chute énorme. Qui, historiquement, est inévitablement suivie d’un fort rebond. Souvent endéans un an. » Et le spécialiste d’ajouter : « certes, on ne sait pas encore à quoi s’en tenir et c’est bien pourquoi les marchés s’inquiètent (et même paniquent) de la sorte. Et tandis que certains n’osent pas acheter ou ne peuvent pas pour diverses raisons, les plus audacieux et aguerris considéreront sans doute qu’on peut y aller, fût-ce par étapes. Car il ne faut jamais perdre de vue que cette chute de 40 % est le prix de l’incertitude, qui est énorme aujourd’hui, comme en 2008-2009. Quand on saura à quoi s’en tenir, et même si on est alors en récession, les indices auront inévitablement déjà remonté. Car la Bourse anticipe d’au moins six mois. »

Toute cette histoire mérite néanmoins une morale : vendre quand la Bourse baisse et acheter quand la Bourse monte, ce n’est vraiment pas la meilleure des stratégies.

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