Est-ce site triste que ça ?

Anne Vanderdonckt
Anne Vanderdonckt Directrice de la rédaction

L’autre soir, je me rends à une conférence, précédée d’une réception, à laquelle je suis invitée. Je donne mon nom à une jeune fille munie d’une liste, qui m’indique où faire la file pour aller me chercher un verre.

Je n’ai pas encore soif, mais j’opte pour un verre d’eau dans lequel trempe une altière feuille de menthe, question de me donner une contenance. Car dans cette assemblée brancho-branchée, qui se partage entre inconditionnels des Stan Smith et adorateurs des Nike, je ne connais pas un chat. A l’heure qu’il est, je ne sais d’ailleurs toujours pas à quoi peuvent bien ressembler les gens qui m’ont invitée, et qui ne sont néanmoins pas des inconnus puisqu’on communique régulièrement par mail à grand renfort de formules chaleureuses et de petits smileys. Quelques grappes de personnes, qui se retrouvent, bavardent. Les autres, debout ou assises, pianotent de manière affairée sur leur smartphone. Je comprends très vite que ces quidams-là n’ont pas d’affaires urgentes à régler, mais comme moi, ne connaissent personne, et qu’il serait malvenu de tenter une prise de contact. Comment croiser le regard de quelqu’un qui le garde ostensiblement rivé sur son écran ?

Comme je m’ennuie, par mimétisme, je plonge moi aussi sur mon clavier vitré avec mes doigts gras (les en-cas au fromage !) et réponds à des mails qui auraient pu attendre facilement les heures ouvrables du lendemain sans se périmer. Quand soudain, une image, hilarante, vient parasiter mon cerveau : celle de mon chien, le regard vide, en train de se gratter sans conviction derrière l’oreille avec sa patte arrière quand il ne sait pas quoi faire d’autre. Smartphone/grattage d’oreille canin : même combat !

Cette réception n’est qu’une modeste illustration de la difficulté à rencontrer de nouvelles têtes une fois qu’on a quitté les grands viviers que sont les écoles et les mouvements de jeunesse. Et que dire de l’âme soeur, alors ! Raison pour laquelle fleurissent les sites de rencontres, de nos jours de plus en plus souvent en ligne. Et pourquoi pas ? Contrairement à ce qu’on entend souvent, le virtuel, ici, n’a rien de triste, c’est juste un moyen de sélectionner des personnes avec lesquelles on aura a priori des affinités. Sélectionner, ne fait-on pas cela tous les jours dans les relations sociales ? Pourquoi cette caissière me commente-t-elle la météo du jour pour établir un contact, alors qu’elle ne l’a pas fait avec la personne d’avant ni d’après ? Pour ce qui concerne les sites de rencontres, l’écran d’ordinateur mène de toute manière à ce que le virtuel ne le reste pas. Au moment de la première entrevue, c’est bien une personne en chair et os, avec son sourire, sa manière de s’exprimer, ses gestes qu’on aura en face de soi. Une personne avec laquelle on aura des affinités, ou pas. Avec laquelle on aura envie de partager des moments de vie, ou pas. Peut-être le bonheur a-t-il son nom écrit dans votre smartphone ? Peut-être est-il juste à côté de vous ?

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