Anne Vanderdonckt

Taux bas et paniers percés

Anne Vanderdonckt
Anne Vanderdonckt Directrice de la rédaction

Le passage du monde du travail à l’univers de la retraite entraîne un grand nombre de bouleversements. On parle beaucoup des retombées psychologiques. Moins, en finale, du poids de l’argent. Car là aussi, on se trouve confronté à un changement radical.

Le passage du monde du travail à l’univers de la retraite entraîne un grand nombre de bouleversements. On parle beaucoup des retombées psychologiques. Moins, en finale, du poids de l’argent. Car là aussi, on se trouve confronté à un changement radical. Entre un salaire moyen et une pension moyenne, pour un travailleur du privé, il y a un fossé qui oblige à revoir fondamentalement ses habitudes de consommation. Rares sont ceux qui s’en sortent haut la main les premiers mois, car entre le budget qu’on a établi de manière toute théorique et la réalité émaillée de petits cafés par ci et de frigo qui tombe en panne par là, on se trouve contraint d’aller puiser dans sa réserve.

Ah, la réserve ! Ce petit trésor accumulé tout au long d’une vie, qui, selon une simulation récente d’Immother-Finotheker, devrait se situer entre 150.000 et 447.000 € pour atteindre les 80% idéaux de son salaire. Ce petit trésor prévu pour enfin voyager le jour où on en aura le temps, pour parer aux coups durs, pour aider les enfants. Pour ne pas trop devoir restreindre les petits plaisirs de la vie. Pour ne pas dépendre. Pour s’assurer une fin de vie décente (prix moyen d’une maison de repos = 1.350€/mois sans les extras). Pour le cas où. Non, on n’est pas confronté à moins de dépenses en vieillissant. Il faut n’avoir jamais fréquenté une pharmacie pour le penser.

Les gens qui se trouvent aujourd’hui non loin des portes de la retraite, ou les ont franchies, ont bien intégré tout cela. Car cela fait belle lurette qu’on nous répète que la pension légale ne suffira pas et que s’assurer une pension complémentaire en commençant à cotiser le plus tôt possible est un minimum. Et puis aussi qu’il faut épargner. Mettre de côté. Tous les mois un petit quelque chose, même si ce n’est pas grand-chose. Tous les mois. Et puis, on se retrouve en 2016. On reçoit un enième courrier de sa banque prévenant d’une nouvelle baisse des taux. Soit une baisse de rendement sur son épargne. Soit plus de rendement du tout. Le rendement négatif n’est plus une fiction. Dans dix ans ou quinze ans, ils vaudront encore quoi ces sous qu’on nous incite aujourd’hui à risquer ? Mais oui quoi, oubliez les carnets d’épargne pépères, osez le risque qui vous rapportera quelque chose ! Ou pas. Ben tiens !

L’économiste Geert Noels pousse un coup de gueule dans nos pages (76) : la baisse des taux, c’est une rupture de contrat avec toute une génération ! Qui pousse à des comportements inconséquents. Puisque cet argent qu’on épargne réduira comme une soupe mijotant sans couvercle, eh bien, à la place, dépensons joyeusement, ce sera toujours ça de pris. Pourquoi se priver aujourd’hui au profit que quelque chose qui ne sera plus grandchose demain ? Même si on ne dépense pas ainsi sans sentiment de culpabilité alors qu’on a été éduqué au lait des valeurs travail et épargne, au moins, il n’y aura pas de regrets. Ou peut-être qu’il y en aura. On ne sait pas. En tout état de cause, ce n’est pas un comportement que conseille l’économiste. Mais quoi alors ? Lorsqu’on ne possède pas assez pour le risquer, on suit la sagesse populaire ancestrale : on ne met pas tous ses oeufs dans le même panier et on joue la prudence...

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