Anne Vanderdonckt

Sans gluten et assiettes bizarres

Anne Vanderdonckt
Anne Vanderdonckt Directrice de la rédaction

Nos assiettes recèlent décidément bien des bizarreries.

Et voilà qu’on apprend incidemment, à l’occasion de son dernier voyage officiel aux Pays-Bas, que le roi Philippe se fait désormais préparer des plats sans gluten. Très rapidement, l’information fait le tour du monde. Enfin, de Belgique, mais ce n’est déjà pas si mal. Car la bombinette est du genre qui fait des dégâts. Philippe, commente la presse, fait beaucoup de sport et est soucieux de sa santé. Ce régime sans gluten s’inscrirait donc dans le cadre d’une alimentation plus saine. CQFD. Au secours ! Pour quelle raison, le roi a-t-il rayé le gluten de son schéma alimentaire ? Point d’interrogation. Il n’est pas dans la culture du Palais de justifier le pourquoi de ses menus et de s’épancher sur ses problèmes gastriques, ce qui est tout à son honneur. En revanche, relier  » manger sainement  » et  » sans gluten  » n’a de sens que pour les personnes intolérantes au gluten. Laisser entendre le contraire contribue à alimenter cette mode, lancée et entretenue par des stars américaines comme Jennifer Aniston, Gwyneth Paltrow, Victoria Beckam, Lady Gaga ou la présentatrice Oprah Winfrey qui ne manquent pas une occasion de raconter à quel point elles se sentent mieux depuis qu’elles ont renoncé à cette protéine présente dans la plupart des céréales et dans les plats préparés. Si les stars recourent à cette privation pour garder la ligne (plus de pain, plus de pâtes... et surtout le fait qu’on est attentif à ce qu’on avale, ça fonctionne), les sportifs de haut niveau, eux, chassent le gluten pour optimiser leurs performances. Nous, on se dit que si ça marche pour eux, pourquoi pas pour nous ? Mais il y a une différence de taille entre les stars et nous : elles sont entourées de nutritionnistes, médecins et coaches qui veillent au grain (sans jeu de mot).

Si cette mode du no gluten perdure, peut-être est-ce dû au  » sans « . Car il n’y a pas que le  » sans gluten  » qui cartonne. Il y a aussi le  » sans lactose « . Le  » sans viande « . Ou le  » sans protéines animales « . Se priver d’une substance qui nous ferait du mal pour arrêter de nous détruire (c’est le postulat de nutritionnistes gourous médiatiques qui se font beaucoup de blé en jouant sur la peur), l’équation est séduisante. D’autant plus attrayante que, lorsqu’on n’est pas vraiment intolérant à cette protéine, il n’y a pas de conséquences quand on fait des écarts ou on oublie de vérifier une étiquette. Et alors qu’il était, il y a quelques années encore, hyper difficile pour ceux qui étaient touchés par la maladie coeliaque, affection chronique de l’intestin déclenchée par la consommation de gluten, de trouver un pain sans gluten, aujourd’hui les produits gluten free sont à portée de main de tous dans les grandes surfaces. Tout au bénéfice de la vogue qui, pour qu’elle soit durable, ne doit pas exiger d’efforts démesurés.

Et pendant ce temps, la doyenne de l’humanité, 117 ans, la dernière personne vivante à être née avant 1900, s’alimente uniquement de trois oeufs par jour et de biscuits,  » sans tout le reste « . Tout le reste, elle n’aime pas... Nos assiettes recèlent décidément bien des bizarreries.

Par Anne Vanderdonckt, Directrice de la rédaction

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