Anne Vanderdonckt

Préparer un repas... c’est de l’émotion, de l’amour et de la chaleur

Anne Vanderdonckt
Anne Vanderdonckt Directrice de la rédaction

En période de crise et d’incertitudes multiples, comme aujourd’hui, la cuisine dépasse avec plus de force que jamais son rôle primaire, qui est de nourrir les corps. La nourriture, c’est bien plus que le contenu de nos assiettes...

La cuisine est à la mode. Elle est le plat consistant d’émissions de divertissement à haut potentiel d’audimat. Elle devient événement lorsqu’elle est mise en scène dans des restaurants qui proposent une expérience (les dîners dans les airs, dans le noir...) ou organisent leur carte autour d’un thème original (en bocaux, tout à base de houmous...). Elle est la star photogénique des réseaux sociaux. Elle nourrit notre volonté d’être acteurs de notre santé en se labellisant bio, en se laissant cueillir au jardin, ou à la ferme.

En période de crise et d’incertitudes multiples, comme aujourd’hui, la cuisine dépasse avec plus de force que jamais son rôle primaire, qui est de nourrir les corps. La nourriture, c’est bien plus que le contenu de nos assiettes...

C’est de l’émotion, de l’amour et de la chaleur. Préparer un repas pour ceux qu’on aime est un acte pétri de sentiments, qui rend heureux tant les convives que la personne officiant aux fourneaux.

C’est un langage. Les responsables des ressources humaines le savent : lorsque les employés se mettent à râler contre les menus ou l’organisation de la cantine, c’est très souvent le signe qu’il faut chercher le vrai mécontentement ailleurs.

Cuisiner... c’est un langage, mais aussi une thérapie.

C’est aussi une thérapie. Une expérience fascinante a été menée récemment en France, près de Toulon, relate M, le magazine du Monde. Dans un hôpital spécialisé dans le grand âge, où les patients sont profondément désorientés, un chef étoilé est venu préparer un festin...avec l’aide des résidents. Faire ensemble. Manger ensemble. Avec cette surprise gustative de haute qualité, on leur a offert une stimulation des neurones, du plaisir, de l’autonomie, une conscience et une estime de soi. Ce jour-là, joyeux, les patients se sont resservis. Et ont embrassé le chef. Pour cet établissement, la cuisine, au même titre que le yoga etc, représente une thérapie douce dont l’objectif est de diminuer les quantités de médicaments.

Manger est souvent d’ailleurs, pour les personnes qui ont atteint le grand âge, le dernier plaisir qui reste, celui qui aide à garder l’envie de vivre et le contact avec les autres. A côté de cela, il leur est parfois difficile de manger avec des couverts, de mâcher, d’avaler. Un défi auquel s’intéresse, en France toujours, le triple étoilé Michel Bras, associé à des experts de la santé et à Sodexo, le géant de la restauration collective, pour résoudre le problème du tout-mixé. A savoir ces purées insipides et infantilisantes servies aussi dans les hôpitaux et qui vous font craindre les heures des repas.  » Mangez, Monsieur, il faut manger !  »  » Mais c’est tous les jours la même chose et c’est mauvais !  »  » On le sait, mais il faut manger, hein !  » (dialogue entendu en décembre 2016 dans un grand hôpital). Des purées dont l’effet est donc d’aggraver encore les problèmes d’appétit et de dénutrition. Or, la plupart de ces personnes sont capables de mâcher, et le lien entre mastication et cognition a été établi. Mâcher, c’est encore, et ce n’est pas rien, garder sa dignité. Présenter des repas de qualité pour des collectivités n’est certes pas évident, c’est également un choix de priorités budgétaires, mais Hippocrate ne disait-il pas :  » Que ton alimentation soit ta première médecine  » ? Et cela remonte à l’Antiquité...

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