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Pourquoi on devrait manger plus souvent ensemble !

Et si le bonheur c’était de voir ses invités se régaler des bons petits plats qu’on leur a préparés ? Cuisiner pour ceux qu’on aime c’est, en effet, bien plus que combler leur appétit. C’est aussi leur donner de l’amour.

Dans notre société, la table remplit de nombreuses fonctions : réconfort, punition, lien, récompense... Cela commence dès le berceau. Il suffit que bébé pleure pour que ses parents comprennent qu’il a faim. A un enfant qui s’est fait mal, on offre un biscuit en guise de consolation. On punit l’ado qui rentre trop tard en le privant de dessert... car il n’en reste plus. Que fait-on avec des amis qu’on n’a plus vu depuis longtemps ? On s’offre une sortie au restaurant ! Inversement la nourriture – plus particulièrement le fait de partager un repas – fait naître toutes sortes d’émotions.  » C’est un domaine complexe et les recherches en sont encore à leurs balbutiements « , précise An Vandeputte, psychologue de l’alimentation.  » On sait que tout le monde n’entretient pas la même relation avec la nourriture. Et ce pour différentes raisons. « 

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Les expériences antérieures, positives ou négatives, jouent un rôle non négligeable dans nos habitudes alimentaires .  » Le système ou circuit de la récompense (une zone spécifique du cerveau) n’est pas le même chez tout le monde « , analyse An Vandeputte.  » Certains parviennent à le contrôler, d’autres résistent plus difficilement à une vitrine pleine de petits gâteaux, par exemple. C’est également une question de caractère et de tempérament. « 

Manger comme ses parents

A table, le contexte émotionnel et l’expérience s’allient pour combler le ventre mais aussi l’âme et le coeur.

Les habitudes de table de nos parents déterminent en grande partie les nôtres. Avant la naissance, le foetus peut être influencé par les goûts de sa mère. Enfant, on forge inconsciemment ses préférences par rapport aux exemples qu’on observe autour de soi. Si votre père avait l’habitude de plonger dans l’armoire à biscuits après le repas, il y a de bonnes chances que vous fassiez de même.  » Lorsque des schémas se répètent – par exemple, servir des chips et du Coca-Cola devant la télé – on a tendance à les intégrer et à associer la détente avec un bol de chips et un verre de Coca-Cola « , observe An Vandeputte.

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Les souvenirs familiaux heureux sont souvent liés aux plaisirs de la table. Demandez autour de vous ce que les gens appréciaient le plus lors des repas pris en famille et ils vous répondront sans doute : la convivialité, les échanges, le bavardage. Ou le fait qu’on se soit donné du mal pour vous préparer un petit plat. Peu importe lequel, c’est l’attention qui compte. Le contexte émotionnel et l’expérience s’allient pour combler le ventre mais aussi l’âme et le coeur.

 » Chaque soir, nous mangions à la table familiale « , se souvient Julie Ohana, une thérapeute américaine qui s’est penchée sur l’impact émotionnel de la nourriture et des repas pris en bonne compagnie.  » Lorsque mon père travaillait tard le soir, je mangeais avec ma mère et ma soeur. Dès que papa rentrait, ma soeur et moi lui tenions compagnie et picorions à tour de rôle dans son assiette. Nos meilleures conversations, c’est à table que nous les avons eues. Des années après, je me surprends à rire en repensant à ma soeur qui demandait chaque soir :  » Et maintenant, je peux te raconter ma journée ?  » Aujourd’hui, je me rends compte de l’importance de ces repas et de ces conversations. C’est là que nous avons appris à coeur ouvert, à évoquer nos succès, nos doutes et des futilités. Mes parents nous traitaient en égaux : nos journées comptaient autant que les leurs. Tout ce qu’ils disaient nous enrichissait, mais l’inverse était vrai aussi. Le lien familial est resté très fort entre nous et je pense que cela découle de cette tradition. « 

La cuisine, c’est intime

S’activer aux fourneaux génère de nombreux effets positifs au niveau psychologique. Cuisiner pour les siens est une forme d’altruisme qui contribue au bonheur. Offrir un repas confectionné par ses soins permet en outre de booster la confiance et l’estime de soi. La nourriture est vitale, on offre donc à autrui quelque chose de primordial.  » Cuisiner de bons petits plats est une excellente activité pour le mental qui permet, en outre, de créer du lien entre les convives « , analyse le chercheur américain Matthew Riccio.  » Cuisiner pour ceux quon aime est une activité très intime, même si les personnes pour qui on cuisine ne sont pas présentes au moment même. C’est une façon de se rapprocher d’eux, puisque la nourriture concrétise l’amour et l’attention qu’on a mis à préparer les plats. « 

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Julie Ohana, qui applique la thérapie culinaire sur des patients déprimés et/ou angoissés, y voit encore d’autres avantages.  » Cuisiner pour ceux qu’on aime, c’est l’assurance de se concentrer sur ce qu’on fait, en pleine conscience. Il suffit de se laisser distraire pour courir le risque qu’une casserole brûle sur le feu. Cuisiner permet une certaine introspection. Tous les sens sont concentrés sur ce que nous faisons, or on sait que la mémoire est intimement liée à l’odorat. Le parfum d’un aliment peut faire remonter des souvenirs enfouis et nous rappeler tel petit plat que nous préparait notre grand-mère. Cette mémoire olfactive et gourmande a le don de mettre de bonne humeur. « 

Comme un fumet de déception...

Cuisiner pour les siens peut apporter beaucoup de satisfactions. Mais la déception est parfois au rendez-vous. Un  » beurk  » peut être perçu comme un véritable rejet.  » C’est compréhensible. On a mis énormément d’affection, consacré du temps et de l’attention à confectionner tel ou tel plat, persuadé de faire plaisir « , confirme An Vandeputte.  » En même temps, il n’est pas anormal que des enfants, et parfois des adultes, réagissent ainsi à un plat qu’ils ne connaissent pas. Jusqu’à l’âge de 12 ans, les enfants sont sujets à la néophobie, la peur de ce qui est nouveau. Quand ils s’écrient  » J’aime pas ! « , il ne faut pas le prendre pour soi mais comme le signe qu’ils n’ont pas fini de grandir. Pendant cette phase, servez-leur ce qu’ils aiment en intégrant, ici et là, quelques petites variations. « 

La génération des baby-boomers a été la première à disposer de nourriture à volonté.  » La cuisine est devenue plus riche, avec du sucre et de la crème « , souligne An Vandeputte.  » Puis les enfants des baby-boomers ont voulu maigrir et manger plus sainement. Aujourd’hui la tendance est à l’alimentation authentique : revenir au fait maison et aux légumes cultivés soi-même, nous ramenant ainsi à nos grands-parents qui cultivaient leur potager. « 

Nos souvenirs de famille –  » Ah, la soupe aux tomates de bonne-maman ou de tante Julie !  » – ajoutent une charge émotionnelle. Mais les petits-enfants d’aujourd’hui n’ont pas tous connu la transmission des recettes familiales. Ils se sont régalés sans le sel du souvenir.  » Cela n’empêche qu’on puisse créer, aujourd’hui comme hier, une mémoire gourmande et familiale, en invitant régulièrement la famille à manger et/ou en cuisinant avec ses petits-enfants. Si vous cultivez des carottes ou des tomates, cueillez-les avec vos petits-enfants et faites-leur goûter ces légumes du potager. Ce sont des souvenirs qu’ils évoqueront avec leurs propres enfants. Les repas où chacun apporte un plat sont également un excellent terreau. Le fait d’y participer crée du lien et rend heureux. « 

Amour et ventre

L’amour passe aussi par le ventre dit l’adage. En revanche, on ignore souvent par quel mécanisme.  » Le plaisir de l’assiette apporte une satiété physique mais aussi psychologique « , souligne An Vandeputte.  » Cuisiner avec amour pour quelqu’un, c’est faire don de quelque chose de très émouvant. Derrière ce plat, il y a un message. Il peut vouloir dire : j’ai pensé à ce que tu aimes, j’ai fait des courses, puis j’ai cuisiné pour toi. La nourriture est une forme de langage. Au sein d’un couple, quand l’un des deux se montre difficile à table, composer les repas peut devenir un réel défi. « 

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