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Les grands-parents gâtent-ils trop leurs petits enfants ?

Les  » papidous  » et  » mamilis  » d’aujourd’hui sont souvent proches de leurs petits-enfants qu’ils n’hésitent pas à couvrir d’attentions. Une bonne chose pour tous, à condition de ne pas dépasser certaines limites...

Ils emmènent leurs petits-enfants au musée, au cinéma, voire en city-trip. Ils leur mitonnent leurs plats préférés, préparent des goûters roboratifs (mais sains !), n’hésitent pas à transformer le salon en terrain de jeu. Souvent compagnons d’amusement, parfois confidents, la plupart des grands-parents d’aujourd’hui ne ménagent pas leurs efforts pour faire plaisir et passer de bons moments avec la plus jeune génération. Quitte à en faire trop ? Un grand-parent n’étant pas l’autre, impossible, bien sûr, de donner une réponse univoque et généralisée.

Tout au plus peut-on remarquer que la relation avec les petits-enfants évolue de plus en plus vers une grande complicité.  » C’était très différent par le passé mais, globalement, les grands-parents d’aujourd’hui ressentent moins leur rôle comme étant un rôle d’autorité, explique Marie-Thérèse Casman, sociologue et maître de conférences à l’Ulg. Cela se remarque notamment dans les noms employés pour les désigner : on ne dit plus jamais  » Grand-Père  » ou  » Bonne-Maman « , on préférera les petits surnoms affectueux comme  » Papidou  » ou  » Mamili « . La relation avec les petits-enfants est plus axée sur le ludique, la découverte. Les grands-parents cherchent à apporter des choses que les parents, qui travaillent souvent tous les deux, n’ont plus le temps de faire. « 

Faire et se faire plaisir

Si le rôle de grands-parents a évolué de la sorte, c’est aussi parce que la vision du temps qui passe n’est plus la même.  » Avant, l’espérance de vie était moindre : arrivé à l’âge d’être grand-parent, on estimait qu’il fallait se préparer à la mort « , rappelle la sociologue. En d’autres termes : il était nécessaire de se racheter une conduite et de renoncer aux plaisirs terrestres.  » On a complètement changé de point de vue : désormais, on est là pour jouir de la vie jusqu’au bout, pour en profiter un maximum. Et l’une des grandes manières de profiter de la vie, c’est justement d’avoir les meilleures relations possibles avec sa famille ! Ajoutez à cela que les couples font aujourd’hui moins d’enfants et les familles ont tendance à se rétrécir : les liens avec vos petits-enfants seront forcément plus forts si vous n’en avez que quatre, plutôt que quinze ! « 

Cette relation privilégiée grands-parents/petits-enfants peut être source de tension avec les parents. Ceux-ci peuvent éprouver de l’amertume ou de l’étonnement à voir leurs propres parents, autrefois sévères, se transformer en  » grands-parents gâteaux « , plus coulants et multipliant les activités. Il n’y a pourtant rien d’illogique : dégagés du carcan de l’autorité, leur position dans la famille a évolué, ils sont désormais en seconde ligne.  » S’ils peuvent toujours participer au projet éducatif, ils n’en sont plus responsables, ce qui leur ôte une solide pression. Ils sont aussi plus disponibles et, puisqu’ils ne vivent pas sous le même toit que leurs petits-enfants, le temps passé ensemble, forcément limité, va être consacré à développer une relation qualitative. « 

Chez Mamy, c’est pas chez Maman

Qui dit qualitatif, dit plaisir : les grands-parents chercheront à contenter leurs petits-enfants, sans que cela passe nécessairement par une profusion de cadeaux. Le plus souvent, il s’agira d’attentions, de temps partagé ensemble, de sorties amusantes... Le tout dans une atmosphère (un peu) plus permissive. Cela peut-il avoir des conséquences néfastes sur les principes d’éducation mis en place par les parents ?  » Les enfants savent bien faire la différence entre ce qui est permis chez les grands-parents et à la maison, et savent que ce n’est pas toujours la même chose, répond le Dr Céline Beudin, pédopsychiatre. Tout du moins, tant que les grands-parents restent dans leur rôle : c’est un peu différent si ceux-ci sont très impliqués dans l’éducation des enfants. « 

On peut donc autoriser quelques écarts l’esprit tranquille, mais il convient de ne pas aller trop loin.  » Il est important de rester globalement dans la même ligne de conduite que les parents, et de ne pas aller complètement à leur encontre, confirme la pédopsychiatre. L’enfant a besoin de structure, de règles : il n’est pas interdit de lui faire plaisir, mais il est important de ne pas céder à tous ses caprices. Il est aussi utile d’identifier les raisons des règles mises en place par les parents. Parfois, les interdictions sont strictes pour des raisons objectives : si l’enfant n’a pas droit aux caramels, c’est peut-être parce qu’il porte un appareil dentaire, par exemple. « 

Un rôle d’épanouissement

Moyennant ces mises en garde, autoriser l’enfant à se coucher un peu plus tard pour continuer à papoter ou lui offrir occasionnellement un petit cadeau sans raison n’aura d’autre conséquence que de susciter de la joie. Mieux : développer une relation forte avec ses petitsenfants permettra de faire évoluer leur vision du monde et de la société.  » Des études montrent que quand on a des relations qualitativement bonnes avec ses grands-parents, quand on est enfant ou adolescent, on se fait une meilleure représentation de l’âge « , détaille Marie-Thérèse Casman.

A un niveau plus personnel, cette entente privilégiée est aussi un facteur d’épanouissement important.  » Elle permet à l’enfant d’apprendre quantité de choses, de remettre en contexte l’histoire de ses parents, confirme Céline Beudin. Le temps passé avec les grands-parents est un temps de qualité pour les enfants, hors du métro-boulot-dodo, avec des activités centrées sur eux. Et ça, c’est une très bonne chose ! « 

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 » Tu ne diras rien à tes parents ! « 

En tant que grand-parent, il est parfois tentant de cacher aux parents qu’on a un peu trop gâté leur progéniture.  » Attention, il est très important de ne pas mettre l’enfant en conflit de loyauté, met en garde le Dr Céline Beudin, pédopsychiatre. Dire à l’enfant  » Tu ne diras rien à tes parents  » le mettra dans une situation très inconfortable. Il sera ravi d’avoir été gâté, mais n’aura pas envie de mentir à ses parents.  » Mieux vaut donc jouer carte sur table avec le papa et la maman... et subir leurs foudres quelques instants !

Les grands-parents gâtent-ils trop leurs petits enfants ?
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Françoise, 62 ans : Je l’aide à bien grandir

« Mon petit fils, je le gâte sans aucun remords, même si mes enfants trouvent que j’en fais plus avec lui qu’avec eux au même âge, raconte Françoise, 62 ans. Mais ça ne se discute pas. Ils étaient trois gentils petits monstres et je leur ai donné beaucoup de tendresse, de temps et d’écoute. Ils le savent et adorent me taquiner sur mon amour inconditionnel pour ce petit bonhomme de 4 ans et demi.

Avec Léon, toutes les fantaisies sont permises. On va fouiller le grenier pour se trouver des vêtements dignes des bandits de grand chemin, le couloir se transforme en circuit automobile, on pâtisse avec passion des gâteaux... On se sent bien ensemble. Pour moi, le gâter, ce n’est pas lui offrir plein de cadeaux mais surtout être à son écoute, l’aider à développer son imagination, sa curiosité, son goût pour la lecture. Ce que j’aime, c’est le peu de contraintes qu’il y a. Je ne suis pas là pour l’éduquer, juste pour l’aider à bien grandir, à avoir l’esprit ouvert sur le monde. On est surtout très complices et on a des tas de projets plus ou moins farfelus. Cet été, nous partirons à Rome voir pourquoi ils sont fous ces Romains... »

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