Anne Vanderdonckt

Les beaux voyages d’un petit pull

Anne Vanderdonckt
Anne Vanderdonckt Directrice de la rédaction

Le shopping de vacances a cette valeur particulière et inestimable de capturer des instants et de les retransmettre avec une intensité intacte. Mieux, il s’inscrit dans un partage, une connivence.

Un dimanche matin, au petit-déjeuner :  » Attention, la confiture d’Agon-Coutainville est tombée sur ton pull d’Antibes.  » Remarque conjugale que j’ai trouvée marrante et ai aussitôt notée dans mon carnet de Maastricht avec mon stylo de Trèves. Marrante parce que tellement vraie. C’est une manie, je ne dis jamais mon pull bleu marine, mais mon pull d’Antibes. Ma jupe de Nice. Mes escarpins de Brest. Mon chemisier d’Amiens. Mon sac de Lyon. Ma garde-robe est une sorte d’album de vacances. De catalogue de city-trips. De recueil de souvenirs. Mes vêtements, en tout cas ceux-là, sont des voyages. Enfiler mon pull bleu, c’est retrouver l’étroite boutique de cette ruelle antiboise, non loin de laquelle j’aperçois la jolie place ombragée où trône, devant le musée dédié au dessinateur Peynet, la statue de ses tendres amoureux enlacés. Je goûte la subtile note fruitée de ce ballon de vin blanc qui a précédé la balade sur le port. Bateaux paisiblement amarrés, mer qui scintille paresseusement sous le soleil. Moments de bonheur. Qu’il suffit d’un petit pull bleu marine pour ressusciter.

Le shopping de vacances a cette valeur particulière et inestimable de capturer des instants et de les retransmettre avec une intensité intacte. Mieux, il s’inscrit dans un partage, une connivence :  » Il pleut, prends plutôt ton ciré du Conquet  » (oui, en Bretagne ; non, il n’y pleut pas tout le temps). Souvenir d’une promenade magique arrosée d’une impétueuse averse qui nous a poussés, trempés comme des soupes d’ormeaux, dans une boutique de cirés.

Et si le bénéfice des voyages était avant tout les souvenirs qu’on en garde ? Et qui nous réchauffent toute une vie. Parfois jusqu’au moment où seule la mémoire lointaine fonctionne encore et où ces souvenirs solaires et rassurants deviennent alors des socles qui portent et qui relient.

En ce sens, les parents qui s’offrent un grand voyage symbolique avec leurs enfants avant que ceux-ci ne s’envolent du nid ont mille fois raison (lire pXX). Qu’ils prennent l’avion pour le bout le monde ou le train pour Ostende, l’essentiel, c’est de se retrouver ensemble et de vivre une aventure de vie ensemble. Ces  » derniers voyages « , qui sont d’ailleurs très souvent des avant-(avant)derniers, sont un phénomène relativement récent, sans doute dû au fait que l’humain, lorsqu’il évolue dans une société qui perd ses rites, les remplace spontanément par d’autres. Ils génèrent en tout cas des souvenirs qui cimentent les relations, pour très longtemps. Les vacances, c’est tout sauf futile... Et l’acquisition d’un objet qui viendra vous surprendre un jour d’une bouffée de bonheur au détour d’une armoire, non plus...

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