Le retour des grandes familles

Depuis 2004, la natalité est en hausse en Belgique. Doit-on pour autant s’attendre au retour des familles nombreuses ? Et avoir beaucoup d’enfants constitue-t-il une garantie pour l’avenir ? La parole à ceux qui ont fait le choix d’avoir une ribambelle.

Contenu :

Du rêve et à la réalité...
 » Kevin vient d’avoir 17 ans, je prends un congé parental « 
Nid douillet ou chapelet de frustrations ?
 » Ce n’est pas à nos enfants d’assurer notre avenir « 

Julio Iglésias, 63 ans, est père pour la huitième fois depuis avril 2007. Brad Pitt a déjà trois enfants et en souhaite encore. L’actrice Eva Longoria (Gabrielle Solis dans Desperate Housewives) répète vouloir minimum trois ou quatre enfants. Il suffit de regarder autour de soi pour s’en rendre compte : les jeunes adultes d’aujourd’hui semblent vouloir faire plus d’enfants. Et les chiffres confirment la tendance : depuis 2004, le nombre des naissances en Belgique est reparti à la hausse, et ce dans les trois Régions (3 % en 2004, près de 2 % en 2005 et sans doute 2 % en 2006).

Cela signifie-t-il pour autant que l’on va assister au grand retour des familles nombreuses ?  » Pas nécessairement, explique le professeur Jan Van Bavel, démographe à la VUB. Après des années de baisse de la natalité, on observe un renversement de la tendance en 2004. A dater de cette année, l’âge moyen du premier enfant tend, lui aussi, à diminuer (il concerne davantage de femmes âgées de 25 à 30 ans). Parallèlement, un grand nombre de femmes choisissent, parfois à cause de leur carrière, de devenir mères après 30, voire 40 ans. Mais, toutes catégories d’âge confondues, le désir de famille nombreuse est nettement plus présent. Cela ne signifie pas pour autant que chaque femme ou chaque couple aura une famille nombreuse. « 

Du rêve et à la réalité...

Les propos de Jan Van Bavel se vérifient. Nombre de jeunes adultes estiment que 3 enfants est un chiffre idéal. Ma propre fille m’a promis trois petits-enfants pour ses 33 ans, tandis qu’au lendemain de leur mariage, mon fils et ma belle-fille parlaient d’avoir cinq enfants ! Jusqu’à présent, je n’ai qu’un petit-enfant. Pas étonnant quand on sait que le nombre moyen d’enfants par foyer en Belgique est de 1,65. Or, pour que la pyramide des âges reste stable et que le système des pensions se maintienne, ce chiffre devrait être de 2,5 minimum.

 » Il serait souhaitable de voir davantage de familles nombreuses mais le désir d’enfant ne se concrétise pas toujours, commente Anne-Mie Drieskens de la Ligue des Familles/Gezinsbond. Il y a deux raisons à cela : le budget qu’exige l’entretien d’une famille nombreuse et le difficile équilibre entre famille et travail. Nous avons calculé qu’entre l’âge de 0 et 25 ans, un enfant coûte minimum 394,53 ? par mois (index du 30/11/06), et ce sans compter les frais de garde et d’études. Quand on a trois enfants, les frais ne sont couverts qu’à concurrence de 65 % par les allocations familiales et les réductions d’impôt. Pour élever six enfants, il faudrait en principe compter près de 33.000 ? de revenus nets par an afin de pouvoir récupérer en allocations familiales et avantages fiscaux la majeure partie des frais consacrés aux enfants. C’est pour cela que nous plaidons depuis longtemps pour une revalorisation sensible des allocations familiales. D’autant que, à partir de trois enfants, les femmes ont beaucoup de mal à concilier vie de famille et carrière professionnelle. 65 % des femmes belges ayant trois enfants ou plus travaillent à temps partiel. Nous soutenons également l’idée de leur adjoindre des « aides familiales », des gens formés spécialement pour aider les familles nombreuses dans l’organisation et le déroulement de la vie quotidienne (ménage, etc.). Mais il faudrait octroyer à ces aides un bon statut social et faire en sorte qu’elles soient abordables pour toutes les familles nombreuses. »

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 » Kevin vient d’avoir 17 ans, je prends un congé parental  »

Ceux qui ont choisi d’élever une famille nombreuse et ont atteint l’âge de 45 ou 50 ans, font souvent l’expérience d’une grande différence d’âge entre les aînés et les cadets. « Au sein des familles nombreuses aucun enfant ne devrait avoir le sentiment qu’il a bénéficié de moins d’attention que ses frères et soeurs, souligne Anne-Mie Drieskens. Mais, en général, entre l’aîné et le cadet, la situation familiale évolue. Ma fille aînée qui a 18 ans a pu se déplacer à vélo nettement plus souvent que sa petite soeur de 8 ans, ne serait-ce qu’à cause de l’augmentation trafic. A l’inverse, notre plus jeune fils a reçu très tôt une Gameboy, alors que son frère aîné avait dû attendre des années pour cela.

Si, passé le cap des 50 ans, vous avez la possibilité de réduire vos heures de travail (crédit-temps, semaine de quatre jours), saisissez l’occasion pour profiter pleinement de vos enfants qui n’ont pas encore quitté le nid. Pris par votre métier, vous n’avez pas profité de vos aînés. Il n’est pas trop tard pour vous investir davantage auprès des plus jeunes. Quel dommage que les employés ne puissent prendre un congé parental que pour des enfants de 0 à 6 ans. La Ligue des Familles/Gezinsbond se bat pour que cet âge soit porté à 18 ans. Cela offrirait une solution aux nombreux 40 et 50 + qui fondent une nouvelle famille avec un second conjoint qui a déjà des enfants issus d’un premier mariage. Il n’est pas rare d’être confronté à un adolescent « difficile », face auquel on ne sait trop comment réagir, parfois par manque de temps. On peut avoir élevé six enfants, il n’en reste pas moins que toute aide est la bienvenue en tant que parent ou beau-parent ! »

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Nid douillet ou chapelet de frustrations ?

Si vous avez élevé du mieux que vous avez pu six enfants dans une atmosphère chaleureuse et épanouissante, vos enfants vont-ils vouloir pour autant fonder une famille nombreuse ? « Rien n’est mois sûr, affirme Anne-Mie Drieskens. Je connais des gens issus de familles de huit ou dix enfants et qui ont eux-mêmes trois ou quatre enfants. La famille nombreuse est toujours un reflet de la vie en société. Dans des circonstances idéales, chacun apprend à vivre en communauté dans le respect et la solidarité. Mais la réalité est parfois autre. Tout dépend de la place qu’on a eue au sein de sa nombreuse famille.

Si on y a trouvé beaucoup de chaleur, on voudra plus tard transmettre cette expérience. Mais, parfois, c’est la frustration qui a été au rendez-vous : ne pas avoir eu de chambre à soi, avoir toujours connu ses parents nerveux et stressés, avoir dû veiller sur un petit frère ou une petite soeur, avoir été moins gâté que ses camarades de classe... Dans ce cas, l’envie de fonder à son tour une famille nombreuse sera nettement moins marquée. Dans une famille nombreuse, on attend souvent des enfants qu’ils donnent un coup de main. Ce qui les familiarise très tôt avec les exigences de la vie pratique et sociale. Mais il faut à tout prix éviter de leur faire porter le poids des responsabilités d’adultes.  »

Nous avons demandé à Evelien, 21 ans, et Frederike, 18 ans, respectivement troisième et quatrième filles de Koen et Kris Lenaerts si les enfants issus d’une famille nombreuse ont envie à leur tour de fonder une grande famille.  » Maintenant que ma soeur aînée a quitté la maison, j’ai la nostalgie des samedis soir, quand nous étions rassemblées autour du feu ouvert, toutes lumières éteintes, admet Evelien. D’un autre côté, je me rends compte de l’énergie qu’il a fallu à nos parents pour nous élever. Quand on ne se sent pas cette énergie-là, mieux vaut avoir moins d’enfants mais accorder suffisamment d’attention à chacun. Avoir une famille nombreuse exige beaucoup de discipline et d’organisation. Parler chacun à son tour, par exemple, ou manger à tour de rôle. Tout cela, parfois, au détriment de la spontanéité.  »

Frederike, elle, veut au moins quatre enfants. « J’adore être entourée de vie ! Ce sentiment de solidarité, c’est génial. On peut toujours se tourner vers quelqu’un et trouver de l’aide. J’en ai fait l’expérience lorsque mon parrain est mort brusquement. Je n’ai pas manqué d’épaules sur lesquelles pleurer ! »

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 » Ce n’est pas à nos enfants d’assurer notre avenir  »

Avant, on considérait volontiers la famille nombreuse comme une « assurance sur l’avenir ». Avoir beaucoup d’enfants, c’était minimiser le risque d’être seul et démuni. « Il faut à tout prix éviter de considérer ses enfants comme ses futurs créanciers, explique Anne-Mie Drieskens. On choisit d’avoir des enfants pour le bonheur de transmettre la vie, de les voir grandir et mûrir en développant leur propre personnalité. Pas pour qu’ils prennent soin de leurs vieux parents plus tard. Certes, on a le droit de dire aux enfants devenus adultes Je n’ai aucune envie de finir mes jours en maison de retraite. Il faut pouvoir l’exprimer, tout comme la question de la garde des petits-enfants. Mais on ne doit jamais leur confier le poids d’un devoir envers leurs parents. En effet, les soucis avec les parents âgés surviennent à un moment de la vie où l’on est encore fort pris par son métier et par ses propres enfants. »

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