La valise à roulettes

Rrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrr Clac Rrrrrrrrrrrrrrr Clac Clac L’été dernier, les Berlinois leur ont déclaré la guerre. Stop aux valises à roulettes ! Stop au vacarme que produisent, de jour comme de nuit, ces agaçantes petites roues sur le bitume ou sur les pavés.

Oh oui, le tapage est encore pire sur les pavés, et plus guerrier encore quand ils sont anciens et déchaussés ! Et les claquements secs lorsqu’elles jouent à saute-mouton sur les bordures! Et l’orgie de décibels quand les touristes se meuvent en groupe !

Car quand Berlin, troisième destination au top des villes européennes, haut lieu du tourisme branché, s’en prend aux valises à roulettes, elle vise en réalité le tourisme de masse dont la valise est devenue le symbole. Légère, de plus en plus légère pour répondre aux exigences de poids maximum des compagnies low-cost (15 kilos au total; on renonce à y enfourner les briques que sont les best-seller de l’été, m’sieurs dames !). Solide, parce qu’elle est destinée à être jetée sans ménagements dans la soute pour, plus tard, qu’elle ait coûté quelques euros ou un pont, sans respect aucun, être brutalement éjectée sur un tapis roulant. Où chacun scrute l’arrivée de la sienne, un petit pincement au ventre : et si elle n’arrivait pas ? Et tout le monde se presse pour arracher la sienne au vol. Tous ces bagages qui se ressemblent. On avait cru que notre valise cuivrée serait unique. Il y a en a dix. Il y a en a cent. Toutes pareilles avec leurs petites roulettes battant inutilement l’air sur le tapis qui les emporte. On les personnalise alors d’un foulard, d’un gros élastique, précaution supplémentaire pour éviter qu’elle ne dégorge son contenu. D’autocollants  » Rome « ,  » New York « ,  » Paris « ,  » I love Pattaya  » qui s’écaillent au fil des déplacements, nous identifiant comme un grand voyageur. Une valise, c’est comme une chaussure en cuir de qualité, pour que ce soit beau, il faut que cela ait vécu. Une valise n’est pas un objet comme un autre. Elle contient notre univers, des promesses de bonheur et, au retour, des souvenirs. On y est attaché et on défend son clan (Rimowa, Delsey, Samsonite, Tumi...) avec une passion proche de la mauvaise foi totalement assumée.

Et nos belles anciennes valises qu’on portait à la main, que sont-elles devenues?

Désormais, rangées des voitures, elles se vendent ou se louent pour figurer sur les photos de mariage. Symboles de pérennité ou d’un voyage vers une nouvelle vie qui ne s’accommode pas de la turbulence des roulettes...

Je vous souhaite un merveilleux été !

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