J’ai testé pour vous : Mon premier jogging

04h10. Une insomnie. Les questions fusent et se bousculent dans ma tête embrumée par la fatigue et l’angoisse. Je me revois à l’époque de mes études, la veille d’un examen. Sauf que demain, aucune feuille blanche n’attend mes réponses, aucun prof ne devra dégommer son bic rouge. Demain, je cours. Mon premier jogging officiel. Mes 6,6 premiers kilomètres pas pour du beurre ...

Mais quelle mouche m’a donc piquée, moi qui étais incapable de courir plus de 20 secondes sans me sentir au bout de ma vie. Ai-je succombé à la nouvelle mode de courir partout, tout le temps et par tous les temps ? On pourrait le croire. Mais l’élément déclencheur de cette nouvelle addiction a été le retour de mes amis sportifs après le Marathon de Nice, il y a près d’un an. Les messages de félicitations et d’autocongratulations publiés sur le célèbre réseau social m’ont laissée perplexe, voire dubitative. Il fut un temps où moi aussi j’étais sportive, les cuisses en béton et le ventre plat. Mais elle est révolue cette époque où je n’étais jamais à bout de souffle et où je battais les garçons à plate couture lors des sprints et autres tests d’endurance. Alors quoi ? Suis-je condamnée à souffler comme un boeuf quand je monte les escaliers (et pas de chance pour moi, j’habite une maison bel-étage avec une flopée de marches), à traîner la patte lors des balades en groupe en faisant croire que je m’intéresse à la flore locale ?

Il y a près d’un an, ma décision était prise : on reprend l’entraînement à zéro, on apprivoise la sueur, on apprécie la souffrance et surtout on ne se décourage pas. Mon amie marathonienne me confie un programme d’entraînement. Courir quelques secondes, marcher le double puis diminuer progressivement le temps de marche pour augmenter celui de course (le fameux Start to Run connu de tous les runners débutants). Les premières secondes de course me semblent durer une infinité d’heures. Je m’y prends comme ... une bleue ! Je débute mon jogging à fond la caisse dans une côte ! Je décide donc de m’équiper d’une montre cardio qui calculera mes pulsations cardiaques et me rappellera à l’ordre dès que je ferai du zèle. Et je progresse. Après ma première demi-heure sans m’arrêter, j’envoie un SMS à mon amie pour lui annoncer la grande nouvelle, les larmes au bord des yeux ! Et là, elle m’annonce :  » Alors, t’es prête pour les 6,6 kilomètres de Binche ! « .  » Hein ? Quoi ? Comment ? Non, non ! c’était juste une fois comme ça que j’ai couru 30 minutes sans m’arrêter, c’était pas prévu ... « . Mais l’entraînement suivant, je dépasse les 40 minutes sans faire la moindre pause. Puis les 55 minutes. Puis la date des 6,6 kilomètres approche et mon amie me relance. Et je me laisse embarquer. Jusqu’à cette veille de premier jogging officiel, où je me pose mille questions : vais-je y arriver ? Et si je me foule encore la cheville (oui, parce ce que j’ai quand même dû arrêter les entraînements pour cause de cheville méconnaissable tant par la taille que par la couleur ...) ? Et si j’arrive complètement à bout de souffle, que je dois me coucher par terre et qu’on doit appeler le Samu ? Et si je me perds sur le parcours et que je me retrouve à 20 kilomètres des autres joggeurs (notez que là, je ne doute pas une seconde de pouvoir courir 20 kilomètres) ? Et si je dois faire pipi ? Bref, toutes les raisons sont bonnes pour déclarer forfait.

Mais le jour J arrive et un petit quelque chose me pousse vers les starting-blocks. Ce jour-là, il pleut, le petit crachin typiquement belge. Et avant même de commencer, mes lunettes ressemblent à un masque de plongée. Mes inquiétudes visuelles sont vite dissipées lorsque je croise une copine de longue date qui, elle aussi, a commencé la course à pied. Et pour elle aussi c’est son premier jogging.  » On court ensemble ?  » Je n’y vois toujours rien, mais mon regard devient confiant.  » C’est quoi ton rythme ?  »  » Heu, mon rythme ? Je ne sais pas, lent certainement « .  » Ok, moi aussi !  » Et effectivement, je cale mes pas dans les siens avant de m’installer à ses côtés. Et de trouver notre rythme commun. Elle souffle une fois, je souffle deux fois, mais on est raccord !  » Quand je cours je ne parle pas « , m’informe-t-elle.  » Cool, moi non plus « .  » Je regarde mes pieds ! « .  » Cool, moi aussi « .  » Et moi quand je cours, je fais beaucoup de bruit en respirant « .  » Pareil « , avoue-t-elle. Dans ma tête, ça fait :  » Ouf, je n’aurai pas l’air d’une baleine toute seule « , avant de lui avouer que moi quand je cours, je crache. Et là, elle me répond sur le même rythme :  » Moi aussi, et parfois je me mouche ... sans mouchoir « . Et dans ma tête, ça dit :  » Ouais, on est des vraies ! « 

Les 6,6 kilomètres, on les a avalés, côte à côte, sous la pluie et un peu dans la boue. Et à l’arrivée, on n’avait pas grand-chose à se dire, juste un sourire de joie indescriptible. Quant à moi, je prépare mon premier 9,3 kilomètres. Mais quelle mouche m’a donc piquée ...

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