J’ai testé : le Thalys qui se prenait pour un tortillard.

Vite, vite, vite. Je bois mon deuxième café tout en me maquillant. Je claque la porte d’entrée. Zut, oublié mon imper ! Je rouvre la porte. M’empare de mon imper. Vite. Referme la porte à double tour. Et c’est parti ! Ce matin, je prends le Thalys à 07h43 pour un rendez-vous à Paris.

Et les trains, ça n’attend pas. Un demi minute de retard et ça vous file dédaigneusement sous le nez.

07h43. Ding Dong.  » Je suis Claudia, votre trainmanager. Le train partira en retard car nous devons attendre notre conducteur... » Les rires se succèdent dans le wagon, par vagues, suivant la langue des annonces. Néerlandais. Français. Anglais. Là, c’est l’apothéose, tout le monde a maintenant compris, le wagon, littéralement, se gondole. Quatre jeunes Russes très occupés autour d’une perche à selfie (ce n’est pas interdit au Louvre maintenant ?), qui viennent enfin de comprendre le pourquoi de l’hilarité générale, n’en peuvent plus.

Un femme, jolie pulpeuse blonde, tirant par la main son petit garçon qui lui ressemble comme deux gouttes d’eau, s’engouffre, essoufflée, dans le wagon. Comme quoi le retard des uns annule le retard des autres... En tout cas, elle a eu du bol ! Pas moi, parce qu’elle se jette très exactement sur les deux places libres que je lorgnais pour avoir mes aises.

07h55. Ding Dong.  » Le conducteur vient d’arriver. Nous partirons dans quelques instants. Veuillez nous excuser de ce désagrément « , claironne Claudia.

J’imagine le spectacle dans la cabine. Le conducteur, rouge, en sueur, les cheveux en bataille, pestant pour exorciser son stress et faire baisser son niveau de cortisol :  » Diiiingue, c’est tous les jours la même chose, encore un accident sur ce ***de ring de***(ndlr : je résume sinon, ça fera un peu trop de *** pour rester lisible), bientôt faudra venir à vélo et ça ira encore plus vite.  » Voilà, ça va mieux maintenant ? Le conducteur met la machine en route...

8h... car effectivement, le train bouge. Un peu. Et tout s’éteint.

Ding Dong.  » Nous sommes momentanément arrêtés à cause de problèmes techniques « . Soupirs.

8h04. Aaaaah, ça bouge, ça se met en branle !  » Les problèmes techniques sont finis, alors ? « , piaille le petit garçon blond (vous vous souvenez ? Celui qui aurait manqué son train si ce dernier n’avait pas été en retard). Et de se remettre à jouer avec un espèce de machin intergalactique en Lego, sans un regard pour la gare qui défile. Ca ne les fait plus rêver les trains, aujourd’hui, les petits garçons ? Quoi ?! Conducteur de train, un métier où vous arrivez en retard et toute une foule vous attend, et cela ne les fait pas rêver ? Mais, à part Madonna, quel métier permet ça, dites-moi ?

Ding Dong. Nous avons 21 minutes de retard, nous informe notre multilingue Claudia. Il faut l’avouer, on est bien informés, et c’est vraiment un progrès à saluer. Les trains ne sont pas à l’heure, non, mais au moins les choses sont dites. N’importe quel psychologue vous dira que c’est essentiel.

Cela ne change rien, en revanche, à la vie du petit garçon qui continue à jouer avec son machin intergalactique tout en racontant à la grand blonde qui l’accompagne qu’il ira manger des frites à Paris (ndlr : quelle idée !) et visitera la tour Eiffel avec S., l’ami de maman. D’où, j’en déduis que la grande blonde qui lui ressemble n’est pas, comme je l’avais cru, sa mère. Sinon quel besoin aurait-il de lui parler du copain de maman (avec lequel il a l’air de bien s’entendre ; les familles recomposées, ce n’est pas toujours la galère) ? Mais qui est-elle alors, une amie de sa maman ? Une voisine ? C’est fou comme on s’intéresse à la vie des autres quand on est calé dans un espace clos.

9h20. Le train ralentit. Normal, nous approchons de Paris. S’arrête. Ca, ce n’est plus normal.

Ding Dong. C’est parce que nous sommes arrêtés à un feu rouge, s’excuse Claudia, qui ne sait pas pour combien de temps.

9h25. On reçoit l’explication. Ding Dong.  » Notre train s’est arrêté à cause d’un train en détresse devant nous.  » La pauvre Claudia, dont la journée commence décidemment bien mal, nous tiendra au courant  » des conséquences éventuelles des problèmes de circulation sur cette voie « .

10h03. La conséquence  » éventuelle « , c’est qu’on est quasiment une heure en retard. Heureusement, grâce aux sms, on peut prévenir de son retard, ce qui limite quand même le stress.

Ding Dong. Claudia nous quitte en espérant que nous avons fait bon voyage. Le petit blondinet enfile son anorak. Dehors, il pleut à verse. On était mieux dans le train.

Ce récit se passe la veille de l’attaque du Thalys Amsterdam-Paris.

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