Sophie Fontanel, blogueuse, écrivaine © .

« Il y a un véritable érotisme du cheveu blanc »

À 53 ans, Sophie Fontanel, journaliste et écrivain, a décidé de ne plus se teindre les cheveux. Dans son livre,  » Une apparition « , elle raconte cette métamorphose que désapprouve une partie de son entourage, mais qui la mènera vers toujours plus de liberté et de sensualité.

Tout au long de votre métamorphose, vous êtes confrontée à un malentendu : les gens pensent que vous laissez vos cheveux blanchir parce que vous assumez votre âge et/ou que vous vous laissez aller. Mais vous écrivez :  » Je ne le fais pas pour assumer mon âge. Je ne le fais pas par renoncement à une puissance que serait la jeunesse « . C’est plutôt un désir de beauté qui vous guide...

Oui, car il y a une beauté de la maturité, de la patine de l’âge. Je le crois vraiment. Mais il y a une convention qui dit que lorsque les femmes se laissent blanchir les cheveux, c’est parce qu’elles en ont assez des contraintes liées aux teintures. Ce serait donc un refus de coquetterie. Mais je pense au contraire que c’est une coquetterie d’avoir les cheveux blancs ! C’est un atout extraordinaire qui est donné aux femmes qui, contrairement aux hommes, perdent rarement leurs cheveux. C’est aussi pourquoi cette chevelure est soumise à toute une série de conventions : les cacher, les laisser longs quand on est une petite fille, etc. Quand on avance en âge, la convention serait de les avoir courts parce que c’est pratique : on veut bien à la limite qu’ils soient blancs, mais courts ! Tout cela est très lié à la sexualité car il y a un véritable érotisme du cheveu blanc...

Vous décidez d’ailleurs de ne plus vous teindre après avoir vu, à Saint-Tropez, une femme aux longs cheveux blancs sur laquelle tous les hommes se retournent...

Cette femme est en réalité la suite d’une série de visions. J’ai d’abord vu beaucoup de femmes de ma famille avec les cheveux blancs, puis j’en ai aperçu une à Los Angeles avec les cheveux blancs jusqu’à la taille, une encore dans les rues de Rome... Et quand j’ai vu cette femme à Saint-Tropez, je me suis demandé : est-ce que je vais attendre d’être une vieille dame pour faire comme ces femmes que je trouve si belles ? J’ai commencé à me dire que ce serait magnifique un peuple de cheveux blancs... Je découvre d’ailleurs que dans les pays du nord où les femmes sont très blondes, elles se laissent blanchir car cela ne se voit presque pas. Et dans les pays méditerranéens, beaucoup de femmes ne veulent pas se teindre parce qu’elles trouvent que ça fait vulgaire.

La grande affaire, c’est d’abord celle-là : pourquoi commence-t-on à se teindre ? Vous-même avez commencé après qu’une collègue vous ait dit que ça vous rajeunirait de dix ans.

Il faut arrêter de prêter aux hommes des goûts et des pensées qu’ils n’ont pas

Oui, mais pourquoi faudrait-il se rajeunir ? Qu’est-ce que ça peut faire ? J’ai 55 ans, c’est mon âge et quand bien même un homme me mettrait 40 ans, je ne les ai pas ! Ce qui est important, ce n’est pas de se rajeunir mais de porter glorieusement son âge. Entre leur 50 et leur 80 ans, c’est comme si les femmes ne pouvaient pas bouger, qu’elles devaient rester exactement les mêmes trente ans durant... Après, on accepte mieux le changement parce qu’elles seraient devenues des  » vieilles dames « . Et pourtant, non, les choses changent et ne cessent de changer. Même d’un jour à l’autre. On peut se sentir très juvénile un jour et plus mature le lendemain.

Vous n’avez d’ailleurs pas eu moins de succès avec les hommes en vous laissant blanchir... au contraire.

Il faut arrêter de prêter aux hommes des goûts et des pensées qu’ils n’ont pas. Les hommes peuvent aussi avoir, en avançant en âge, envie d’autre chose. Et d’ailleurs, je ne rencontrerais même personne... tant pis ! Ce n’est pas nécessairement le but. Mais vous pouvez rencontrer des hommes qui trouvent ça beau. Et plus il y aura de femmes aux cheveux blancs, moins ce sera un sujet. Est-ce qu’on se retourne encore sur les hommes chauves ?

Ce dont parle aussi votre livre, c’est de la « double peine » qu’encourent les femmes en avançant en âge. On continue à les juger davantage sur leur apparence que les hommes, mais plus elles vieillissent, plus elles devraient se conformer à des normes.

Oui, une femme qui a les cheveux blancs et longs, c’est une sorcière ! Mais cette image de la sorcière réfère en fait à ce pouvoir de séduction qui terrorise tout le monde. Mes cheveux blancs, je compte bien les avoir de plus en plus longs et à mon avis, plus c’est long, plus c’est beau. Les hommes, désormais, se retournent sur mon passage alors qu’avant, ils ne se retournaient pas, ou beaucoup moins.

À votre avis, les femmes qui ont les cheveux blancs ont un super pouvoir ?

Toutes les femmes qui ont les cheveux blancs disent qu’elles adorent ça et que pour rien au monde, elles ne voudraient revenir en arrière. C’est lumineux, cela prend des reflets acier ou, au contraire, nacrés, vanille. On voit moins les rides parce que c’est moins tranchant sur le visage, c’est joli pour s’habiller, on vous voit dans la foule... À la disparition programmée d’une femme qui vieillit est substituée une apparition.

Vous ne vous teindrez jamais à nouveau ?

Jamais, jamais, jamais.

Sophie Fontanel, Une apparition, éd.Robert Laffont, 252 p., 19 euros.

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