Anne Vanderdonckt

Et si dormir était un loisir ?

Anne Vanderdonckt
Anne Vanderdonckt Directrice de la rédaction

Et vous, Anne, quel est votre loisir ?  » Cette question simple lancée pour entretenir la conversation d’une tablée composée de personnes qui se connaissent à peine me laisse le bec dans l’eau. Juste un quart de nanoseconde.  » Je dessine.  » Tout le monde :  » Ooooh !  » Je ne mens pas tout à fait : j’ai fréquenté l’académie avec passion il y a quelques années, enfin il y a un peu plus longtemps que ça, et je me suis renseignée pour reprendre des cours (j’ai le numéro de téléphone d’une académie; j’ai un téléphone, reste à ce que des vents bénéfiques favorisent une rencontre des deux). A ma gauche, mon petit beau-fils me regarde avec des yeux qui s’écarquillent comme des soucoupes :  » Du dessin... J’ai failli m’étrangler !  »  » C’est ça le storytelling, mon p’tit vieux ! Je n’allais pas leur raconter que les salles de sport me font changer de trottoir, que le soir, j’adore juste chipoter dans mes armoires, manger des framboises surgelées en regardant une série, scruter tout ce qu’internet produit de meilleur et de plus gnangnan ou me balader en regardant les façades.  »  » Elle lit énormément « , ajoute mon mari. C’est vrai, je suis une boulimique de lecture depuis toujours. Or, mes livres, mes journaux, mes magazines sont un tel prolongement de moi-même que je n’y ai pas pensé comme loisirs. Mais au fait, qu’est-ce qu’un loisir ? Ma première pensée durant mon quart de nanoseconde de réflexion a été : zut, je ne fais pas de sport, comme tous ces gens qui ont parlé de leur fitness ou de leur tennis. Inconsciemment, sport (actif ou passif) = loisir numéro 1 obligatoire, tant il est valorisé depuis que l’homo sapiens passe ses journées en position assise.

 » Et vous Helena, quel est votre loisir ?  »  » Je dors.  » Silence.  » Oui, je dors, je ne fais rien d’autre, pas de sport, pas de cuisine, rien, mais j’adore dormir.  » Helena ne se justifie pas, n’ajoute pas qu’elle travaille tous les jours très tard, porte de lourdes responsabilités, que sa vie c’est son boulot, qu’elle ne s’en plaint pas parce que c’est comme ça, mais que quand, de temps en temps, elle a un dimanche après-midi à elle, eh bien, ce qui recharge ses batteries, ce n’est pas d’enfourcher une bicyclette ou de faire un stage de yoga, comme le prescrivent les magazines qu’elle n’a pas de temps de feuilleter, c’est de dormir. Dormir, un loisir ? Mais oui, dormir juste pour le plaisir de dormir, de s’enfouir dans un cocon douillet, de flotter dans des rêves ouatés, de se réveiller en s’étirant comme un matou repu. Un loisir, c’est ce qu’on a envie de faire, comme ça gratuitement, uniquement pour se faire du bien, donc dormir répond à la définition. Les conclusions d’une toute récente étude du British national center for social research et d’Oxford Economics auprès de 8.000 adultes britanniques vont plus loin : un bon somme est primordial pour ressentir une importante sensation de bonheur. Dormir pour être heureux : à inscrire d’urgence au panthéon des hobbies. Et n’hésitez pas l’évoquer en société, vous obtiendrez là le départ d’une passionnante conversation.

ANNE VANDERDONCKT

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