Anne Vanderdonckt

Est-il vraiment idiot de sourire ?

Anne Vanderdonckt
Anne Vanderdonckt Directrice de la rédaction

Directrice de la rédaction, Anne Vanderdonckt, se pose la question....

Je pousse la lourde porte vitrée de la boutique. La vendeuse me sert la formule réglementaire :  » Si je peux vous aider...« . Tout son langage corporel, les commissures de ses lèvres vers le sol carrelé, exprime que c’est la dernière de ses envies. « 

Je cherche un pull blanc cassé à col rond.  »  » Je n’en ai plus.  » Heuuu, et sur l’étagère de gauche, là, qu’est-ce qui est blanc et n’attend que d’être adopté ? Je n’en dis rien. Plus envie d’acheter !  » Oh, ce n’est pas grave.  » Je souris de toutes mes dents, et avec les yeux, ridules comprises, en captant le regard de madame-porte-de-prison. C’est mon nouveau jeu : faire sourire les pisse-vinaigre. La vendeuse craque, me raccompagne en me complimentant sur mon manteau.

Gain de l’opération ? Peut-être cette vendeuse, que j’ai très souvent vue mal lunée, sera-t-elle encline à sourire à la prochaine cliente ? Qui elle-même, etc. Car le sourire, c’est contagieux. Et efficace. Un peu comme quand un conducteur vous cède le passage, cela vous incite à laisser, vous aussi, passer une autre voiture calée depuis belle lurette car elle n’a pas la priorité. Le code de la route à lui seul n’écartera jamais les relents de jungle que génère la circulation ; un sourire de remerciement, oui.

A mon âge, je devrais en principe avoir perdu ma naïveté, mais je n’arrive cependant toujours pas à comprendre pourquoi il est si incongru de sourire dans cette société (où, emblématiques, les mannequins qui portent les plus beaux vêtements du monde ont l’air de porter toute l’insatisfaction du monde. Et personnellement, me donnent plutôt envie de vite regarder ailleurs que de me projeter en consommatrice de ces vêtements).

Bref, le même jour, j’arrive à la borne de péage du parking. A côté, une dame qui attend manifestement quelqu’un. Sans réfléchir, je lui souris discrètement. Juste question de lui faire parvenir l’information que j’ai perçu un autre être humain, pas pour entamer une conversation ni même dire bonjour. L’air effrayé de la femme ! Si je l’avais insultée sans raison, elle n’aurait pas eu l’air plus outrée. Durant 30 secondes, j’ai vécu dans la peau de Quasimodo.

Faire ses courses dans une grande-surface, rencontrer quelqu’un qu’on croise régulièrement dans les couloirs de son entreprise et lui sourire pour lui signifier qu’on l’a reconnu (non, tu n’es pas un numéro !) procure souvent le même sentiment. Et si la personne est accompagnée d’un enfant et que vous souriez à l’enfant, on vous foudroie en entourant celui-ci d’un geste protecteur comme si vous étiez un prédateur potentiel.

Encore envie de sourire aux inconnus après ça ? Oui, parce que très souvent, un sourire amène un bel échange. Parce que le sourire empêche la spirale de l’agressivité (ce qui serait arrivé si j’avais dit à la vendeuse :  » Et sur l’étagère, là, c’est quoi ? C’est pas un pull col rond blanc cassé peut-être ? « ) qui empoisonne la journée de tout le monde, la vôtre comprise. Parce que le sourire est le meilleur des botox. Le produit de beauté qui surpasse tous les autres. Parce que si on s’y met tous, vous allez voir, le sourire deviendra tendance !

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