Enfants adoptés : et les grands-parents ?

L’adoption ? Cela concerne, bien sûr, un enfant et des parents adoptifs. Oui, mais les grands-parents ? Ils n’ont pas choisi d’adopter, eux... Et pourtant, les voilà face à de petits bouts venus d’ailleurs, qui, en toute simplicité, les appellent  » papy  » et  » mamy « ...

Contenu :

Soutenir les parents
Accepter les différences
1.000 façons de se ressembler
Une question de valeurs
Penser à l’avenir
Suivre son intuition

Un jour, Camille, adolescente, a lancé à Nicole, sa grand-mère :  » Mamy, tu sais, c’est grâce à toi que je vis ! « . Devant la mine interloquée de Nicole, la jeune fille, née en Afrique, dans un pays en pleine guerre civile, s’est expliquée :  » Mais si ! Toi, tu as eu maman, et maman m’a adoptée ! « .  » Ça a été un grand moment d’émotion « , se souvient Nicole, une pensionnée montoise, qui souhaite rester anonyme.

Devenir grand-père ou grand-mère, c’est un nouveau rôle à jouer, une nouvelle dynamique familiale à mettre en place, sur trois générations... Un rôle dans lequel certains, impatients, se glissent avec bonheur, alors que d’autres ont besoin de temps pour prendre leurs marques. Mais que se passe-t-il quand ces petits-enfants ne sont pas réellement les nôtres ? Quand notre fils nous présente fièrement ce charmant bébé venu de Corée, d’Ethiopie ou de Belgique ? Comment fait-on pour accepter ce petit, que votre fille ou fils a choisi, souvent après un long parcours ? Arrivera-t-on à se comporter avec lui comme avec nos autres petits-enfants ? Et chacun réagit selon son histoire, sa culture, ses convictions...

Soutenir les parents

Pour certains grands-parents, l’arrivée du petit n’est pas une surprise : ils ont suivi les démarches des futurs parents.

D’autres, au contraire, n’ont pas beaucoup de temps pour se faire à l’idée. Quoi qu’il en soit, face à l’adoption, il s’agit de resserrer les rangs, de mettre ses propres interrogations en veilleuse. Les questions sur l’avenir, les doutes, il est probable que les nouveaux parents les aient eus aussi. Et pourtant, ils ont décidé d’aller de l’avant. Alors, ce que les grands-parents ont de mieux à faire, c’est d’accepter leur décision et de les soutenir.  » C’est essentiel, insiste Sabine Duchenne, psychologue dans un service d’adoption en Belgique. Ne pas se sentir reconnu dans sa démarche, cela n’aidera pas votre fils, votre fille, à être parent adoptant. « 

Un malentendu classique, entre parents et grands-parents, porte souvent sur les motivations de l’adoption. Les parents, dans le cadre de la procédure d’adoption, suivent une formation qui les aide à se préparer, à analyser leur démarche.  » Adopter, c’est pour le bien de l’enfant, mais pas seulement, souligne Sabine Duchenne. C’est aussi parce qu’on a envie d’être parent. Il y a un désir d’enfant, et c’est très bien !

Les grands-parents ont souvent une vision différente de l’adoption : pour eux, c’est une démarche caritative, il s’agit de sauver un enfant. Mais un enfant n’est pas une bonne action. Pendant les formations, nous insistons là-dessus. C’est aux parents d’aider les grands- parents à se détacher de cette image... »

Andrée, juriste à Bruxelles, qui préfère également garder l’anonymat, est grand-mère de deux petites-filles adoptées. Elle a mis du temps à comprendre le désir d’enfant de sa fille.  » Nous avons toujours su qu’elle ne pourrait pas avoir d’enfants, mais je pensais que son investissement dans sa carrière et une vie sociale bien remplie, lui suffisaient. Quand elle nous a parlé de l’adoption, je ne m’y attendais pas. Nous avons beaucoup discuté. Je n’avais pas réalisé à quel point, avec son mari, ils avaient envie de ces enfants. « 

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Accepter les différences

Pour Nicole, l’arrivée de Camille, puis de ses frère et soeur, ne s’est pas faite toute seule.  » C’est une question de génération, raconte Nicole. Quand j’étais petite, j’avais une tirelire dans laquelle je mettais des pièces pour ces pauvres petits africains... Alors, quand on m’a dit que mes petits-enfants venaient de là-bas ! Mon mari n’a eu aucun mal, mais moi, j’ai mis du temps. « 

Lorsque le physique des petits-enfants indique sans équivoque qu’ils viennent d’un autre continent, beaucoup de grands-parents s’inquiètent des réactions auxquelles ces enfants seront peut-être confrontés.

 » Les grands-parents craignent que les enfants ne souffrent de discrimination, explique Heleen Vercauteren, assistante sociale, responsable des formations pour les grands-parents d’adoption, à l’association Triobla, à Courtrai. Cette association serait, à notre connaissance, la seule à proposer ce type de formation en Belgique. Andrée a réagi différemment. « Mes petites-filles sont chinoises, précise-t-elle. Elles sont adorables, je ne m’inquiète pas pour elles. Pour tout dire, je fonds ! « 

Devient-on grand-parent du jour au lendemain ? Que le bébé soit de notre sang ou pas, la relation peut démarrer en douceur et se construire au fil du temps.  » Dans les deux cas, la rencontre est un moment d’adoption, rassure Sabine Duchenne. On s’apprivoise mutuellement. Il faut laisser faire le temps, en nommant sa place, en disant  » Je suis ton grand-père, ta grand-mère. Le lien se tisse peu à peu. « 

Et ce lien peut aussi grandir à la faveur d’un événement.  » Camille avait quelques mois, explique Nicole. J’étais chez ma fille, qui a dû s’absenter. Dans l’urgence, je me suis retrouvée avec ce bébé dans les bras. Et là, seule avec elle, il y a eu un déclic. Je me suis dit :  » Allez, c’est ma petite-fille « ... « 

Pour aider les grands-parents, les parents ont un rôle à jouer.  » Le lien entre un petit-enfant et ses grands-parents est lié à la place que les parents donnent aux grands-parents. Cette place doit exister dans le discours, pas seulement dans les rencontres. Evoquer les grands-parents, parler d’eux quand ils étaient parents, est aussi important que de permettre aux petits-enfants de passer du temps avec eux. « 

Et pour renforcer cette construction du lien familial, les grands-parents peuvent prendre un album de photos, et montrer à l’enfant l’histoire de sa famille, raconter des anecdotes, dire  » Ton père, ta mère, tes tantes, tes cousins... « 

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1.000 façons de se ressembler

 » L’une de nos petites-filles biologiques ressemble beaucoup à mon mari, raconte encore Nicole. Avec mes petits-enfants adoptés, je ne peux pas dire cela. Et je le regrette. « 

Qu’un enfant ait les yeux de sa tante Louise ou le talent de dessinateur du grand-oncle Paul, on s’en amuse, on en parle à table, on cherche les comparaisons. Mais les ressemblances sont-elles exclusivement transmises par nos gênes ?  » Non, réagit Sabine Duchenne. Elles se trouvent aussi ailleurs. On peut ressembler à quelqu’un de mille façons différentes : les intonations de la voix, les expressions, la gestuelle, les mimiques, les goûts, les envies.... On fait passer plein de choses à l’enfant, en tant que parent ou grand-parent. L’enfant se construit dans l’identification, en baignant dans une culture familiale. On peut alors aussi trouver des traits de ressemblance. « 

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Une question de valeurs

Autre rapprochement possible : l’éducation.  » Si les trois générations ne partagent pas les mêmes valeurs, le contact sera plus difficile, que les petits-enfants soient biologiques ou non. A l’inverse, si les grands-parents sont en accord avec l’éducation et les valeurs transmises aux enfants, cela leur permettra de se retrouver en eux. « 

 » Il n’y a pas de coupure, à ce niveau-là, entre les trois générations, reconnaît Nicole. On retrouve nos valeurs, nos principes dans l’éducation que notre fille donne à ses enfants. « 

D’ailleurs, les grands-parents ne doivent pas hésiter à participer à cette éducation. Faire des remarques aux petits-enfants s’ils font une bêtise, ne se tiennent pas bien. C’est primordial ! Il ne faut surtout pas s’abstenir d’en faire, sous prétexte que ce ne sont pas vos petits-enfants biologiques. Cela ne ferait que marquer leur différence.

Nicole partage cet avis.  » Notre petit-fils ne travaillait pas beaucoup en classe, sa mère m’a demandé de lui parler. Je l’ai fait volontiers et ça a aidé. J’ai joué mon rôle de grand-mère. « 

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Penser à l’avenir

Prévoir sa succession est également une préoccupation bien légitime. La question de l’adoption peut titiller certains grands-parents. Accepte-t-on facilement de savoir qu’une maison, des objets de famille, iront à des petits-enfants adoptés ? N’a-t-on pas parfois envie de favoriser ses petits-enfants biologiques ?  » Nous entendons beaucoup de questions à ce sujet, témoigne Heleen Vercauteren. Les questions concernent autant l’aspect affectif que juridique de la succession. « 

 » Oui, j’avoue que j’y ai pensé, raconte Andrée. D’autant que je n’ai pas de petits-enfants biologiques. Je me suis posé des questions sur le sens de ma vie, de celle de mes ancêtres. On ne s’en rend sans doute pas compte lorsqu’on a des petits-enfants biologiques, mais finalement, tout ce qu’on fait, n’est-ce pas pour le transmettre à nos descendants ? Mais j’ai gardé mes réflexions pour moi. En parler? Cela n’aurait servi à rien, si ce n’est à faire de la peine. « 

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Suivre son intuition

 » De toute façon, souligne Sabine Duchenne, les biens iront d’abord aux parents. Et c’est aussi une question de confiance, d’entente, qui dépasse le cadre de l’adoption. On peut ne pas s’entendre avec un petit-fils biologique et s’inquiéter de ce qu’il fera d’un héritage. »

Faut-il vraiment se poser tant de questions ?  » Ma fille est heureuse, dit Nicole, et ça, c’est important. « 

 » Suivez votre intuition, faites comme vous le sentez, conseille d’Heleen Vercauteren aux futurs grands-parents d’adoption. Il n’y a vraiment aucune raison de paniquer ! Et si vous avez des questions, n’hésitez pas à en parler autour de vous. « 

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