© FRANKY VERDICKT

Coureur cycliste à la retraite, Tom Boonen se confie : « Rien n’est plus exaltant qu’une course ! »

Ann Heylens Journaliste

L’ancien champion du monde Tom Boonen disputait sa dernière course il y a trois ans. Comment vit-il sa retraite?

En marge de son émission « Tom Fietst » (Tom à vélo), récemment diffusée sur la VRT, l’ex-cycliste de 39 ans s’est confié sur sa passion pour le sport automobile et sur la place qu’occupe aujourd’hui le vélo dans sa vie. Dommage pour ses fans mais, non, il n’est pas question d’un comeback !

Des initiatives internationales, liées au vélo, que vous avez présentées dans votre émission vous inspirent-elles ?

Oui. Cycling without Age est un projet qui a vu le jour à Copenhague. Des bénévoles baladent les résidents d’une maison de repos en rickshaw (tricycle utilisé pour transporter des passagers). J’aimerais lancer un projet similaire en Belgique. Mon grand-père vit en maison de repos. Quand je vais lui rendre visite, le volume de la télévision est tellement élevé qu’il est impossible de se parler ! J’ai remarqué que les personnes âgées se confient plus facilement quand elles sortent. Cycling without Age cherche à s’internationaliser...

Quelle est l’importance du deux-roues dans votre vie ?

J’ai le vélo dans le sang. J’adore faire du VTT. Je roule en moyenne une fois par semaine, je cours deux fois par semaine et je fais du fitness trois matinées. J’ai besoin de faire du sport ! Même si mon activité physique ne dépasse plus 5 à 6 heures par semaine, contre 30 heures auparavant. Pour ma pension, mes coéquipiers et Philippe Gilbert qui possède un magasin de vélos m’ont offert un vélo électrique. Je me suis demandé ce que j’allais en faire. Eh bien, c’est vraiment super ! Je roule très vite sans transpirer et je me gare n’importe où.

Le vélo est-il aussi un moyen de transport pour vous ?

Le vélo a été synonyme de compétition pendant vingt ans. Mais aujourd’hui, j’apprécie une simple balade pour me détendre. Je considère mon vélo électrique comme un moyen de transport également. J’arrive facilement à 40 km/h, une vitesse normale pour un coureur, que je gère sans problème. Mais c’est dangereux pour beaucoup de gens. Il est grand temps d’améliorer l’infrastructure et de modifier la réglementation. Et les mentalités. Le vélo est encore trop souvent considéré comme un sport et un loisir. Les cyclistes du dimanche reprennent leur voiture le lundi. Alors qu’aux Pays-Bas, par exemple, le vélo est omniprésent, en toutes circonstances. À Copenhague, le vélo est roi, malgré les conditions climatiques moins favorables que chez nous. Nous vivons dans une société où la voiture règne en maître mais ce mode de vie a atteint ses limites.

Vous vous consacrez désormais au sport automobile. L’amour du vélo et l’amour de la voiture sont-ils compatibles ?

C’est assez bizarre. Quasi tous mes coéquipiers du sport automobile sont fans de vélo et tous mes amis cyclistes s’intéressent à la voiture. J’ai toujours aimé la mécanique, depuis ma plus tendre enfance, que ce soit le vélo ou la voiture. Plus question de faire de la vitesse en rue mais la course automobile ne se limite pas à pousser sur l’accélérateur et à rouler le plus vite possible. Je suis très heureux de pouvoir me consacrer à ma passion pour le sport automobile.

Les coureurs cyclistes doivent arrêter leur carrière tôt. C’est tout sauf naturel !

N’est-ce pas dangereux ?

La course automobile est nettement moins dangereuse que la course cycliste. Il y a la vitesse, bien sûr, mais les mesures de sécurité sont aussi beaucoup plus strictes. À vélo, le casque est votre seule protection et cela ne suffit pas toujours. J’ai déjà eu une fracture du crâne. Quand on tombe de vélo à 40 km/h, c’est la fracture assurée. Jusqu’à présent, je n’ai eu qu’un seul accident en voiture de course et je m’en suis sorti sans le moindre hématome. La structure d’une telle voiture n’a rien à voir avec celle d’une voiture ordinaire.

C’est un sport polluant...

La course automobile est aussi une plateforme de développement. Les voitures électriques et hybrides d’aujourd’hui ont été testées sur un circuit automobile. C’est un formidable moyen de développer et de tester les nouvelles technologies avant de les appliquer aux voitures classiques. La pollution causée par les compétitions automobiles est largement surestimée. Mon écurie est neutre en CO2 et essaie de compenser le peu de pollution générée. C’est primordial à mes yeux ! Sur le plan sportif, j’ai deux grands amours dans ma vie. Quand je roulais, je regardais les courses automobiles. Et maintenant que je suis pilote de course, je regarde les compétitions cyclistes. Je dois reconnaître que le deux-roues fait quand même battre mon coeur plus vite qu’un quatre-roues.

Quand en avez-vous pris conscience ?

Le déclic s’est fait quand j’avais 15-17 ans. C’est plutôt rare de savoir exactement ce qu’on veut faire dans la vie à cet âge-là. Cependant, on doit arrêter à un moment auquel on se sent parfaitement capable de continuer. À l’âge où la plupart des gens ne sont pas encore au faîte de leur carrière. C’est tout sauf naturel.

Le cyclisme professionnel vous manque ?

Je suis content d’avoir arrêté mais ce serait mentir de dire que cela ne me manque pas... Les compétitions surtout. Le reste, comme les entraînements sous la pluie et dans le froid, la pression médiatique, pas du tout. Je me remettrais volontiers en selle pour disputer une course demain. Je suis une bête de compétition. Comprenez-moi bien. Je ne suis pas du genre à broyer du noir. Le sport cycliste me manque, c’est tout. Je pourrais très bien trouver du boulot dans le monde du cyclisme mais je n’en ai pas envie. A ma retraite, il m’a fallu plusieurs mois pour me rendre compte que ce n’était pas si mal de rester à la maison. Je pensais que la vie agitée que j’avais menée, les courses, les déplacements, allaient me manquer mais ce n’est pas le cas. Notez, je voyage aussi pas mal pour des courses automobiles. Mais c’est différent : en tant que cycliste professionnel, je disputais 85 courses par an et je devais m’entraîner chaque jour. Les courses automobiles me prennent 13 à 14 week-ends par an. Rien ne peut surpasser l’excitation d’une course cycliste !

Coureur cycliste à la retraite, Tom Boonen se confie :
© FRANKY VERDICKT

De quelle manière suivez-vous les courses cyclistes ?

De façon beaucoup plus intense qu’avant et c’est formidable ! Quand j’étais coureur, je n’avais jamais l’impression de disputer une classique. J’essayais de me focaliser sur un objectif bien précis en occultant le fait qu’il s’agissait de telle ou telle course pour rester parfaitement concentré. C’est complètement différent maintenant. J’ai une vision globale de la course. Je la suis de préférence à la maison. Par deux fois, j’ai été voir le Tour de Flandre sur place mais j’ai été constamment interpellé alors que je voulais profiter de l’ambiance sur le parcours, tout simplement.

Comment s’est passé le retour à la vie normale ?

Je me suis habitué et j’en suis très fier, même si je ressens encore une sorte de vide. Aucune autre activité ne me procure autant de satisfaction que le cyclisme. La vie de cycliste est on ne peut plus simple. On a un seul objectif. Tout le monde le sait et tout le monde fait en sorte que vous puissiez l’atteindre. On ne vous demande pas  » Tu veux faire ceci ou cela ?  » Non parce que Tom doit soit courir, soit se reposer. Archi simple ! Le matin, on s’entraîne et l’après-midi, on peut s’installer confortablement dans le canapé sans le moindre sentiment de culpabilité car le repos est aussi important que l’entraînement. Il suffit de prendre soin de soi et de performer, ce pour quoi on est récompensé.

La compétition procure énormément de satisfaction, le sentiment de plénitude le plus fort qu’on puisse imaginer. Je n’ai jamais ressenti le sport de haut niveau comme une épreuve difficile. Le combat qu’il faut livrer pour monter sur le podium est sans merci mais juste et ludique. Il faut travailler dur pour atteindre son objectif et ne jamais baisser les bras.

Est-ce le message que vous voulez transmettre à vos enfants ? Les encouragez-vous à pratiquer un sport de haut niveau ?

Mes jumelles n’ont que cinq ans, c’est encore un peu tôt. Jacqueline empoigne parfois une raquette de tennis et me demande de lui lancer la balle. Qui sait ? Valentine n’a pas encore manifesté d’intérêt particulier. Les filles suivaient des cours de danse mais ont arrêté parce qu’il fallait écouter, ce qui ne leur plaisait pas trop. J’ai pris l’habitude de les emmener régulièrement à la piscine. C’est très sympa. En ce qui me concerne, je n’hésiterai pas à les encourager à pratiquer un sport de haut niveau !

Tom Boonen – 15/10/1980 – Né à Mol

2002-2017

  • Coureur cycliste professionnel
  • Champion du monde, 2 x champion de Belgique, 3 x vainqueur du Tour de Flandre

Vie privée

  • Conjoint de Lore Van de Weyer
  • Père de Jacqueline et Valentine

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