Anne Vanderdonckt

Chocolat, romarin et autres nouvelles

Anne Vanderdonckt
Anne Vanderdonckt Directrice de la rédaction

J’ai été très chamboulée par les attentats. Bien sûr, rien de comparable, absolument rien, à ce qu’ont vécu les gens qui ont été touchés dans leur chair, à ceux qui ont vu, ont entendu, à leurs proches et auxquels vont toutes nos pensées.

Mais pourquoi moi qui ne prends jamais le métro, ce jour-là, à 9 h 11, étais-je en train de faire les cent pas sur le quai de Schuman, la station qui côtoie Maelbeek ? A 9 h 11, le bruit sinistre de l’explosion diffusé dans le tunnel, l’incrédulité, la fuite, les larmes du contrecoup, et puis la machine à ressasser qui mouline sans répit dans le cerveau. Des jours durant, je suis restée accrochée aux nouvelles, à toutes les analyses et informations, parcellaires, contradictoires, comme hypnotisée. Impossible de lire autre chose; de toute manière, il n’y en avait plus que pour « ça », ce qui était d’ailleurs tout à fait normal vu l’ampleur du choc. J’ai cherché de bonnes nouvelles, un peu de positif, mais pas grand-chose à se mettre sous la dent, même pas la météo.

Et puis soudain, tout est revenu (presque) à la normale : amorçant leur dégringolade médiatique, les attentats sont passés en page 5 et la radio a ouvert sur le scandale mondial des sociétés écrans. Quelque 732 Belges ont créé au moins 1.144 sociétés off-shore !, tonitrue la télé. Et en toile de fond, des noms qui évoquent l’exotisme, les palmiers, les cocktails colorés avec cerise au marasquin et petits parasols en papier : Panama, Seychelles, Caraïbes, îles Vierges... Des pages et des pages qui fleurent les plages chics et suintent le fric fraudé. Un peu plus loin dans le journal, les banques qui envisagent de facturer des services auparavant gratuits, des taux de base désormais au plancher. Deux poids, deux mesures. Et puis, les camionneurs soumis à une taxation supplémentaire, qui sera nécessairement portée à notre compte, qui râlent et organisent des barrages filtrants. De mauvaises nouvelles en terrain connu. La vie continue. Et on va faire en sorte qu’elle soit bien.

Bon, là-dessus, j’étais en train de chercher de bonnes nouvelles, qui auraient mérité plus d’écho, et j’ai fini par en dénicher. Le taux d’emploi des 55+ a augmenté et le nombre de faillites a diminué. Et puis, réjouissant, il y a le cas de ce petit village italien, Acciaroli, où sur 1.000 habitants, 300 ont dépassé le cap des 100 ans, et qui plus est en bonne santé... alors que beaucoup fument et sont en surpoids. Secret présumé : le romarin qu’ils saupoudrent un peu sur tout. Réconfortant aussi : le nombre de chocolatiers a explosé en Belgique sous la poussée des boulangers reconvertis qui trouvent dans le chocolat une manière d’échapper au travail de nuit tout en étant assurés d’avoir du boulot, car la demande ne cesse d’augmenter. Et la vraie bonne nouvelle, c’est quoi ? Si on suit la logique de ce qui précède, avec plus de chocolatiers que de boulangers, bientôt nous ne mangerons plus des tartines au chocolat, mais du chocolat à la tartine. Ce qui, sans endormir notre faculté de penser, sera certainement excellent pour notre moral !

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