Avez-vous ma taille ?

Trop court, trop large, trop long, trop étroit... Un véritable parcours du combattant !

Pour beaucoup d’entre nous, il n’y a rien de plus agréable que de faire du shopping. Mais quand cette activité récréative se transforme en véritable calvaire parce qu’on ne trouve rien à sa taille, il y a de quoi rentrer chez soi complètement démoralisé. En effet, malgré le choix toujours plus étendu proposé par les magasins de prêt-à- porter, les vêtements proposés le sont le plus souvent dans des tailles comprises entre le 36 et le 40, voire le 42. Il en va de même pour la lingerie, les chaussures et les vêtements pour hommes. Difficile, dès lors, pour une grande partie des Belges, de trouver des vêtements qui leur conviennent.

En un siècle, les Belges ont pris 10 cm

Selon une enquête nationale sur la garde-robe féminine réalisée par E5-mode, moins de 25 % des femmes affichent une taille 38 ou inférieure. Une proportion qui diminue encore passé l’âge de 35 ans. En outre, 56 % affirment avoir besoin d’une taille différente pour le haut et le bas du corps. Il faut dire qu’en un siècle, comme l’ensemble des Européens, les Belges ont grandi de 10 cm et pris près de 10 kg !

 » Nous avons pris 1 cm tous les dix ans depuis 1880, précise Martine Vercauteren, chercheuse et professeur en Anthropologie et Génétique humaine à l’ULB et auteur d’une longue étude sur notre croissance. L’industrialisation du pays et surtout le progrès, ont favorisé l’évolution séculaire (évolution marquée durant les cent cinquante dernières années, du développement physique et de la maturation observée d’une génération à l’autre), surtout entre 1930 et 1960. La taille est un baromètre social et économique très fiable.  »

Pourquoi nous grandissons

Le Belge s’avère représentatif de ce qui se passe dans les pays industrialisés. La taille, et donc notre courbe de croissance, reflètent notre santé sur de nombreuses années, au contraire du poids.

Bien sûr, la taille des parents représente un facteur génétique important. Mais d’autres facteurs interviennent dans la croissance des individus : l’état de santé, le stress, la pollution exercent aussi une grande influence. L’alimentation joue également un rôle de premier plan.

 » Avant 1940, les mères nourrissaient leur bébé au sein jusqu’à l’âge d’un an, explique la scientifique. Aujour-d’hui, on introduit des fruits dans l’alimentation des nouveaux-nés à l’âge de 3 ou 4 mois, suivent ensuite les légumes puis les poissons et les viandes. Une donnée qui explique l’évolution à la hausse de la taille des jeunes. Si la taille des nouveaux-nés n’a pas changé depuis 1935, un enfant de 5 ans, lui, est en général beaucoup plus grand qu’il y a un demi-siècle. Tout se joue entre 0 et 5 ans, âge où la croissance est la plus rapide. Ensuite, elle baisse. Il y a un pic au moment de la puberté, puis la courbe diminue.

Les garçons grandissent généralement jusqu’à 19 ans, les filles jusque 16. Bénéficiant de trois années de croissance en moins, les femmes seront toujours, en moyenne, plus petites que les hommes !  » On pourrait penser que les résultats de l’enquête amèneraient les créateurs et les fabricants de vêtements à revoir le baromètre des tailles et à réviser leurs coupes. Mais il n’en est rien.  » J’ai été plusieurs fois contactée par des responsables de l’industrie du textile, reconnaît Martine Vercauteren. Longueur des jambes, des bras, tour de hanche, tour de poitrine sont autant d’éléments qui les concernent au plus haut point. Ils auraient aimé que j’approfondisse mes recherches car il leur manque encore certains points d’étude comme le tour de cou, par exemple. Mais pour continuer mes investigations, il me faudrait des moyens financiers supplémentaires... « 

Les Flamands plus grands que les Wallons

Au début des années 2000, le professeur Roland Hauspie, de la VUB, a mené une enquête nationale qui a permis de constater que les garçons ont pris 1,5 cm ces dix dernières années et les filles 1,1 cm. Les jeunes Belges mesurent 3 à 4 cm de plus que leurs grands-parents. Quant au poids, les demoiselles ont pris 0,9 kg et les messieurs 1,2 kg. Mais ces chiffres ne reflètent pas les différences entre le nord et le sud du pays. « Les Flamands mesurent à peu près 1 cm de plus que les Wallons, analyse Martine Vercauteren. On avance comme explication, l’importante proportion de mariages mixtes dans le sud du pays avec des Espagnols et des Italiens qui sont plus petits. Il existe également une différence de croissance socio-économique entre les deux régions, la Flandre se portant mieux que la Wallonie. « 

Depuis longtemps, les marques de vêtements anglaises offrent aux consommateurs un vaste choix de tailles qui se déclinent en différentes longueurs de manches ou de jambes de pantalon. Un exemple suivi par les Néerlandais qui se montrent très attentifs à la demande de la population.

Les Néerlandais sont les plus grands

 » Une plus grande consommation de lait pourrait expliquer la grande taille des Néerlandais, commente Martine Vercauteren. Ils sont d’ailleurs les plus grands d’Europe et les 2e au monde (les 1ers étant les Dinkas, une peuplade du Soudan mesurant en moyenne 2 m !).

Les Néerlandais ont pris 15 cm en un siècle. Au niveau international, cependant, on ne prend pas de vraies décisions en matière de révision des normes d’habillement. Or, des interrogations par rapport aux changements de taille se posent dans tous les pays. Des constructeurs automobiles japonais qui veulent adapter les dimensions de l’habitacle de leurs voitures aux Européens, et aux Belges en particulier, m’ont posé des questions très précises ! Il y a même des sociétés de construction de piscines de jardin qui m’ont contactée ! Il faudrait idéalement moduler l’offre et proposer des produits adaptables. « 

Les Belges rêvent d’être moins rondes

Désormais, en Belgique, la moyenne des tailles est, pour les femmes, de 1,66 m et les hommes de 1,79 m. Par ailleurs, nous aurions pris trois pointures en chaussures. La carrure a un peu augmenté mais les hanches beaucoup moins. La silhouette se serait affinée. Du moins si l’on fait abstraction des problèmes de poids. Un facteur qui entre en ligne de compte quand il s’agit de refaire sa garde-robe puisque 60 % des femmes rêvent d’être moins rondes, 43 % n’apprécient pas leurs hanches et 31 % s’avouent fâchées avec leurs fesses ! Elles reconnaissent aussi qu’une forte poitrine et de gros bras posent plus de problèmes pour s’habiller qu’une petite poitrine ou des jambes courtes. Seules, 3,8 % d’entre elles affirment n’éprouver aucun malaise par rapport à leur taille. Quant aux hommes, 20 % estiment être parfaitement proportionnés !

 » On présente au public un idéal qu’il ne peut pas atteindre, affirme Martine Vercauteren. On crée des vêtements pour des femmes de 1,75 m avec une taille 36. Il suffirait pourtant de dessiner le même modèle pour une femme de 1,66 m ! Mais il ne faut pas tomber dans l’excès et modifier toutes les collections, au risque de banaliser le problème du surpoids. « 

Aujourd’hui, s’il n’existe toujours pas de concordance des tailles en Europe, on attend les résultats d’une grande enquête de mensurations menée au niveau européen par la France. Pour, enfin, satisfaire la demande des clients ?

Pas de géants de 3 mètres

Depuis 20 ans, à l’image de l’ensemble des pays industrialisés, le rythme de la croissance se stabilise en Belgique. Le phénomène de prise de 1 cm par tranche de 10 ans est appelé à disparaître. Pas de géants de 3 m à l’horizon ! On s’accorde à penser que dans les pays nordiques, où l’on ne prend plus que 3 millimètres par décennie, les habitants sont arrivés au summum de leur potentiel génétique. En comparaison, les Japonais grandissent encore de 3 cm tous les 10 ans.

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