Troubles du sommeil : la piste mélatonine

La mélatonine est une hormone que nous sécrétons à la nuit tombée, signalant qu’il est l’heure d’aller dormir. Et depuis quelques décennies, nous savons aussi la fabriquer. Mais suffit-il d’en prendre une gélule pour résoudre tous les problèmes de sommeil ?

La mélatonine synthétique a fait couler beaucoup d’encre. En Belgique, elle a d’abord été en vente libre, comme complément alimentaire. Puis, elle a été retirée du marché, alors qu’elle restait accessible dans d’autres pays, comme les Etats-Unis, ou sur internet. Depuis peu, elle est de nouveau disponible chez nous, sur prescription, dans le cadre de troubles du sommeil, suscitant bien des espoirs chez les insomniaques de toutes sortes. Mais... quels troubles ?

Elle fait tomber notre température

Cette hormone  » du sommeil  » est produite par l’épiphyse, une glande située dans le cerveau, en l’absence de lumière. Sa production démarre donc le soir, et diminue pendant la nuit, jusqu’au réveil.

Quel est son rôle ?  » Elle envoie un signal fort au cerveau, explique le Pr Robert Poirrier, neurologue, et responsable du Centre d’étude des troubles de l’éveil et du sommeil du CHU de Liège. Ce signal dit que la nuit est tombée, qu’on peut se mettre au ralenti. Et cela fait descendre la température d’un degré dans la demi-heure.

On a en effet remarqué un couplage entre température et sommeil. Le sommeil se cale sur la partie basse de la température : pendant la journée, on est environ à 36,7°C. Vers 17 heures, on remonte, et c’est normal, jusqu’à 37°C. Mais si vous deviez prendre votre température vers 4 h du matin, vous verriez qu’elle est redescendue à 35,8°C. La mélatonine agit donc en diminuant la température interne, ce qui induit le sommeil. « 

Pour qui est-elle utile ?

Comme beaucoup d’hormones, la sécrétion de la mélatonine diminue avec l’âge. Après 50 ans, certaines personnes voient apparaître des troubles du sommeil liés à cette diminution de production.

 » Avant de prescrire de la mélatonine, on vérifie que la personne observe certaines règles d’hygiène de vie : elle peut mal dormir uniquement parce qu’elle passe sa soirée devant des jeux d’ordinateur, ou à regarder des films violents. On lui demande ce qu’elle mange ou boit, etc. On lui explique aussi, par exemple, qu’il existe des marqueurs du temps qui aident à trouver le sommeil plus facilement : observer un temps calme avant le coucher, prendre du temps pour soi, etc. Donc on regarde, ensemble, comment elle vit. Pourquoi ? La mélatonine ne comporte pas de véritable risque, mais elle ne se donne pas n’importe comment. « 

La mélatonine pourra donc être prescrite chez une personne de plus de 50 ans qui respecte ces règles d’hygiène de vie , mais présente tout de même des troubles du rythme veille-sommeil. En d’autres mots, elle  » fait tout bien « , mais elle a du mal à s’endormir avant une heure du matin, par exemple.  » Il est évident que si on sécrète moins de mélatonine, on en a d’autant plus besoin. Donc si les règles d’hygiène de vie ne suffisent pas, la mélatonine est une bonne indication si cette personne continue à mal dormir. On n’en donnera pas, au contraire, à un jeune de 22 ans qui ne dort pas parce qu’il a une vie complètement déréglée... Cela n’aurait pas de sens ».

D’autres cordes à son arc ?

La mélatonine aurait aussi des propriétés anti-oxydantes, et serait donc un outil  » antivieillissement  » particulièrement attractif pour les personnes préoccupées par leur âge ou leur apparence.

 » Prudence, modère le Pr Olivier Le Bon, psychiatre au CHU de Tivoli. C’est sans garantie, car il faudrait déjà être capable de tester des générations d’humains pour voir si ceux qui prennent de la mélatonine vieillissent plus lentement, tous les autres facteurs restant semblables... Idem pour son utilisation en cas de décalage horaire : si elle était si efficace que ça, le problème aurait disparu depuis longtemps. Et les preuves scientifiques de son efficacité sont encore minces « .

Une chose est sûre : internet n’est pas un endroit recommandé pour s’en procurer par ses propres moyens. Comme toujours, rien ne garantit la composition des gélules livrées par ce biais.

Mode d’emploi

La régularité est le maître-mot.  » Il est nécessaire de prendre votre mélatonine tous les soirs à la même heure, idéalement une heure avant d’aller vous coucher, précise le Pr Poirrier. Si, pour une raison quelconque, il ne vous est pas possible de la prendre à l’heure habituelle, mieux vaut vous en passer ce jour-là que de la prendre à une heure différente : sinon, c’est comme si vous faisiez faire des voyages transatlantiques à votre cerveau ! « .

Le traitement à base de mélatonine est ponctuel : il ne se prend pas sur le long terme. Il sert, en quelque sorte, à remettre les pendules à l’heure.  » On peut le prendre pendant un mois. Et à l’arrêt, le cerveau aura repris un rythme plus régulier « .

Pourquoi pas plus longtemps ? La mélatonine peut créer une dépendance psychologique.  » Ce n’est pas la même chose qu’une dépendance physique. Mais cette dépendance psychologique peut parfois conduire à des insomnies chroniques. « 

Pas toujours appropriée

Tous les problèmes de sommeil ne sont pas liés à un manque de mélatonine...  » Si vous êtes en plein divorce, si vous avez perdu votre travail, si vous êtes aux prises avec des problèmes financiers ou venez de perdre un être cher, la mélatonine ne sera pas une solution « , avertit le Pr Poirrier. Lorsqu’un problème grave est à l’origine du trouble du sommeil, il faudra chercher de l’aide ailleurs : soutien psychologique, prise d’anxiolytiques ou d’antidépresseurs, etc. Et pour retrouver le sommeil malgré les soucis, un médecin pourra conseiller la prise de benzodiazépines.

 » Proposer de la mélatonine équivaudrait, dans ce contexte, à tromper la personne. Le dialogue entre le médecin et le patient est donc vraiment important, et est tout en nuances. Chaque approche doit être raisonnée. Disons que la mélatonine n’est pas la solution en cas d’insomnie aiguë, de dépression, etc. Elle fait partie de l’arsenal du médecin (le généraliste peut tout à fait la prescrire), mais elle ne constitue pas la réponse à tous les problèmes de sommeil. « 

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