Sur les traces des médicaments illégaux

Au service de douane de l’aéroport de Zaventem, une équipe traque sans relâche les médicaments contrefaits et illégaux, les plantes interdites et autres crèmes suspectes...

Alors que la Belgique dort encore d’un sommeil de plomb, l’aéroport de Zaventem est déjà en pleine activité. L’odeur de kérosène se mêle à celle des feuilles mortes. L’équipe du Groupe Anti-Drogues (GAD) de la douane (une division des Finances) est fin prête à dégainer cutters, adhésifs et...marteaux. Le centre de tri de la poste de l’aéroport est lui aussi sur le qui-vive.
Chaque année, quelque 144 millions de colis passent par ce centre de tri. Les 7 membres de la GAD-team – dont 5 sur le terrain – se chargent d’intercepter les paquets suspects.  » A la longue, on devient un nez en la matière « , plaisante l’aîné de l’équipe, Pol Meuleneire, qui travaille depuis plus de 20 ans à Zaventem avec toujours autant d’enthousiasme qu’à ses débuts, se plait-il à répéter.  » Chaque fois que je parviens à mettre la main sur un trafic illégal, je suis un homme heureux. « 

L’équipe GAD opère sur trois grands terrains : drogues et médicaments, plantes et animaux protégés, contrefaçon.  » Mais les deux premiers domaines d’action se chevauchent souvent. Nous tombons fréquemment sur des plantes chinoises interdites en Belgique mais prisées des Chinois installés dans notre pays. Dans le même temps, ces plantes sont également souvent protégées par la Convention de Washington. Ce commerce est donc condamnable à deux niveaux. « 

Avoir le nez fin

Un défilé de millions de paquets en tous genres. Comment détecter parmi eux celui qui renferme des médicaments interdits ? Pol Meuleneire a bien conscience que ce qu’il intercepte n’est qu’une goutte d’eau dans l’océan.  » Les gens sous-estiment le danger de ce genre de médicaments « , explique-t-il.  » Récemment, nous avons mis la main sur une cargaison entière d’Amoxil (amoxicilline, un antibiotique) contrefaits. Les analyses ont révélé que leur dosage dépassait largement le dosage autorisé. La cargaison était destinée à l’Afrique et notre pays ne faisait office que de simple transit. Mais même si nous n’en subissons pas directement les conséquences, il nous faut néanmoins lutter contre ce type de trafic. Il en va de notre responsabilité sociale. Quand ces colis sont destinés à d’autres pays européens, nous effectuons un suivi de contrôle. Mais les moyens mis en place en Afrique pour contrôler ces actes criminels restent trop limités pour que pour nous puissions agir d’ici sur ce type de cargaison. « 
Direction le centre de tri. En l’espace d’une nuit, les ‘hommes de la poste’ ont déjà chargé un chariot de nombreux colis destinés à la Belgique.  » La première sélection se fait sur base du pays de l’expéditeur « , explique Pol.  » L’Inde et la Chine représentent les principaux pays à risque, aux côtés de l’Amérique Centrale et du Sud qui n’ont pas meilleure réputation. Nous constatons aussi que ce genre de trafic illégal de médicaments touche aussi de plus en plus les pays de l’ancien Bloc de l’Est. En Pologne, Slovaquie et Bulgarie, le trafic d’hormones est devenu monnaie courante. « 

Tous les médicaments envoyés par voie postale sont illégaux

En 2006, l’Agence du médicament a considérablement facilité le travail de l’équipe GAD.  » Jusqu’alors, nous devions faire un P.V. pour chaque colis suspect « , poursuit Pol Meuleneire.  » C’était un travail titanesque. Grâce à l’arrêté royal de 2006, tous les médicaments envoyés par voie postale sont devenus illégaux en Belgique, puisque les médicaments ne peuvent être vendus que via le réseau officinal. Tous les produits confisqués font désormais l’objet d’un seul et même P.V. rédigé une fois par mois. Et l’Inspection générale pharmaceutique vient rechercher ces boîtes également à raison d’une fois par mois. S’il s’agit clairement de contrefaçons, nous avertissons immédiatement le parquet. En présence d’hormones, nous prenons alors contact avec la cellule hormones de la police fédérale. « 

Les lourds chariots ont été vidés. Pol, Anne et Bart n’ouvrent bien sûr pas tous les paquets, et choisissent leurs proies au petit bonheur la chance. Enfin, pas vraiment, car leur sélection n’est pas si aléatoire et répond à système de contrôle assez réfléchi.  » Avec notre expérience, on sait généralement détecter les colis les plus suspects. Le destinataire, la forme du colis, la manière dont il a été emballé...Parfois nous reconnaissons même l’adresse de l’expéditeur, surtout s’il est basé en Chine ou en Inde.  » Un colis en provenance de Pologne pour la Wallonie met la puce à l’oreille de nos contrôleurs. Ni une ni deux : le colis est aussi enlevé de sa pile. Bingo : il contient des ampoules d’hormones et des seringues d’injection.  » Monsieur va devoir patienter quelque peu pour son renforcement musculaire... « , sourit Pol en jetant l’enveloppe dans la boîte destinée à la cellule hormones de la police fédérale. Monsieur doit donc plutôt s’attendre à devoir prochainement répondre à quelques questions dans les locaux de police...

Personne ne sait ce qu’ils contiennent

Parfois, le contenu d’un paquet apparait comme suspect, sans que les enquêteurs ne puissent pour autant l’identifier.  » Dernièrement, nous avons trouvé une petite bouteille en plastique contenant une substance rouge impossible à identifier. Nous pensions qu’il s’agissait sans doute de DMT (diméthyltryptamine), une nouvelle drogue dure et dangereuse. Nous avions laissé la bouteille sur mon bureau en attendant le rapport d’analyses de l’INCC (Institut National de Criminalistique et de Criminologie). En revenant ce matin, mon bureau avait pris des allures de bain de sang...La bouteille a apparemment explosé durant la nuit et a répandu son contenu rouge partout : sur mes dossiers, les murs, les portes, le plafond... « 

Un paquet après l’autre, une enveloppe après l’autre : tous les colis passent sous les lames des ciseaux. Les caisses en bois sont quant à elle soigneusement ouvertes avant d’être refermées sous les coups des marteaux. D’innombrables comprimés amaigrissants et des centaines de pilules et de gels érectiles terminent leur course dans les objets confisqués.  » On n’arrive vraiment pas à comprendre ce qui pousse les gens à acheter ces produits sur internet « , avoue Pol.  » Personne ne sait ce qu’ils contiennent. Nous savons que certains d’entre eux – comme tous les gels stimulant l’érection disponibles (disponibles généralement en sept parfums pour les sept jours de la semaine) – contiennent effectivement une molécule active, mais les quantités indiquées sur la boîte ne correspondent pas à la réalité.  » Les médicaments chinois ne rendent pas les choses plus faciles. Il ne faut pas s’attendre à y trouver annexée une notice en néerlandais...  » Mais nous disposons d’une liste reprenant les molécules les plus courantes et les ingrédients souvent utilisés avec leur traduction en chinois. Ma collègue Anne est devenue une experte en déchiffrage... « 

Bottes de sept lieues

Pour l’équipe, le butin reste maigre en cette matinée. Pourtant, en l’espace d’une heure, ils ont intercepté une vingtaine de colis contenant des médicaments illégaux et contrefaits, ainsi que des hormones. Mais ce n’est rien à côté du trésor de fausses bottes Ugg.  » Les fêtes de fin d’année approchent à grands pas. De nombreuses personnes achètent par internet des produits de marque contrefaits à l’étranger. Nous avons stoppé ces bottes sur demande de la douane locale, qui mène pour le moment une enquête sur ce trafic. « 

Quand il s’agit de vêtements contrefaits, l’équipe se concentre surtout sur les grands envois organisés. Une démarche sensiblement différente prévaut pour les médicaments.  » On ne peut pas comparer un t-shirt contrefait avec une fausse boîte d’antibiotiques « , affirme Pol Meuleneire.  » Même dans les médicaments, nous observons une évolution. Depuis l’arrivée des génériques sur le marché, nous avons davantage affaire avec des copies de génériques. Les grandes marques ont en effet souvent érigé des systèmes de contrôle plus complexes qui rendent la contrefaçon moins aisée. La contrefaçon des génériques est un commerce bien moins onéreux pour le fraudeur et leur détection bien plus ardue.  » Sur ces mots, l’équipe met la main sur un paquet rempli de fausses pilules de Viagra. L’un des produits-phare du commerce illégal sur la Toile.  » Ils arrivent parfois dans d’énormes pots « , plaisante Pol.  » Rien qu’en secouant le paquet, on sait déjà ce qu’il contient ! « 

Les médicaments contrefaits – qui passent seulement en transit par notre pays – sont transférés au parquet et les producteurs de la marque originale en sont aussitôt informés. Nos relations avec le pharma sont excellentes « , explique Pol.  » Ils apprécient vraiment notre travail et cela fait toujours plaisir. L’équipe GAD de Zaventem est aussi une référence à l’étranger et c’est très bien ainsi... « , conclut le contrôleur.

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