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Perte de cheveux : les femmes aussi

Julie Luong

Près de 40 %, des femmes sont concernées au cours de leur vie par une perte importante de cheveux, plus ou moins visible. Quelles sont les causes ? Peut-on y remédier ? Le point avec le Dr Ornella Accaputo, dermatologue et spécialiste du cheveu à l’hôpital Érasme (ULB).

Symboliquement, les cheveux sont investis de toute une série de valeurs : séduction, jeunesse, féminité... Qu’on les cache, qu’on les coupe, qu’on les colore ou décolore, y toucher n’est jamais anecdotique ! C’est pourquoi une perte de cheveux, même légère, est souvent mal vécue. Par les hommes, mais aussi par les femmes qui sont loin d’être épargnées par le phénomène.

Rappelons tout d’abord que nous possédons en moyenne 100.000 à 150.000 cheveux et en perdons environ 40 à 100 par jour. Cette perte augmente durant quelques semaines lors des changements de saison, au printemps et à l’automne. Trouver des cheveux dans son lavabo ou sur sa veste n’a donc rien d’alarmant ! De même, certains événements – stress important, intervention chirurgicale, accouchement – peuvent provoquer des pertes de cheveux conséquentes, mais heureusement réversibles. En revanche, la perte de cheveux peut aussi être chronique et s’intensifier au fil du temps. Dans la plupart des cas, cette raréfaction insidieuse de la chevelure est liée, chez l’homme comme chez la femme, à une alopécie (perte de cheveux) dite  » androgénétique « .

Une histoire d’hérédité

Comme son nom l’indique, l’alopécie androgénétique est due à la fois à une prédisposition génétique et à l’influence des hormones mâles, les androgènes. Souvent familiale, elle peut apparaître dès l’âge de 16 ans, mais s’accentue souvent après la ménopause.  » On pourrait dire que cela fait en quelque sorte partie du processus normal de vieillissement. Néanmoins, dans la pratique, on considère que c’est pathologique à partir du moment où cela devient un problème pour la patiente « , explique le Dr Ornella Accaputo, dermatologue et spécialiste du cheveu à l’hôpital Érasme (ULB).

Chez les hommes, l’alopécie androgénétique se traduit le plus souvent par un recul des golfes (les deux petits V autour du front) et une perte des cheveux sur l’arrière du crâne. Chez les femmes, la perte de cheveux va surtout intervenir au niveau du front et du sommet du crâne (vertex), avec en général un maintien de la frange. Précisons que si l’alopécie androgénétique est fréquente, elle reste le plus souvent légère. La calvitie (perte totale des cheveux) est rarissime chez les femmes.

Dans ce type d’alopécie, les androgènes agissent en réduisant la taille du follicule pileux et donc, dans un deuxième temps, le diamètre du cheveu.  » C’est ce qu’on appelle la miniaturisation du cheveu : à chaque phase de pousse, le cheveu tombe et repousse un peu moins long et un peu moins épais que lors de la phase précédente, jusqu’au stade final qui est le duvet « , explique le Dr Ornella Accaputo. La perte de cheveux s’accompagne donc souvent de plaintes à propos de la nature des cheveux, souvent décrits comme rêches, cassants, difficiles à coiffer. Le volume de la chevelure diminue, la raie s’élargit et la densité n’est plus même.  » Chez certaines personnes, l’alopécie androgénétique n’évoluera jamais. Mais chez d’autres, elle s’amplifiera au fil des années. On sera plus enclins à instaurer un traitement tôt chez une femme dont les parents ont aussi perdu leurs cheveux, car la génétique joue un rôle majeur. « 

Perte de cheveux : les femmes aussi
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Les hormones en question

Afin d’identifier l’origine de la perte de cheveux, le dermatologue spécialiste pratique une trichoscopie : à l’aide d’un dermatoscope – instrument également utilisé pour observer les grains de beauté de plus près -, il étudie l’aspect du cheveu et de la peau qui l’entoure. Un autre examen appelé trichogramme est parfois pratiqué. Il consiste à tirer sur 20 à 50 cheveux – ce qui peut être légèrement douloureux – afin d’analyser la tige pilaire, le bulbe et les cycles du cheveu. Enfin, dans de rares cas, une biopsie du cuir chevelu est réalisée.

Le bilan passe aussi souvent par une prise de sang (afin d’identifier d’éventuelles carences ou un problème de thyroïde) et par une investigation des traitements hormonaux en cours. En raison de l’influence des androgènes, il faut savoir que l’alopécie peut en effet être aggravée ou déclenchée par la prise de certains traitements hormonaux substitutifs (THS), de même que par certaines pilules contraceptives, par les stérilets ou implants hormonaux. À l’inverse, des traitements hormonaux sont parfois prescrits pour traiter une alopécie androgénétique.  » Tout traitement hormonal peut avoir une influence sur l’alopécie androgénétique, mais celle-ci sera tantôt négative, tantôt neutre, tantôt positive « , résume le Dr Ornella Accaputo.

Minoxidil : un traitement quotidien

Le traitement de référence dans l’alopécie androgénétique est le minoxidil. Ce médicament se présente sous forme d’une solution liquide à pulvériser quotidiennement sur le cuir chevelu. Cette solution peut avoir une concentration de 2 % ou, le plus souvent, de 5 %.  » Lorsque le traitement est appliqué de manière régulière, il donne en général d’excellents résultats, car il agit à la fois en ralentissant la chute des cheveux et en stimulant la repousse « , explique le Dr Ornella Accaputo. L’effet secondaire le plus fréquent de ce traitement est l’hypertrichose, c’est-à-dire l’apparition de poils à des endroits indésirables, en particulier sur le visage.  » Cet effet secondaire est plus fréquent chez les patientes méditerranéennes. Pour l’éviter, il faut veiller à ne pas appliquer plus que la dose recommandée par le médecin. Il faut aussi prendre garde à ne pas appliquer le produit trop près du visage, en laissant une marge de deux centimètres avec le début du front. Heureusement, l’hypertrichose est totalement réversible : si cet effet secondaire est constaté, soit on diminue le nombre de pulvérisations, soit on repasse à une solution à 2 % et les poils indésirables disparaissent. « 

Le minoxidil étant à l’origine un anti-hypertenseur, il peut aussi provoquer une hypotension : c’est pourquoi il est généralement recommandé de l’appliquer le soir. En Belgique, les trois flacons de minoxidil sont vendus au prix moyen de 45 euros, avec une utilisation moyenne d’un flacon tous les deux mois chez les femmes. Dans les cas plus sévères et/ou lorsque le minoxidil ne suffit pas, des traitements par anti-androgènes (acétate de cyprotérone) peuvent également être envisagés.

 » Au quotidien, je conseille d’aller au plus simple, avec un shampoing doux adapté à son cuir chevelu et un masque de temps en temps « , ajoute le Dr Ornella Accaputo. Les massages du cuir chevelu ne sont pas déconseillés, mais ils ont surtout un effet antistress... Idem pour les huiles nourrissantes comme l’huile de ricin qui vont adoucir le cheveu, mais n’auront pas d’impact sur le bulbe lui-même.  » Inutile surtout de dépenser de l’argent dans des produits cosmétiques sans avoir d’abord consulté un médecin. L’alopécie est un problème avant tout dermatologique « , rappelle la spécialiste. Gare surtout aux charlatans qui sévissent sur internet et promettent la repousse grâce à des lotions miracles...

Les implants capillaires : en complément

Reste la transplantation capillaire qui a connu de formidables avancées depuis les premiers essais dans les années 70. Aujourd’hui, les techniques de microchirurgie permettent d’obtenir des résultats parfaitement naturels et non plus cet effet  » cheveux de poupée  » comme par le passé. Plus fréquents chez les hommes, les implants peuvent dans certains cas être pratiqués chez les femmes. Le principe consiste à prélever des cheveux au niveau de la nuque (zone qui n’est jamais atteinte dans l’alopécie androgénétique), et à les réimplanter en petites unités qui contiennent chacune deux ou trois cheveux. Ce travail de fourmi se réalise sous anesthésie locale et prend généralement plusieurs heures.

 » À partir du moment où l’alopécie androgénétique est stabilisée, la greffe de cheveux donne des résultats excellents. Par contre, si ce n’est pas le cas, la repousse va être magnifique là où vous allez implanter, mais autour, les cheveux vont continuer à se miniaturiser. Si on ne suit pas un traitement en parallèle, dix à quinze ans plus tard, on se retrouvera donc de nouveau avec une perte de densité importante. Il faut par conséquent considérer les implants comme un traitement complémentaire plutôt que comme une solution définitive « , précise encore le Dr Ornella Accaputo. Le principal obstacle des implants reste par ailleurs le prix... entre 4.000 et 7.000 euros.

Quand consulter ?

Lorsque votre perte de cheveux vous inquiète parce qu’elle devient visible.

Si, lorsque vous passez une fois la main dans vos cheveux, vous récoltez plus de 10 à 15 cheveux. Et que ce phénomène persiste depuis plusieurs semaines sans cause identifiée.

Qui consulter ?

Un dermatologue. Certains sont spécialisés dans le cheveu, mais tous pourront vous orienter si vous avez besoin d’examens approfondis ou d’un traitement. Si vous vous rendez dans une clinique du cheveu – elles sont légion à faire leur publicité sur internet – assurez-vous que les consultations sont assurées par des médecins. Sous cet intitulé, certaines ne proposent en effet qu’une approche cosmétologique.

Pourquoi consulter ?

Parce que plus une alopécie est prise en charge tôt, meilleurs seront les résultats.

Dans certains cas, pour s’assurer que ce problème n’est pas associé à un problème de santé comme une carence ou une maladie auto-immune.

D’autres causes de perte de cheveux

La pelade

La pelade est une maladie inflammatoire chronique qui touche les follicules pileux : la perte de cheveux se produit sur de petites zones bien délimitées. Ces plaques peladiques peuvent également apparaître au niveau de la barbe, des sourcils, des cils ou d’autres zones pileuses du corps. La pelade guérit souvent spontanément après quelques mois d’évolution, mais des récidives sont possibles. Il est donc conseillé de consulter, d’autant qu’il existe des traitements locaux. Par ailleurs, la pelade est parfois associée à une maladie auto-immune comme la thyroïdite auto-immune ou le vitiligo.

Alopécie cicatricielle

L’alopécie cicatricielle se caractérise par une destruction définitive des bulbes du cuir chevelu. Elle se présente sous forme de plaques qui apparaissent de manière irrégulière et ont tendance à s’étendre. L’alopécie cicatricielle peut être causée par un lichen du cuir chevelu, une maladie inflammatoire chronique. Elle peut également être associée à une maladie auto-immune comme la sclérodermie ou le lupus. Il existe des traitements locaux et généraux pour la traiter. Les implants, en revanche, ne sont pas toujours conseillés, car il est possible que la maladie atteigne aussi le greffon.

La faute au coiffage ?

Perte de cheveux : les femmes aussi
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Certaines pratiques et habitudes de coiffage peuvent abîmer la racine des cheveux. Les personnes d’origine africaine souffrent ainsi souvent d’  » alopécie de traction « , due à l’habitude de tirer sur les cheveux pour les tresser ou les lisser.

 » Les extensions sont aussi extrêmement mauvaises, car elles vont abîmer la racine « , explique le Dr Ornella Accaputo. Y recourir pour camoufler une perte de cheveux est donc tout à fait déconseillé.  » Mieux vaut recourir aux perruques qui elles se posent et ne s’attachent pas aux cheveux. « 

Les décolorations, lissages brésiliens, fer à défriser et sèche-cheveux trop chauds sont aussi à éviter, même si ces pratiques n’abîmeront en général pas la racine.  » Cela rend les cheveux cassants, mais quand on arrête, les cheveux vont repousser normalement. C’est la première chose à faire quand on veut retrouver une meilleure densité capillaire. « 

La place du finastéride

Le finastéride est un médicament parfois utilisé dans l’alopécie androgénétique chez les femmes, lorsque le minoxidil ne s’avère pas suffisamment efficace.  » Il est davantage prescrit aux hommes, car il est généralement plus efficace chez eux. Toutefois, il peut avoir sa place dans un traitement chez la femme, pourvu que celle-ci soit ménopausée ou proche de la ménopause « , explique le Dr Ornella Accaputo.

Le finastéride est en effet associé à un risque important de malformation du foetus : il est donc en général évité chez la femme en âge de procréer. Par précaution, il est également déconseillé chez les femmes ayant des antécédents personnels de cancer du sein.  » Ses effets secondaires sont essentiellement, chez l’homme, un faible risque (1 à 3 % des patients) de diminution de la libido et/ou de la fertilité. Mais ces effets sont réversibles « , rassure le Dr Ornella Accaputo. A voir avec son médecin, donc.

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