Le respect est tellement important !

Un décès s’accompagne toujours de chagrin et de désarroi. En pareille circonstance il est très difficile de décider si l’on accepte de laisser prélever des organes sur la dépouille d’un être très cher. Un bon accueil, une information pertinente et surtout beaucoup de respect pour le défunt sont dans ce cas essentiels. Le témoignage de Glenn et Nathalie Verbruggen-Stas qui ont perdu leur fils Ignace...

Juillet 2005. Le couple Verbruggen-Stas et ses trois enfants Andreas, 8 ans, Laura, 6 ans, et Ignace, 4 ans, passent des vacances ensoleillées à Majorque. Jusqu’à l’après-midi du 3 juillet. Ignace se noie dans la piscine de l’hôtel. « Les circonstances exactes, nous ne les connaissons pas et ne les connaîtrons jamais, raconte Nathalie, sa maman. Tout s’est passé très vite. » Deux touristes parviennent à ranimer le bambin, qui est alors transporté à l’hôpital de Palma.

« Nous avons reçu très peu d’informations sur son état de santé, poursuit Glenn, son papa. Nous avons passé toute la nuit à attendre, la peur au ventre, à l’hôpital. Ce n’est que le lendemain matin que l’on nous a dit que l’état d’Ignace était stationnaire, mais qu’il fallait encore procéder à un scanner. A 13 heures, on nous a annoncé sans ménagement que notre fils était dans un coma dépassé et on nous a demandé si nous étions disposés à faire don de ses organes. On nous a aussi dit qu’il fallait effectuer quelques tests pour s’assurer de sa mort cérébrale.

Nous avons immédiatement refusé. Nous sortions d’une nuit blanche et puis on nous posait cette question alors qu’on n’était même pas encore sûr à 100 % de sa mort ! »

Nous étions affolés

« Nous sommes retournés à l’hôtel pour informer nos autres enfants et notre famille. Le lendemain matin, on nous a informés qu’un de nous deux devait retourner à l’hôpital. Nous devions donner l’autorisation d’arrêter les machines et l’on nous a à nouveau demandé la permission de prélever des organes. Nous avons à nouveau refusé, tant de débrancher les machines que d’autoriser le don d’organes.

Nous ignorions tout du don d’organes. Nous ne savions même pas ce qu’était la mort cérébrale. En outre, nous n’avions pu voir Ignace que quelques minutes, sans pouvoir le toucher. Dans ces conditions, il nous était impossible de prendre une telle décision.

L’approche du personnel médical de l’hôpital espagnol était mauvaise et la barrière linguistique a certainement joué un rôle. Dans un premier temps, Eurocross n’a pas accepté de rapatrier notre fils dans l’état où il se trouvait. Nous avons alors envisagé de faire appel à une société privée pour le ramener mais c’était hors de prix.  »

C’était notre enfant, pas d’une banque d’organes

« Plus tard dans la journée, le service de rapatriement a marqué son accord pour ramener Ignace en Belgique, poursuit Nathalie. Glenn a pu accompagner Ignace dans l’avion, je suis rentrée avec Laura et Andreas ainsi que des parents venus en Espagne.

À l’hôpital universitaire de Gand nous avons été accueillis par un psychologue et le responsable du service des soins intensifs. Le dossier espagnol d’Ignace a été analysé en profondeur et une série d’examens réalisés. Malheureusement, ceux-ci ont confirmé qu’Ignace était dans un coma dépassé. Cette fois, on nous a tout expliqué en détail et on a répondu à toutes nos questions.

Glenn et moi avions envisagé la probabilité que l’on nous pose à nouveau la question relative au don d’organes. Je m’étais plus ou moins faite à l’idée mais Glenn avait encore des doutes. « C’est nous qui avons abordé le sujet à l’hôpital de Gand, ajoute Glenn. Nous avons eu une longue conversation avec le coordinateur des transplantations, Luc Colenbie. À l’issue de cet entretien, j’étais convaincu qu’il fallait faire don des organes d’Ignace. Nous avons vraiment eu le sentiment que notre enfant était encore traité comme un patient et pas comme une banque d’organes.  »

Une séparation en douceur

« En Espagne, il gisait nu dans son lit avec toutes les machines autour de lui. Ici, on lui avait mis un petit slip, ses yeux avaient été lavés... Ce sont des détails mais tellement importants dans de tels moments. On nous a en outre facilité les choses, le personnel médical était toujours présent pour répondre à nos questions et nous pouvions nous rendre à tout moment auprès de notre enfant.

Le jeudi matin, quatre jours après la noyade, le décès officiel d’Ignace a été déclaré. Nous avons eu le choix entre débrancher les machines, mais tout devait alors aller très vite pour prélever les organes, et les laisser fonctionner afin de prendre le temps de la séparation. Nous avons choisi la seconde possibilité et avons eu le temps nécessaire pour permettre à toute la famille de faire ses adieux à Ignace. Vers 16 heures nous sommes rentrés à la maison et la procédure de transplantation a démarré.

Dès que l’intervention a été achevée, le coordinateur des transplantations nous a téléphoné pour nous dire comment s’était déroulée l’opération. Nous avons compris que notre enfant avait été traité avec respect jusqu’à la dernière seconde. Par la suite, nous sommes encore entrés plusieurs fois en contact avec le coordinateur des transplantations. Nous savons que le c£ur d’Ignace a été greffé sur un enfant anglais. Nous avons reçu une lettre de remerciement des parents de cet enfant, ainsi qu’un dessin de ce dernier. Les reins de notre fils ont été greffés sur un enfant belge et son foie sur une fillette allemande. Nous savons également que ces trois opérations se sont déroulées avec succès et que les enfants se portent bien. »

Plaidoyer pour le respect

« Si nous témoignons, c’est pour souligner l’importance de l’aspect humain en pareilles circonstances, explique Nathalie. Le respect tant de la famille que du défunt est tellement important. L’équipe médicale ne peut jamais perdre de vue l’aspect humain. Toute personne en coma dépassé reste un être humain dans toute sa dignité et ne peut pas être assimilé à un ensemble d’organes à prélever.

Maintenant que nous avons finalement pris notre décision, nous en sommes heureux. Ignace était un enfant joyeux et éveillé, toujours prêt à aider. Le don d’organes qui a donné une nouvelle chance de vivre à trois enfants, collait à son caractère. » « Mais si je devais être replacé devant ce choix, ma décision serait à nouveau fonction des circonstances, poursuit Glenn. Si on me le demandait à nouveau sans le moindre égard, je refuserais, comme la fois précédente. »

C’est également une des raisons pour lesquelles nous nous engageons activement en faveur de Navado, une association regroupant des proches de donneurs. Nous pouvons, en effet, compter sur le soutien sans faille de Lia et d’Erick, qui ont créé l’association il y a deux ans après avoir vécu le même drame quatre ans plus tôt. On ne sort pas indemne de pareille épreuve. L’année écoulée a été très difficile à vivre. Aussi pour nos deux autres enfants, qui posent encore des questions déroutantes à propos de leur frère.

En racontant notre histoire nous voulons contribuer, au sein de Navado, à convaincre les gens de l’importance du don d’organes, mais également à convaincre le personnel médical des hôpitaux de l’importance de leur mission d’accueil et d’accompagnement de ceux qui ont à prendre cette décision difficile. » n

Navado, Antwerpsebaan 404, 2040 Zandvliet, e-mail : contact@navado.be, % 078 15 00 74, www. navado. be

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