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Help, je ne comprends pas mon médecin !

Métastases, vasculites, radiothérapie para-aortique... Le jargon médical n’est pas toujours accessible ! Si le médecin doit clairement énoncer les maladies et les traitements, le patient, lui, doit se montrer acteur de sa santé afin d’aboutir à un vrai dialogue.

 » Le médecin joue un rôle de premier plan dans de nombreuses phases cruciales de la vie, de la grossesse au combat contre une maladie grave. Or, son rôle ne se limite pas à la prescription du bon traitement. De nombreuses études démontrent que la qualité de la relation entre le patient et son médecin influence le bien-être et le processus de guérison « , analyse Annemie Vandermeulen qui travaille dans un centre de soutien aux groupes d’entraide et aux associations de patients.

Nous ne communiquons plus comme nous le faisions avant avec notre médecin. La relation médecin-patient ne cesse d’ailleurs d’évoluer. Si, à force de faire des recherches sur Google, nous sommes plus informés qu’avant, nous n’osons cependant pas toujours interrompre le médecin lorsqu’il utilise des termes techniques que nous ne comprenons pas. Et cela vaut aussi pour ceux qui ont suivi des études de haut niveau. Souvent, dans la communication avec le médecin, il y a de la friture sur la ligne, qui se traduit par des malentendus, des non-dits, un contact qui passe mal ou est perçu comme trop direct.

Savoir se préparer

Dans le centre de soutien où travaille Annemie Vandermeulen, on est bien conscient du problème et les équipes tentent d’améliorer le dialogue  » En tant que patient, il faut se préparer à la consultation, conseille-t-elle. Si banal que cela puisse sembler, il peut être utile de rédiger une liste reprenant les symptômes et les questions à soumettre au médecin. Essayez d’être aussi précis et détaillé que possible. Ne vous dites pas que vous vous en souviendrez une fois dans le cabinet médical. L’entretien avec votre médecin risque, en effet, de prendre une autre tournure, vous risquez d’être impressionné et de ressortir sans avoir pu vraiment vous exprimer. Mettez l’accent sur trois, quatre ou cinq questions importantes. Pourquoi ne pas déposer carrément votre liste sur le bureau, afin que le médecin visualise ce que vous voulez savoir ? Vous pouvez également vous informer auprès d’un groupe de patients ou sur internet. « 

Préparer une liste reprenant tous vos symptômes et questions est une bonne idée.

Une mauvaise nouvelle

Parvenir à poser vos questions pendant la consultation est une chose, mais comment retenir tout ce que le médecin vous dit ? S’il vous annonce une mauvaise nouvelle, tout mémoriser sera encore plus difficile.  » Dans un tel moment, on retient étonnamment peu de choses, constate Annemie Vandermeulen. Et plus le pronostic est sombre, moins on se souvient ! L’angoisse nous plonge dans un brouillard, on ne capte plus bien ce que le médecin nous dit.

Dans le cadre d’une étude, des chercheurs ont analysé une consultation au cours de laquelle le médecin devait détailler son diagnostic. Ils ont ensuite demandé au patient de répéter la teneur de l’entretien. Or, bien souvent, celui-ci ne parvient à enregistrer mentalement qu’une fraction du diagnostic, alors que les bandes sonores prouvent que le médecin s’est montré clair et détaillé. En fait, une bonne part des informations se perd en chemin, sans que le patient ou le médecin ne s’en rendent compte. Mieux vaut donc être accompagné. On bénéficie ainsi d’une seconde paire d’oreilles. La personne peut prendre des notes pour vous, et vous pourrez ensuite repasser en revue ce qui s’est dit. Les termes techniques suscitent parfois de la confusion. Le message du médecin peut aussi être sujet à interprétation. Ainsi, une prise de sang au résultat positif est un indice santé négatif. Il faut oser demander au médecin de clarifier son propos, ce qui est plus facile à faire lorsqu’on est accompagné. Aujourd’hui nous osons davantage parler et nous affirmer, mais quand il est question d’un diagnostic personnel potentiellement grave, nous n’en menons pas large ! « 

N’ayez pas peur de demander à votre médecin des informations écrites.

N’ayez pas peur de demander à votre médecin de vous fournir des informations écrites expliquant ce qu’il vient de vous dire. Par exemple un dépliant ou l’adresse d’un site web fiable. Depuis l’arrivée d’internet, les médecins ont perdu l’habitude de résumer leur diagnostic sur papier même si vous y avez légalement droit. Il n’y a pas si longtemps, il était courant de ressortir du cabinet avec un schéma ou une feuille explicative rédigée par le médecin. Une alternative recommandée notamment aux Pays-Bas : enregistrer la consultation.  » Cela peut être utile. Une fois chez vous, vous pourrez réécouter à l’aise les détails d’une explication qui vous ont échappés « , conseille Chantal Van Audenhove, professeur spécialisée en communication médicale. Surtout n’enregistrez pas en cachette, cela minerait la relation de confiance avec votre médecin. Expliquez-lui pourquoi vous souhaitez le faire et demandezlui son accord. Il est très rare de se voir opposer un refus. « Un test mené auprès d’un groupe de femmes touchées par un cancer du sein a permis de mettre en lumière une autre problématique. Tous les patients ne considèrent pas la communication de la même manière. :  » Nous avons montré à un petit groupe de femmes, qui avaient toutes fait l’expérience d’une mauvaise nouvelle, les images d’une consultation au cours de laquelle le médecin annonce à une patiente un diagnostic de cancer, raconte Annemie Vandermeulen. Nous leur avons ensuite demandé ce qu’elles en pensaient. Résultat : leur appréciation de l’attitude du médecin variait de 4/10 à 9/10 !

Ann, dont le mari a un cancer

« Ce n’est pas seulement une question de terminologie ou de jargon. Il faut aussi que le malade soit réceptif lorsque le médecin se présente à son chevet. Mon mari a passé pas mal de temps à l’hôpital. Après une opération menée en urgence, il était très affaibli et un peu confus. Lorsque je lui ai rendu visite, il m’a plusieurs fois répété que le médecin était venu mais qu’il n’avait pas retenu ce qui s’était dit. Par la suite, j’ai eu moi-même du mal à m’entretenir avec ce médecin et obtenir des informations. Il faudrait que cela change. »

Une approche douce

Les unes l’ont trouvé froid et impersonnel, les autres tout à fait juste et humain. Pourquoi ? Parce que tout le monde n’a pas les mêmes attentes, ni les mêmes besoins. Certains patients aiment savoir directement ce qu’il en est, d’autres préfèrent une approche plus douce et empathique. C’est ce qui explique qu’une même consultation puisse être ressentie de façon si différente. Or, on ne peut s’attendre à ce qu’un médecin qui nous voit parfois de loin en loin sente de lui-même quelle approche nous convient le mieux. Par contre, on peut anticiper en lui disant qu’on préfère qu’il nous parle de manière directe.  » L’époque où le médecin prenait les décisions seul, face au patient qui n’avait plus qu’à opiner du bonnet est (ou devrait être) révolue. Aujourd’hui, la relation tend à être d’égal à égal : chacun a voix au chapitre quant aux médicaments, aux traitements, aux opérations, etc.

Help, je ne comprends pas mon médecin !
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 » Cela exige évidemment un changement d’attitude de part et d’autre, constate Chantal Van Audenhove. Le médecin est celui qui connaît le mieux les traitements mais c’est vous qui connaissez intimement votre maladie et êtes donc le mieux placé pour savoir ce qui vous conviendra. Les chances de guérison sont optimales quand les deux points de vue sont pris en compte. Si votre médecin vous prescrit 7 médicaments à prendre chaque jour, alors que vous savez que vous serez incapable de les prendre, demandez-lui une alternative. Votre médecin n’est pas ouvert ? Trouvez-en un autre avec lequel le contact passera mieux. « 

Un patient bien informé est acteur de ses choix et donc plus impliqué dans le processus de guérison.

Pour vous aider à prendre des décisions de manière équitable, respectez la règle des trois questions. Quelles sont les possibilités de traitements ? Quels sont les avantages et les inconvénients de chacun ? Et où puis-je trouver de l’aide afin de faire le bon choix ?

Willy, atteint de sclérose en plaques

« La première fois que j’ai reçu par écrit les résultats de l’IRM de mon cerveau, je suis resté bouche bée. Je ne comprenais qu’un mot sur deux... Devais-je m’inquiéter ou non ? Une autre fois, un seul mot m’a laissé totalement perplexe. Dans certains rapports, positif traduit quelque chose de grave, et négatif indique que tout va bien. Merci de penser à nous traduire les résultats en langage compréhensible ! »

Une piste : l’aide à la décision

En réponse à cette dernière question, on peut se tourner vers l’aide à la décision, une piste aussi judicieuse que novatrice. Le Canada et les Pays-Bas l’ont déjà adoptée. Chez nous, cette méthode commence à faire son chemin. En pratique : il s’agit de s’aider de schémas informatifs détaillant de manière claire et accessible les divers traitements, avec leurs avantages et leurs inconvénients, pour des maladies bien précises.

 » Cela permet d’arriver à la consultation bien préparé et d’avoir en tête les alternatives de traitement, souligne Annemie Vandermeulen. Après la consultation, vous pourrez passer en revue, à tête reposée, les possibilités qui s’offrent à vous. Nous avons remarqué que ce type d’aide schématique constitue un instrument précieux pour nourrir le dialogue avec le médecin. Cela aide le patient à se placer sur un pied d’égalité. Du coup, les décisions se prennent à deux. « .

 » L’important est de trouver des schémas d’aide conçus pour la Belgique. Les versions étrangères ne sont pas toujours transposables chez nous, car toutes les thérapies n’existent pas forcément dans notre pays, met en garde Chantal Van Audenhove. Depuis qu’on fait usage de ce type de soutien à l’UZ Leuven, nous constatons que les hommes confrontés à un cancer de la prostate font des choix très variés et réfléchis, allant de l’attente à l’intervention chirurgicale. Un patient bien informé et acteur de ses choix acceptera toujours mieux les effets secondaires, aura davantage confiance dans la thérapie proposée et se sentira plus impliqué dans le processus de guérison.

Cette aide au choix incite également à accepter qu’il y ait plusieurs pistes, plusieurs possibilités, alors qu’on rêverait sans doute qu’il n’en existe qu’une, capable de tout résoudre. Dans les cas de maladie chronique ou incurable, particulièrement difficile à vivre, c’est certainement un plus. « 

Parfois un problème de langue

La langue utilisée peut constituer le principal obstacle et brouille la communication. Dans un hôpital, il peut arriver qu’on soit reçu par un médecin qui ne s’exprime pas dans sa langue maternelle ou qui parle avec un fort accent, au point qu’on le comprend difficilement. En pareil cas, osez dire que les informations fournies ne vous suffisent pas et que vous n’avez pas tout compris. N’ayez pas peur de demander un dépliant, des images ou des schémas, voire l’aide d’un interprète.

Le point de vue du médecin

Pour que le dialogue patient/médecin gagne en qualité, ce dernier doit prendre le temps de se pencher sur ce qui compte vraiment aux yeux du patient.  » Les médecins apprécient qu’un patient dise franchement ce qu’il ressent, décrive ses symptômes et explique ce qu’il déjà essayé, en matière de médecines alternatives, par exemple, indique Annemie Vandermeulen. Nous aimons aussi que nos patients s’informent, posent des questions, demandent à réfléchir aux pistes qui s’offrent à eux, honorent leurs rendez-vous. « 

Ce que les médecins redoutent, en revanche, c’est le syndrome de Colombo, du nom du célèbre inspecteur de la série du même nom. Il a, en effet, la fâcheuse manie de parler de tout et de rien, avant d’aborder enfin le coeur du sujet, la main sur la poignée de porte. Ce qui sous-entend qu’il faut reprendre la consultation ! Parfois, les patients ont besoin de temps avant d’oser entrer dans le vif du sujet mais, pour un médecin, ce n’est pas efficace.

Infos : www.choixdialyse.be ; www.cancer.be/aide-aux-patients ; www.health.belgium.be/fr/sante (Droits du patient) ; www.luss.be (fédération des associations de patients et de proches) ; www.patientsassistance.eu

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