Comment nos émotions influencent notre immunité

Positifs ou négatifs, nos états d’âme ont un impact sur notre santé physique et mentale.

Contenu :

Un stress parfois lourd de conséquences
Coupable ou repsonsable ?
Apprendre à positiver ...
... et à se lâcher
Méditer pour écarter les pensées négatives
Des animaux qui nous veulent du bien
Une amitié sans jugement
Le toucher
De la lumière à l’hôpital
Adresses utiles

Corps et esprit, nous ne ferions qu’un ?  » Voir l’être humain dans sa globalité est une idée récente, explique le Dr Thierry Janssen, chirurgien et psychothérapeute. Aujourd’hui, une nouvelle discipline est en train de voir le jour : c’est la psycho-neuro-endocrino-immunologie, qui crée des liens entre les différentes parties de l’être.  » Psycho  » : ce sont les émotions, les pensées.  » Neuro  » : on regarde leurs répercussions sur le système nerveux.  » Endocrino  » : comment la réponse hormonale va-t-elle se mettre en place ? Et enfin  » immunologie  » : quelles répercussions aura tout cela sur notre défense immunitaire, et donc sur notre santé ? « 

Des expériences ont été menées aux Etats-Unis pour observer l’activité du cerveau de volontaires en train de visionner des films.  » Grâce à la résonance magnétique nucléaire fonctionnelle, on a vu une activation préférentielle du cortex préfrontal droit lorsque les participants regardaient un film générant des émotions désagréables (peur, anxiété, colère...). En revanche, quand ces films généraient des émotions agréables, le cortex préfrontal gauche s’activait. « 

Quelles conséquences cela a-t-il sur notre santé ?  » Une chaîne de réactions se met en place. Lorsqu’on est dans de l’émotion désagréable, il y a une activation de la branche sympathique du système nerveux, qui nous met en tension, pour réagir face à ce qui a déclenché ces émotions. C’est le stress. Au niveau endocrinologique, cet état va stimuler la sécrétion, entre autres, de deux hormones : l’adrénaline (activation du coeur, activation musculaire, pour  » nous enfuir ou nous battre « ), et le cortisol (préparation du système immunitaire à se défendre). C’est la cascade psycho-neuro-endocrino-immunologique.  »

Si le stress aigu, lié à un événement concret, n’est pas forcément négatif, le stress chronique, au contraire, épuise l’organisme.  » Mais il est possible de renverser la vapeur. Cette cascade, en effet, peut prendre deux voies différentes...  » En générant au contraire des émotions positives ou agréables, c’est la branche para-sympathique du système nerveux qui se met en route : c’est-à-dire non pas le système de tension, mais celui du relâchement. Dès qu’il s’active, tous les mécanismes de récupération du corps se mettent en branle, et le système immunitaire est optimal. « 

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Un stress parfois lourd de conséquences

 » Le stress est une réaction de l’organisme face à toute sollicitation de l’environnement, explique le Dr Yun-Marie Vandriette, psychiatre au CHU Brugmann. Il devient pathologique lorsque l’organisme ne parvient pas à s’adapter, parce qu’il est trop intense ou trop prolongé. Les hormones libérées en réponse au stress peuvent avoir des répercussions un peu partout : troubles endocriniens, troubles de l’ovulation chez la femme, diminution de libido chez l’homme. Au niveau digestif, le stress joue un rôle dans les troubles fonctionnels, l’ulcère, et dans l’évolution de certaines maladies inflammatoires comme la maladie de Crohn et la rectocolite ulcéro-hémorragique. Au niveau cardiovasculaire, le stress peut provoquer de l’hypertension, un accroissement des lipides sanguins et donc un risque cardiovasculaire accru « .

Les affections dermatologiques sont d’autres conséquences fréquentes du stress : poussée d’acné, chute de cheveux, retard de la cicatrisation...  » On étudie beaucoup le lien entre stress et immunité : le cortisol, hormone produite par l’organisme en cas de coup de stress, fait baisser notre immunité. Des maladies inflammatoires comme l’eczéma et le psoriasis sont ainsi favorisées par le stress « .

Ce lien a été mis en valeur lors d’une expérience originale.  » Tout le monde n’attrape pas la grippe dans une même famille. Pourtant, c’est un virus facilement transmissible, insiste le Dr Janssen. On a enfermé un groupe de personnes dans un hôtel pendant quelques jours. On leur a fait passer des interrogatoires pour quantifier leur degré de stress, puis on leur a inoculé le virus de la grippe. Les personnes stressées et fatiguées de manière chronique ont attrapé le virus, les autres avaient des défenses immunitaires suffisantes. « 

Autre conséquence, les tensions et douleurs musculaires.  » C’est une réponse au stress, explique le Dr Vandriette. On est contracté, sur le qui-vive, dans un état d’hyperexcitabilité musculaire. On a mal au dos, à la nuque... « 

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Coupable ou responsable ?

Mais s’il y a un lien entre nos émotions et notre santé, doit-on se sentir coupable d’être malade ?  » Bien sûr que non... La notion de culpabilité doit être remplacée par la notion de responsabilité, insiste Thierry Janssen. La maladie est souvent un déséquilibre dû à un ensemble de facteurs. « 

Prudence, donc, sur ce terrain...  » En effet, il ne suffit pas de débloquer des émotions pour guérir. Et avoir des sentiments négatifs ou bloquer ses émotions n’est pas synonyme de cancer, insiste Danielle Michaux, psychologue à Cancer et psychologie. Le danger serait de dire qu’il faut retrouver une problématique ancienne et travailler dessus pour guérir ! Le domaine des émotions est récent (les émotions ont longtemps été taboues), il faut se méfier des certitudes... J’espère seulement que cet intérêt est le reflet d’une société qui fait machine arrière par rapport à des valeurs comme le rendement, l’efficacité, et qui va s’ouvrir à des valeurs plus humaines. « 

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Apprendre à positiver...

Comment faire face à une situation chronique de stress ?  » Dans le contrôle du stress et des émotions, la psychothérapie (individuelle ou de groupe) est recommandée, plus que des médicaments, conseille le Dr Vandriette. Les médicaments ne seront utilisés que s’il y a un trouble anxieux ou une dépression associée. On peut aussi utiliser la relaxation, la sophrologie... Des techniques respiratoires comme la respiration abdominale permettent d’obtenir une meilleure détente musculaire. Sans oublier de se faire plaisir, d’avoir une bonne hygiène de vie, d’avoir des activités qui soulagent, que ce soit la broderie ou le jogging... « 

 » En complément de tous les traitements, cette émotion positive me paraît essentielle, précise Thierry Janssen, qui est souvent en contact avec des patients cancéreux. D’ailleurs, les patients le sentent. S’ils sont capables d’aller à une séance de chimiothérapie en pensant que cette séance est quelque chose de positif, et non de toxique, les effets secondaires sont souvent moindres, ou mieux vécus. Comment travailler sur ces émotions ? Je propose par exemple aux patients des exercices de visualisation : la chimiothérapie, c’est de l’or qui coule dans les veines, ou les rayons du soleil... Peu importe l’image, je laisse souvent le patient trouver la sienne. « 

Nous en avons tous l’intuition : être décontracté, voir les choses du bon côté, est certainement meilleur pour notre bien-être que se ronger les ongles, ou ruminer sur des incidents désagréables sans arriver à les dépasser. Certes, c’est aussi une question de nature : les uns ont toujours le sourire aux lèvres, les autres, le sourcil froncé.

Pourtant, apprendre à penser de manière plus positive, ça s’apprend.  » Cela passe par un travail cognitif : on va  » réinformer  » la personne, qui a une certaine façon de penser, de voir les choses. On va éclairer autrement, en posant des questions. Vous êtes sûr que c’est toujours comme ça ? Ce n’est pas une croyance ? Ce travail va générer une autre émotion, laquelle aura une répercussion physique. Attention, penser positivement, ce n’est pas seulement avec moi, mais aussi dans la vie ! C’est un travail de tous les jours que le thérapeute est là pour encourager et accompagner. « 

A ce travail cognitif, le Dr Janssen recommande souvent de joindre un travail corporel : tai-chi, qi gong, yoga....  » Cela aidera le travail psychologique. Plus vous serez fluide dans votre corps, plus vous serez fluide dans votre tête. « 

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... et à se lâcher !

 » Des études ont montré que les patients qui font ce travail sur eux ont une vie prolongée, insiste Sophie Buyse, psychologue à Cancer et psychologie. Tout le monde n’est pas d’accord, mais je l’ai constaté. Même si bien sûr, le psychologue n’est pas tout puissant... « 

Hommes et femmes ont-ils la même attitude face à leurs émotions ?  » Ce sont surtout les femmes qui consultent, explique Sophie Buyse. Les hommes ont plus de mal à s’abandonner. Ils gèrent leur maladie comme une entreprise : avec efficacité. Les mentalités doivent évoluer, aller sur le terrain de l’émotif, de la sensibilité. Pour se relâcher, à chacun sa technique : peinture, jardinage, méditation, écriture, thalassothérapie.... « 

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Méditer pour écarter les pensées négatives

Tenté par la méditation ? N’hésitez plus ! C’est tout bénéfice... notamment pour votre système immunitaire.  » Des études ont montré l’effet bénéfique de cet exercice sur le système immunitaire de moines bouddhistes ayant derrière eux des milliers d’heures de méditation. Plus la personne avait médité, plus l’effet était marqué.  » Or la méditation est accessible à tout le monde.  » En effet, elle existe dans toutes les cultures spirituelles, insiste Thierry Janssen. On est dans l’instant, focalisé sur sa respiration, ou sur sa conscience d’un endroit du corps, ou sur un mantra. Mais on ne laisse pas sa pensée s’évader, ni les émotions négatives revenir, etc. C’est thérapeutique. « 

Les exemples de lien entre les pensées et la santé abondent. Aux Etats-Unis, des études se sont intéressées au lien entre le degré d’optimisme de milliers d’hommes et leur état de santé, 30 et 40 ans plus tard.  » Au début de l’étude, ils ont été classés en personnes  » optimistes « ,  » très optimistes « ,  » pessimistes « , et  » très pessimistes « . Quand, 30 ou 40 ans plus tard, on regardait comment ces gens avaient vécu, on constatait qu’il y avait un effet significatif de l’optimisme sur la durée de vie et la santé. « 

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Des animaux qui nous veulent du bien

Les animaux auraient un apport bénéfique sur notre santé ?  » Cet effet est connu depuis l’antiquité, explique Françoise Sion, secrétaire générale d’Ethologia, une association belge d’étude et d’information sur la relation homme-animal. « 

Il aura fallu attendre les années 70 pour voire apparaître les premières études.  » Surtout dans les pays anglo-saxons, car ici, nous sommes encore trop rationnels, et surtout trop hygiénistes, donc l’animal est souvent exclu. Oui, on a pu établir que les animaux pouvaient avoir des effets positifs sur la santé physique et psychologique des hommes. Les exemples sont nombreux : tension artérielle, stress, autisme, Alzheimer, mobilité... Et ces études, colloques, échanges, se multiplient. Même s’il n’est pas toujours facile de faire des études avec des animaux... « 

Une condition : mieux vaut aimer les bêtes !  » En effet, ce n’est pas l’animal même qui apporte quelque chose de positif, mais la relation entre l’animal et l’homme « , insiste Françoise Sion.

L’animal peut être bénéfique de deux manières.  » D’abord, par sa simple présence, il apporte chaleur, réconfort, motivation, stimulation, apaisement, interaction... Mais son utilité est également avérée dans le cadre de la  » thérapie assistée par l’animal  » (AAT : Animal assisted therapy), en groupe ou individuellement. Il y a alors une activité précise, à caractère thérapeutique, avec un diagnostic, un traitement, un bilan. Dans ce cas, la présence de l’animal peut faciliter la relation entre le patient et le thérapeute. C’est une relation à trois « .

La thérapie assistée par l’animal peut trouver des applications dans des domaines divers : en kinésithérapie, en psychologie, en psychiatrie.... Elle est utilisée à l’hôpital, mais aussi à l’extérieur, jusqu’en milieu carcéral.

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Une amitié sans jugement

Désormais, les animaux sont souvent présents en maison de repos. Chiens, tortues, canaris, perroquets...  » La seule condition est que le pensionnaire soit capable de s’occuper lui-même de son animal, explique Filip Van Elsué, directeur de la Résidence Anaïs à Bruxelles. Qu’est-ce que ça leur apporte ? Cela a le même effet que le choeur d’enfants qui vient à Noël : ça libère des émotions. Et cela créée une ambiance détendue. Les pensionnaires s’entraident pour prendre soin d’un chien, pour le promener... ça les stimule, c’est très positif. Les pensionnaires se sentent intégrés. « 

A l’hôpital, la présence d’un animal est plus difficile : les règles d’hygiène sont strictes. En Belgique, deux hôpitaux ont tenté l’expérience. A La Citadelle, à Liège, un chien-visiteur vient une fois par semaine rendre visite aux enfants hospitalisés. Et à Gand, le service de soins palliatifs de l’AZ Sint-Lucas possède un labrador, Kioshi.  » Ces animaux sont bien sûr soigneusement sélectionnés et formés « , précise Françoise Sion.

A Gand, la présence de Kioshi demande une organisation exemplaire.  » Cela représente beaucoup de travail supplémentaire pour le service, explique Marleen Verschueren, infirmière responsable de Kioshi. Mais la présence de Kioshi est un  » plus « . Elle est toujours de bonne humeur, et ne s’offusque pas de l’apparence physique des malades. La décision d’entrer en soins palliatifs n’est pas facile, mais la présence du chien atténue cette difficulté. « 

Pour Françoise Sion, l’animal est en effet un confident exceptionnel.  » Son regard sur vous ne change pas. On peut lui dire des choses qu’on n’ose plus dire aux humains. Il permet aussi de faire des exercices pour des problèmes articulaires : au lieu de les faire en malaxant une balle dans la main, on donne une brosse au patient pour qu’il brosse le chien. Autrement plus motivant ! « 

Mais le chien apporte bien d’autres choses encore, comme le toucher.  » Ce n’est pas évident de toucher une personne en fin de vie. Le chien, lui, n’a aucune répulsion, il permet ce contact. « 

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Le toucher

Les effets positifs du toucher sont bien connus aujourd’hui.  » C’est fondamental, le toucher, insiste Thierry Janssen. C’est la première des médecines. Il a été banni de notre culture, à cause de la confusion qu’il y a eu entre toucher et sexualité. Mais le toucher est le premier des sens. Les bébés qui ne sont pas touchés dépérissent : aujourd’hui, on masse les enfants en couveuse. Le toucher apaise le système neurologique, crée une cascade favorable, donc de meilleures défenses immunitaires. Le toucher a aussi une action physiologique : on a montré que des diabétiques qui étaient touchés pouvaient prendre moins d’insuline dans le cadre de leur traitement, parce que l’apaisement créé par le toucher diminuait le taux de cortisol, lequel augmente la résistance à l’insuline. Moins de cortisol signifie moins de résistance à l’insuline, donc une diminution de l’apport extérieur en insuline. « 

Mais pas besoin d’être malade pour profiter de la présence d’un animal. Des études portant sur des personnes en bonne santé montrent également les bienfaits de l’animal de compagnie. On constate ainsi que les propriétaires d’animaux consultent moins souvent leur médecin, ou encore qu’ils rentrent plus rapidement chez eux après un séjour à l’hôpital.  » Ils veulent rentrer parce qu’on a besoin d’eux, parce que quelqu’un les attend, souligne Françoise Sion. La guérison est accélérée, l’animal leur donne une motivation. « 

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De la lumière à l’hôpital

Malade ou pas, nous sommes sensibles à la présence ou à l’absence de lumière naturelle. Une journée lumineuse nous apporte énergie, vitalité, et bonne humeur, alors qu’un ciel bas et plombé nous donne envie de nous calfeutrer... A l’hôpital, ce concept de luminosité est de plus en plus souvent pris en compte dans la conception de nouvelles unités, ou lors de rénovations d’unités anciennes. Il semble même que la présence de lumière influerait sur la durée du séjour.

A l’UCL Mont-Godinne, la nouvelle unité de soins intensifs a intégré ce concept.  » La présence de lumière naturelle diminue le risque de désorientation spatio-temporelle du patient, explique Christelle Vastrade, infirmière en chef du service. Cette lumière du jour, et particulièrement le soleil, influence le moral des patients. Nos anciennes chambres ne bénéficiaient pas autant de cette lumière, et les patients étaient souvent plus démoralisés, désorientés, agités et confus.

Maintenant que nous avons de grandes fenêtres, le séjour du patient se déroule plus sereinement, et certains séjours peuvent ainsi être raccourcis. Le patient peut être installé face à la fenêtre, vers l’extérieur, la nature, les oiseaux, les gens qui passent. Et s’il a un bon moral, des pensées positives, le processus de guérison semble facilité. « 

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Adresses utiles

Clinique du stress
CHU Brugmann : Pl. Van Gehuchten, 4 1020 Bruxelles – Tél. : 02 477 27 76

Centre Mieux-être
Programme Clinique du stress
Clinique Notre-Dame de Grâce : Ch. de Nivelles, 212 6041 Gosselies – Tél. : 071 37 91 92

Cancer et psychologie asbl
Bruxelles : 02 735 16 97
Charleroi : 0484 063 648
Liège : 04 221 10 99
Namur : 0495 788 386

Ethologia asbl
Association belge d’étude et d’information sur la relation homme-animal
Rue Konkel, 87-89 1150 Bruxelles – www.ethologia.be

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