Comment garder une voix jeune ?

On le sait, le président du Parti Socialiste, Elio Di Rupo, a subi une intervention chirurgicale pour un agiome sur une corde vocale. L’occasion pour nous de revenir sur cet outil merveilleux qu’est notre voix. On l’utilise sans y penser et pourtant, il y a des précautions à prendre pour que notre vois reste jeune.

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Notre voix serait-elle indiscrète ? Un peu, sans doute, puisqu’elle donne une idée (imprécise, certes) de notre âge. Que ce soit à la radio, ou au téléphone, par exemple, nous distinguons aisément une voix très jeune d’une voix plus mûre... Notre voix, en effet, évolue avec nous. Ce qui ne lui enlève rien de son charme, d’ailleurs. Pensez à la voix toujours envoûtante d’une Jeanne Moreau, ou au timbre éternellement chaleureux d’un Aznavour...

Mais comment fonctionne cet organe capable non seulement de matérialiser nos pensées, par la parole, mais aussi de trahir, par l’éventail de ses fluctuations, nos émotions les plus intimes ?

La voix, un trio bien accordé

Contrairement à une idée répandue, la voix n’est pas seulement une affaire de cordes vocales... Les acteurs de notre voix sont au nombre de trois : les poumons, le larynx, puis la cavité de résonance. Ensemble, ils nous permettent de produire un son. Les poumons, d’abord, agissent comme une soufflerie : ils envoient de l’air vers le larynx. Celui-ci, avec ses deux cordes vocales, constitue un obstacle à cette pression aérienne. Lorsque la pression est très forte, elle force l’ouverture des cordes vocales, les mettant en vibration. Le son est né...

 » La coordination de ces deux phénomènes est essentielle, souligne le Dr Gauthier Desuter, spécialiste de la voix aux Cliniques universitaires Saint-Luc. Si la coordination n’est pas bonne, il y a perte de rendement vocal.  »

Le dernier acte de la production d’un son a lieu dans la  » cavité de résonance  » : celle-ci comprend tout ce qui se trouve entre les cordes vocales et les lèvres : la gorge, la langue, les dents, les sinus, etc... Cette cavité permet de moduler le son. C’est en jouant avec les nombreuses ressources de leur cavité de résonance que les imitateurs parviennent à modifier leur voix et changer d’identité...

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Les années passent

Que sait-on aujourd’hui sur le vieillissement de la voix ?  » Les études sont encore peu nombreuses dans ce domaine, explique le Dr Desuter. Pour une simple raison : c’est un sujet relativement récent. Avant, l’espérance de vie était trop courte.  » Le vieillissement de la voix, appelé  » presbyphonie « , touche tout le monde, au-delà de 60 ans environ, mais à des degrés différents. Le larynx, par exemple, souffre d’une atrophie musculaire.  » Il en résulte une fuite glottique : c’est l’incapacité, pour l’obstacle (les cordes vocales), à contrer la puissance d’expiration. Les cordes vocales ne parviennent pas à former un obstacle hermétique, elles laissent passer un peu d’air. Cette fuite a deux effets : une baisse d’intensité de la voix, et une fatigabilité vocale. Il faut faire un effort pour obtenir un même volume sonore.  » Sans oublier la puissance pulmonaire, qui diminue avec l’âge, et la cavité de résonance, moins souple qu’autrefois.

Que faire pour entretenir sa voix ?

Envie de bichonner votre voix ? Travaillez sur ses trois composantes : sans vous préserver totalement des atteintes du temps, vous mettrez ainsi toutes les chances de votre côté.

Les poumons Entretenez votre fonction pulmonaire : pour garder un souffle puissant, vous pouvez pratiquer régulièrement un sport d’endurance (marche, natation...), ou faire du chant. Le chant a deux intérêts : il permet de développer la capacité pulmonaire, et entraîne la coordination entre l’expiration de l’air et la fermeture des cordes vocales.  » Chanter dans une chorale est une bonne chose, conseille le Dr Desuter, à condition que cela reste ludique. L’important, c’est de s’amuser : cela ne doit causer ni stress, ni fatigue. Le chef de ch£ur veillera à ce que vous utilisiez correctement votre voix.  » Le tabac est à proscrire, bien sûr : il entraîne une diminution de la capacité respiratoire.

Le larynx Les cordes vocales sont un muscle.  » Et comme tous les muscles, elles gagnent à être entraînées. Le chant et l’art dramatique agissent comme une véritable kinésithérapie pour la musculature du larynx. Plus la quantité de muscle est importante, plus l’amyotrophie (diminution du volume des muscles) aura du mal à s’installer « . Mais attention à ne pas forcer ni casser sa voix : faites-vous surveiller par un professionnel (professeur de chant, d’art dramatique, etc), pour éviter de mal utiliser, donc d’abîmer, votre voix.

La cavité de résonance Observez une excellente hygiène dentaire : les dents jouent un rôle important dans l’articulation, elles sont un repère pour la langue. Prévenez les problèmes de gencives, ou soignez-les rapidement. En cas de perte de dents, évitez la prothèse, qui ne procure pas les mêmes sensations qu’un implant ou un bridge, et donne moins de repères à la langue. L’espace occupé par les dents a également son importance dans l’articulation.

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La chirurgie, pour diminuer la fuite glottique

Pour les cas extrêmes, deux techniques chirurgicales sont envisageables :

  • L’injection d’une substance (graisse ou collagène) dans le muscle vocal, pour faire bomber les cordes vocales, et réduire ainsi la fuite glottique. L’injection a lieu sous anesthésie générale courte.
  • L’introduction d’une prothèse contre l’une des cordes vocales. La prothèse pousse cette corde vocale vers l’autre, réduisant l’espace entre les deux. La prothèse est un morceau de cartilage prélevé sur le larynx, ou un implant synthétique. Cette technique, appelée thyroplastie, est réservée aux béances glottiques majeures. Elle a lieu sous anesthésie locale approfondie.

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Les astuces des professionnels de la voix

Avocats, enseignants, chanteurs, comédiens... Pour le bon exercice de leur métier, ils sont aux petits soins pour leur voix. Sans elle, difficile de travailler... Pourquoi ne pas nous inspirer de leur expérience pour ménager nos cordes vocales ?

  • Parler plus d’une heure et demie d’affilée n’est pas recommandé. En général, évitez de cumuler plus de 4 heures de parole par jour.
  • Les enseignants, par exemple, tentent d’encourager une communication interactive, avec des séances de questions/réponses, qui permettent de ménager de petites pauses. Faites de même lors d’un repas de famille, d’une réunion de travail... : réjouissez-vous si l’on vous coupe la parole ! Les enseignants vont même jusqu’à inviter un orateur extérieur de temps en temps, pour l’écouter parler à leur place !
  • Un bon orateur sait qu’il est important de bouger à l’intérieur de son local, pour se placer de temps à autre au milieu de son auditoire : en s’en rapprochant, il peut baisser la voix. Pour parler sans forcer, rapprochez-vous de ceux qui vous écoutent...
  • N’hésitez pas à utiliser un amplificateur vocal devant un grand auditoire.
  • Maintenez une bonne hydratation en buvant une gorgée d’eau tous les quarts d’heure.
  • Et si votre voix est fatiguée, ne forcez pas, vous ne feriez qu’aggraver la situation... Observez 4 ou 5 jours de repos, et consultez sans tarder, si la raucité continue.

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Que valent nos remèdes classiques ?

Face à une voix qui flanche, nous avons tous nos vieux réflexes... Habitudes de famille, remèdes de grand-mère, ou conseils amicaux, le Dr Desuter donne son avis :

Prendre une boisson chaude ?
 » Le larynx n’est pas en contact avec la boisson. Par contre, la vapeur d’eau dégagée par la boisson lui sera bénéfique, car elle l’hydrate. Mais méfiez-vous du café et du thé: ils ont tendance à augmenter le reflux gastro-oesophagien, qui, lui, est mauvais pour la voix.  »

Les pastilles à sucer ?
 » Pourquoi pas ? Elles augmentent la sécrétion salivaire, donc diminuent l’assèchement du larynx, quel que soit le contenu de la pastille, d’ailleurs.  »

Les infusions de thym, de laurier, etc... ?
 » Rien n’est prouvé.  »

Les aérosols à base de corticoïdes ?
 » Oui, mais uniquement sous contrôle médical et pour une courte période. Pas à long terme. « 

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Pierrette Laffineuse, actrice, professeur de formation vocale au conservatoire royal de Bruxelles

 » Chaque jour, un peu de gymnastique « 

 » Les cordes vocales sont un muscle. Bien entraînées, comme celles d’un chanteur d’opéra, elles sont épaisses, larges. Il faut faire travailler ses cordes vocales, mais pas n’importe comment : comme quelqu’un qui prend soin de son corps et qui fait un peu de gymnastique tous les jours, de manière équilibrée. Pas comme un sportif de haut niveau qui recherche la performance.

Pour garder une voix en bon état, il est important d’avoir une bonne technique vocale. La respiration est essentielle, elle est la base du chant et de la voix parlée. Elle est pourtant mal comprise, en général : il faut en fait prendre le moins d’air possible, et le laisser ressortir le moins possible. Les élèves ont du mal à comprendre ce principe : pour eux, chanter fort ou crier équivaut à prendre et relâcher beaucoup d’air.

Bien respirer, c’est respirer  » par le bas « , c’est-à-dire par le ventre : c’est un réflexe chez moi. Pour cela, il faut relâcher le ventre... Pourtant, beaucoup de femmes ont du mal à ne pas rentrer le ventre en permanence !

Mes trucs ? Ne jamais parler fort dans un environnement bruyant. Pas toujours facile, il y a de plus en plus de bruit autour de nous... Bien relâcher la mâchoire, sentir ma langue bouger quand je parle. Et pas de tabac...

Un bon exercice, à faire tous les jours, pendant 30 secondes, est de tirer la langue, ça masse les cordes vocales ! Faites buter la pointe de la langue contre les dents du bas, puis poussez avec la langue.

Un bon grog au miel pour la voix ? Surtout pas ! Le miel, tout comme le sucre en général ou les boissons gazeuses, donnent de l’acidité dans l’estomac, qui remonte vers les cordes vocales et leur est néfaste. Par contre, se gargariser avec de l’eau salée renforce les muqueuses du larynx.

Enfin, la grande idée, c’est la douceur, la flexibilité : ne pas être raide, ne pas brutaliser la voix. Un bon principe est de ne pas toujours parler sur le même ton, mais de moduler, en passant du grave à l’aigu, ce qui fait bouger le larynx. Donc le chant, bien travaillé, est excellent pour la voix.

Ne pas forcer, cela veut dire également, en cas d’angine, de laryngite, accepter de ne pas parler ! Les cordes vocales aussi ont droit au repos ! « 

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