Ballonnements et flatulences

Une personne sur deux est embarrassée par ces phénomènes gênants dont on ose peu parler sinon sous forme de blagues. Si certains aliments sont en cause, il y a bien d’autres origines à ces gonflements intempestifs.

Du latin  » flatus  » qui signifie souffle, la flatulence ou gaz expulsé par l’anus, même quand elle est inodore, n’est pas simplement de l’air. Le mélange est chimiquement complexe. L’azote vient de l’air inspiré qui transite par toute la longueur du tube digestif. L’hydrogène, le dioxyde de carbone et le méthane résultent de différentes interactions enzymatiques avec les aliments, les sécrétions digestives et la flore intestinale (microbiote). Ainsi, dans l’estomac, le bol alimentaire est modifié par l’acide chlorhydrique fabriqué par les cellules de la muqueuse gastrique. Quand l’estomac se vidange, le mélange rencontre dans le duodénum les enzymes pancréatiques et biliaires. Une réaction chimique se produit et libère du dioxyde de carbone en grande quantité, en partie responsable des ballonnements qui peuvent suivre un repas.

Quant au méthane, inodore, incolore mais inflammable, il est exclusivement produit dans le côlon, en quantités variables selon les individus et la présence de certaines bactéries. Sa pression peut atteindre 200 mmHg mais seul un individu sur trois est capable d’en produire, dès l’âge de huit ans. L’environnement diététique est probablement plus en cause que la génétique. Le délai entre un repas et la formation de gaz subséquente prend quelques heures étant donné que le chemin est long à parcourir depuis l’estomac. En moyenne, l’être humain expulse une quinzaine de pets quotidiens mais promène facilement un litre de gaz dans ses boyaux.

Bruyant et odorant...

La plupart des composants gazeux produits par nos intestins sont inodores mais pas tous. Le plus caractéristique et nauséabond est le sulfure d’hydrogène, issu de la digestion de quelques aliments riches en soufre : oignons, choux, £ufs, champignons. Les autres aliments célèbres pour leur pouvoir gazogène provoquent plus de bruit que d’arôme ! Il s’agit surtout des céréales et dérivés, des fruits secs, des légumineuses (haricots, pois, lentilles, soja), et de quelques coupables moins connus : oranges, bananes, carottes, concombres, poireaux.

Le rôle gazogène des légumineuses provient de la fermentation, dans le gros intestin, de l’amidon qui n’a pas été résorbé dans l’intestin grêle, un peu comme dans les problèmes d’intolérance au lactose ou au gluten. C’est le cas aussi des glucides de toutes les céréales, sauf le riz pratiquement complètement absorbé. Le fructose et les édulcorants comme la saccharine et le sorbitol produisent également du gaz. Attention donc aux produits de régime, pour garder la ligne ou pour diversifier les desserts du diabétique.

On appelle  » carminative  » toute substance favorisant l’expulsion des flatulences ; ce sont en majorité des épices : gingembre, ail, menthe poivrée, basilic, coriandre, estragon, sarriette, sauge, thym... Quant au bruit, il n’a pas toujours été pudiquement étouffé. Un numéro de music-hall, célèbre au début du XXe siècle mettait en scène (dans le noir) un musicien des flatulences : le  » pétomane  » Joseph Pujol parvenait à maîtriser son sphincter jusqu’à moduler Au clair de la lune . Si c’est faisable, c’est parce que le son dépend de la vitesse d’expulsion et du diamètre de l’ouverture anale.

Du gaz, même à jeun

En plus des gaz produits dans l’intestin, le ballonnement peut résulter d’un autre problème : nous avalons énormément d’air. En dehors des boissons gazeuses, naturelles ou pas, et des médicaments effervescents, l’air accompagne souvent la salive produite en excès par la consommation de bonbons. C’est pire encore pour les chewing-gums de toutes compositions, y compris ceux destinés à nettoyer les dents ou arrêter de fumer. Une source moins connue est l’écoulement nasal dans l’arrière-gorge qui multiplie les déglutitions. La nourriture et les liquides engloutis rapidement emmènent également, avec les grosses bouchées, une certaine quantité d’air. C’est le cas chez les personnes dont l’absence de dents – ou le port de prothèses de mauvaise qualité – ne permet plus de couper les aliments assez finement.

En cas de stress, il est fréquent d’avaler sa salive en même temps qu’une partie de l’air qu’on inspire, jusqu’à dilater douloureusement la poche à air de l’estomac. Plus paradoxal encore, l’insuffisance de salive aboutit au même résultat que l’excès. En cause, les mouvements de la langue pour tenter d’humecter les lèvres et la cavité buccale qui entraînent de l’air vers l’£sophage. Certaines maladies sont responsables de sécheresse de bouche, comme une affection immunitaire qui touche les larmes et la salive (maladie de Gougerot-Sjögren), ainsi que la radiothérapie effectuée pour des tumeurs de la tête et du cou. Mais la cause la plus fréquente de bouche sèche est l’effet secondaire médicamenteux, surtout avec les sirops contre la toux, les antispasmodiques à visée digestive ou urinaire, les antiallergiques et les antidépresseurs.

Là où ça coince

Avant, on pensait que le ballonnement venait de la cambrure du dos au cours de la journée, associée à une faiblesse des muscles abdominaux favorisant la prise de volume du ventre. Mais une observation plus fine du phénomène de ballonnement (surtout quand il apparaît brutalement, au détours d’un repas, par exemple) a permis de comprendre qu’il s’agit plutôt d’une relaxation temporaire des muscles de la sangle abdominale (notamment du grand oblique) compliquée d’une tension du diaphragme favorisant la sensation de pression abdominale.

Une autre cause souvent invoquée de ballonnement est la constipation. C’est assez vrai, car il semble qu’en plus de la lenteur du transit intestinal, qui favorise les poches gazeuses, pas mal de constipés présentent un mauvais fonctionnement du rectum et de l’anus, perturbant la bonne expulsion des gaz. La douleur et la distension du ventre peuvent être alors attribuées non pas à la constipation elle-même mais à une accumulation de gaz par difficulté d’évacuation. Ce problème a pu être vérifié scientifiquement. L’insufflation d’air par l’anus, comme on le fait pour pratiquer un examen du côlon (coloscopie) est plus douloureuse chez les constipés. Son élimination par la suite stagne à environ 60 % d’élimination après une demi-heure, contre 80 % pour les autres personnes.

Ce n’est pas la quantité qui compte

Quatre facteurs sont donc essentiels, l’abondance de l’air avalé, la quantité de gaz fabriqué lors de la digestion, la lenteur du transit intestinal et une mauvaise élimination anorectale avec dilatation en amont, surtout chez les constipés. Et pourtant, il existe encore une importante proportion de plaignants qui ont anormalement mal même pour un faible volume d’air, au vu de la minime augmentation de leur périmètre abdominal. Cette hypersensibilité s’expliquerait par une tendance inflammatoire vraiment infime de la paroi mais suffisante tout de même pour envoyer des signaux douloureux au cerveau.

Modifier la flore intestinale (par exemple avec des antibiotiques) pour diminuer les variétés responsables de fermentation n’amène pas d’amélioration chez ces personnes hypersensibles car même un peu de gaz, comme celui avalé, est encore de trop. Les stimuli de la paroi enflammée et dilatée, entraîneraient à leur tour une hyperexcitabilité des voies nerveuses menant au cerveau. Celles-ci réagiraient à leur tour beaucoup trop pour quelques bulles de gaz. Ce phénomène apparenté au syndrome du côlon irritable (dont il pourrait représenter les premiers signes) touche plus les personnes proches de la diarrhée que les constipées et la sensibilité serait proportionnelle à l’ancienneté de l’affection.

Quelles solutions ?

Vaincre flatulences et ballonnements est vraiment la quadrature du cercle. Manger sainement implique d’ingérer des fibres, des céréales, des fruits et des légumes, bref... de fabriquer des gaz ! Restreindre ces aliments améliore la situation mais va à l’inverse des recommandations de bonne santé et peut ralentir le transit ! Reste à éviter les boissons gazeuses, les bonbons et chewing-gums, lutter contre la bouche sèche et la nervosité.

Atténuer la constipation par des laxatifs doux est une bonne chose mais le même problème se pose : les mucilages et les analogues de sucre non résorbés (lactulose) sont éminemment fermentescibles aussi. Les spécialités à base de charbon ne sont pas très concluantes. On peut proposer la siméticone, mais sans grande preuve scientifique. Les accélérateurs de la vidange gastrique n’ont pas été vraiment étudiés dans cette indication. Ils sont surtout utilisés contre les nausées et la pesanteur de l’estomac. Les probiotiques (flore intestinale) sont controversés mais valent la peine d’être essayés. L’exercice physique est conseillé. Enfin, les antidépresseurs et l’hypnose viennent en renfort lorsque l’hypersensibilité du côlon et le stress sont à l’avant-plan.

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