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Acouphènes : silence, mon cher silence...

Julie Luong

17 % de la population est touchée par les acouphènes, ces sons lancinants que nous sommes seuls à entendre... Un phénomène souvent lié à la perte auditive, mais aussi à certains facteurs psychologiques.

Vous avez vérifié que la radio était bien éteinte et que le voisin n’était pas en train de tondre la pelouse ? Si cet étrange sifflement/bourdonnement/chuintement/cliquetis se poursuit, cela pourrait bien être un acouphène... Ces sons fantômes sont en réalité très répandus : ils touchent environ 17 % de la population, à des degrés divers. Les causes peuvent en être simples et facilement traitables : c’est le cas lorsque le coupable est un simple bouchon de cérumen... D’autres acouphènes peuvent apparaître brusquement suite à une exposition à des sons de forte intensité : concert, explosion...

Il existe de nombreux traitements pour les acouphènes. Cela vaut la peine de les essayer !

 » Si l’acouphène apparaît d’un coup et se prolonge au-delà de 24 ou 48 heures, cela vaut la peine de consulter sans tarder, car dans cette phase aiguë, le médecin peut prescrire des corticoïdes qui ont un effet anti-inflammatoire et permettent de prévenir en partie l’apparition de lésions au niveau des cellules ciliées de la cochlée « , explique le Dr Audrey Maudoux, spécialiste des acouphènes au CHU de Liège. Mais la plupart des acouphènes apparaissent sans qu’on puisse les relier à une cause précise.  » Il s’agit en réalité d’un symptôme très hétérogène. Chez les adolescents et les jeunes adultes, les acouphènes semblent davantage liés à des facteurs environnementaux et génétiques. Chez les personnes plus âgées, les acouphènes sont plus fréquents et directement en lien avec la perte auditive naturelle « , poursuit-elle.

Un symptôme, pas une maladie

Pour la plupart des personnes, l’inconfort diminue heureusement avec le temps, car le cerveau va peu à peu apprendre à filtrer ce bruit parasite jusqu’à le rendre quasi inexistant.

 » C’est comme quand vous déménagez dans une rue où la circulation est importante : le bruit des voitures vous gêne. Mais il est probable qu’un mois plus tard, vous ne les entendrez plus « , illustre le Pr Philippe Lefèbvre, chef du service ORL au CHU de Liège.

Malheureusement, certaines personnes ne s’habituent pas à leurs acouphènes. Le stress et les facteurs psychologiques pourraient ici jouer un rôle déterminant. « Dans l’acouphène, il y a souvent une modification du fonctionnement auditif au niveau central, mais celle-ci va être perçue différemment selon notre état émotionnel. Ce sont deux phénomènes qui se chevauchent. Une étude a montré que chez des personnes qui évaluent de manière identique l’intensité sonore de leur acouphène, certaines le vivent très mal... et d’autres très bien « , analyse le Dr Maudoux.  » L’imagerie cérébrale a montré que les patients acouphéniques développaient de nouvelles connexions vers le centre de l’émotion, mais aussi vers les aires du cerveau liées à l’attention et à la mémoire « , complète le Pr Lefèbvre. Pour Yolande Delobbe, présidente de l’association Belgique Acouphènes, on retrouve chez les personnes acouphéniques un même profil psychologique :  » Ce sont des hypersensibles, des hyperémotifs et des hyperactifs. « 

De nombreuses personnes témoignent d’ailleurs de l’apparition de leur acouphène à la suite d’un traumatisme. Dans le dernier roman de l’auteure belge Caroline Lamarche, Dans la maison un grand cerf (Gallimard, 2017), la narratrice relate l’apparition d’une  » souffrance sonore terrifiante «  sous forme de  » sifflement «  au moment de sa rupture avec son amant. Idem pour l’héroïne de la romancière japonaise Yoko Ogawa, dans Amours en marge (Actes Sud, 2009) qui se met à entendre des sons de flûte après que son mari l’ait quittée. À noter que, comme dans cet exemple, l’acouphène se combine parfois à un phénomène d’hyperacousie, dans lequel des sons quotidiens sont vécus comme désagréables, voire douloureux...  » L’hyperacousie relève d’un mécanisme différent, mais est en effet plus fréquente chez les personnes acouphéniques « , commente le Dr Maudoux.

A chaque acouphène sa solution

Si des facteurs psychologiques semblent entrer en jeu, il est tout aussi juste de penser que les acouphènes peuvent peser sur le moral de celui qui en souffre... parfois jusqu’à la dépression. C’est pourquoi il est nécessaire de chercher une solution pour apprivoiser – et au mieux faire disparaître – ces sons parasites. Le  » masking  » consiste par exemple à diffuser un son, le plus souvent de type  » bruit blanc  » (semblable au bruit produit par une radio déréglée), via une sorte de prothèse auditive afin de détourner l’attention des acouphènes. D’autres acouphènes pourront être améliorés par une intervention chirurgicale, kinésithérapeutique ou des médicaments. D’autres encore tireront bénéfice des techniques de relaxation, de l’hypnose, d’une thérapie cognitivo-comportementale, ou des groupes de parole.

 » Contrairement à ce qu’on croit parfois, il existe de nombreux traitements ! On procède parfois par essais/erreurs, mais ça vaut la peine d’insister « , encourage le Dr Maudoux. À bon entendeur...

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