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‘Je ne vous entends pas’ devient ‘je ne vous comprends pas’

La perte de l’audition signifie bien plus que la frustration du son. Elle signifie aussi que la faculté de participer à la vie sociale est altérée et que cela peut représenter une souffrance psychologique. Voilà ce que déclare Leo De Raeve, psychologue et directeur de l’ONICI, un centre d’information et de recherche indépendant sur la surdité.

Une mauvaise audition peut mener à l’isolement social. On ne peut pas suivre une conversation, on se sent exclu, on se rend moins volontiers à des réceptions ou à des événements sociaux, peut-être bien parce que l’on a un peu honte... et le cercle vicieux est enclenché. On finit par être isolé et par ressentir de plus en plus la difficulté de nouer et d’entretenir des contacts. Et ensuite?

Leo De Raeve: « Etre malentendant est plus difficile à vivre qu’être sourd: finalement, qu’a-t-on réellement entendu et compris? Cette incertitude peut être à l’origine de bien des discussions et frictions. Un exemple : vous convenez d’un rendez-vous à 7 heures mais la personne malentendante n’a pas bien compris et arrive à 9 heures. C’est très ennuyeux pour l’entourage mais pour la personne qui entend mal, ce l’est encore plus: huit fois sur dix, elle va comprendre correctement ce qui a été dit mais que dire des deux fois où ce n’est pas le cas ? Cela crée de l’incertitude, des doutes quant à la nécessité de vérifier chaque fois si on s’est bien compris. Ces malentendus peuvent mener à de l’irritation ou même des disputes mais, d’un autre côté, tout vérifier n’est pas favorable aux relations sociales. C’est pour cela que d’un point de vue social et psychologique, le déficit auditif doit être pris en main le plus vite et le mieux possible. »

D’un point de vue social et psychologique, le déficit auditif doit être identifié à temps.

« La recherche scientifique a montré que faute de cette identification précoce, les conséquences peuvent être sérieuses. Les gens sont exclus du réseau social. Il y a par exemple deux fois plus de malentendants parmi les chômeurs ou les malades de longue durée que de personnes qui entendent normalement. Ce trouble peut mener à la dépression. Pire: on a la certitude que chez quelqu’un qui n’entend pas bien pendant une longue période, le cerveau peut être touché et que cela peut mener à certaines formes de démence. »

Comment prend-on conscience des effets des problèmes d’audition sur la vie sociale? Quels sont les signaux d’alarme?

Leo De Raeve, psychologue et directeur de l'ONICI.
Leo De Raeve, psychologue et directeur de l’ONICI.

Leo De Raeve: « être en colère, fâché, se rebeller... Voilà des signes que la surdité devient gênante et que l’on ne peut plus fonctionner socialement comme on le voudrait. Une autre réaction est de se résigner à ne plus participer à des conversations, d’éviter des contacts, de s’isoler et finalement de se mettre dans une difficulté de plus en plus grande par rapport à la vie sociale. Cette attitude d’évitement peut avoir un impact sur le partenaire entendant et exercer une pression sur la relation. Lorsque l’on observe que l’on renonce à des choses que l’on faisait avant, ou même que l’on ne fait plus rien, c’est un signal clair qu’il faut consulter.

Lorsque l’on observe que l’on renonce à des choses que l’on faisait avant, ou même que l’on ne fait plus rien, c’est un signal clair qu’il faut consulter.

Il y a des solutions mais encore faut-il les trouver. Disposer d’un bon appareillage, bien adapté est essentiel mais ce n’est pas toujours suffisant. Il faut aussi apprendre à entendre autrement et accepter que l’ouïe ne soit plus ce qu’elle a été. Chercher de l’aide auprès de personnes qui sont dans le même cas en suivant par exemple des cours de lecture labiale est un pas dans la bonne direction car on apprend bien plus que cela, on partage des expériences et des solutions. Je pense aussi que les logopèdes ont un rôle important à jouer. Les audiologues peuvent apporter une aide avec les appareils auditifs mais pour des personnes qui sont confrontées à des problèmes, un logopède peut intervenir par un training auditif. Ils enseignent des stratégies pour vivre des situations difficiles, pour communiquer le mieux possible. Si on se rend compte que malgré cela, on reste confronté à des sentiments d’angoisse, de solitude ou de la dépression, l’aide d’un psychologue dans le cadre du processus d’acceptation devient nécessaire. La perte d’audition est une chose qu’il faut pouvoir accepter. C’est un processus de deuil d’une partie de soi, une faculté que l’on avait et que l’on a perdue. »

Approche multidisciplinaire

« Pour fonctionner le mieux possible avec la perte de l’audition et pour en gérer les multiples aspects, une approche multidisciplinaire est nécessaire. Les spécialistes ORL, les audiologues, les logopèdes, les psychologues, tous jouent un rôle spécifique. Le plus important est que ‘je n’entends pas bien » ne devienne pas ‘je ne comprends plus’; que l’on puisse continuer à communiquer et aussi – même si c’est avec les adaptations nécessaires – à vivre pleinement sa vie. »

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