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Maintenant au dodo et place à l’Histoire !

Aujourd’hui, nous estimons avoir passé une bonne nuit lorsque nous avons dormi huit heures d’affilée. Pourtant, cette ten-dance à faire sa nuit d’un seul bloc est très récente. Pendant des millénaires, l’homme a calqué ses nuits sur le rythme du soleil : on se mettait au lit au crépuscule pour en sortir peu avant l’aube. Si ce rythme peut sembler plus naturel, c’est aussi pour des raisons pratiques et pécuniaires qu’on se couchait en même temps que l’astre solaire : souvent, le foyer était la seule source de lumière d’une maison. Les lampes à huile et les bougies de suif éclairaient mal, étaient odorantes, tandis que les chandelles de cire étaient hors de prix. Elles étaient réservées aux nantis ou aux grandes occasions (d’où l’expression  » le jeu n’en vaut pas la chandelle « ). De ce fait, la période de repos était courte en été et longue en hiver. Est-ce à dire que nos ancêtres dormaient douze à treize heures à la mauvaise saison ? Pas vraiment : nos aïeuls pratiquaient en réalité le sommeil  » bi-phasé « . Après un premier sommeil d’environ quatre heures, ils s’éveillaient une ou plusieurs heures, avant de replonger dans les bras de Morphée. Selon l’historien américain Roger Ekirch, ils étaient très actifs durant leur réveil nocturne : ils discutaient, priaient, racontaient des histoires, avaient des relations sexuelles...

Se réveiller la nuit est normal

Tout ceci prendra fin à partir du XVIIe siècle, avec la multiplication des horloges mécaniques, divisant les journées en heures égales quelle que soit la saison, et la démocratisation des systèmes d’éclairage, permettant de veiller plus tard. Plus question de traînasser au lit, la nuit de repos est réduite à sa portion congrue. Plusieurs troubles actuels du sommeil pourraient être dus à ce changement : le fait de nous réveiller en pleine nuit nous stresse – alors que ce serait tout à fait naturel -, tandis que la réduction du temps accordé au repos est aussi source d’anxiété.

Dormir est inquiétant

Le sommeil de nos ancêtres n’était cependant pas toujours paisible : au Moyen-Âge, par exemple,  » le sommeil constitue une énigme quelque peu effrayante « , écrit l’historien médiéviste Jean Verdon. Le fait que le sommeil fasse du corps humain un objet inanimé, traversé de pensées terrifiantes, inquiète. D’ailleurs, sur les tableaux d’époque,  » les dormeurs sont souvent figurés dans des positions inconfortables (...), appuyés par exemple sur un bâton de berger, de façon à conserver une certaine vigilance « . On peut par contre probablement tordre le cou à la légende selon laquelle les plus nantis d’autrefois couchaient assis, de peur de dormir dans une position qui rappellerait trop la mort : il n’existe pas de sources historiques allant dans ce sens. La plupart des lits étaient d’ailleurs suffisament longs. Quid des lits si courts qu’on rencontre dans les lieux historiques ? Il pourrait s’agir de lits  » d’apparat « , dans lesquels on recevait des visites assis, ou de lits paraissant plus petits par phénomène optique.

N.E.

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