Quelques infos fausses à la vie dure : 1. Facebook bientôt payant. © GETTY IMAGES

Internet, la foire à l’intox ?

Plus question d’apporter un gâteau fait maison à l’école : l’AFSCA l’interdit ! L’information a fait grand bruit le mois passé. Mais elle était fausse... Internet fourmille d’actualités erronées. Voici pourquoi et comment les reconnaître.

C’est l’histoire d’une publication sur Facebook, mise en ligne en septembre dernier. Un extrait de courrier, visiblement destiné à des parents d’élèves. A le lire, on comprend qu’en respect des normes de l’Agence fédérale pour la sécurité alimentaire (Afsca), les gâteaux d’anniversaire faits maisons sont désormais interdits en classe. Seules sont autorisées les pâtisseries du commerce, dûment emballées et étiquetées. Comme souvent lorsque l’Afsca est concernée, le scandale prend comme un feu de paille. L’information est rapidement relayée par des associations citoyennes, des politiques, les médias. Sur les réseaux sociaux, nombreux sont ceux qui s’indignent. On parle de  » Gestapo alimentaire « .

Sauf que... quelques heures plus tard, l’information est démentie. L’agence fédérale n’a jamais interdit les pâtisseries faites maison dans les écoles. Le courrier était destiné aux parents d’enfants polyhandicapés, ces derniers étant souvent très fragiles au niveau digestif. C’est l’association qui les prend en charge qui, de son propre chef et pour éviter tout accident, a décidé d’appliquer les normes Afsca.

A nouveau, internet s’est fait la chambre d’écho d’une fausse actualité. Une de plus dans un océan de  » fake news « , de sites bidon ou parodiques, de rumeurs colportées par e-mail, via les réseaux sociaux ou carrément dans les médias en ligne, toujours soucieux de faire le buzz. S’il n’existe pas de statistiques à leur propos – la quantité de données transitant sur le web est bien trop considérable – tout utilisateur d’internet y a déjà été confronté.

Erreur sincère

 » Beaucoup de gens pensent que les fausses informations diffusées sur le net sont des mensonges délibérés, des renseignements manipulés volontairement, explique Aurore Van De Winkel, docteure en information et communication de l’UCL, conseillère en gestion de rumeurs et spécialiste des légendes urbaines. Mais en réalité, les  » fake news  » (voir lexique p. 29) ne constituent qu’une minorité des informations fausses sur internet. Le plus souvent, la personne à l’origine d’une information incorrecte est persuadée de sa véracité. Elle a mal compris un fait, ou l’a mal interprété : nous percevons les événements au travers du prisme de nos émotions, de nos connaissances, de notre culture, de nos intuitions. Nos perceptions, de même que notre mémoire, ne sont pas aussi fiables que nous le voudrions et peuvent nous amener à commettre des erreurs de jugement. [voir PM n°340] « 

Plus l’information  » officielle  » sur un événement est lacunaire ou équivoque, plus le risque de mauvaise interprétation est important. Face à des événements ambigus ou porteurs d’une grande émotion, une frange de la population doute de la version présentée dans les médias traditionnels et des autorités. Ces personnes vont scruter la moindre photo, la moindre vidéo mise en ligne, le moindre communiqué et vont toujours trouver des interprétations allant dans le sens de leur doute. Leurs conclusions sont alors reprises par des sites conspirationnistes, qui n’hésitent pas à valoriser ces infos.

Il arrive aussi que les journalistes diffusent eux-mêmes des informations erronées. Dans le cas d’attentat, par exemple, les lives dans les médias ratissent l’information à tout-va, sans pousser la réflexion très loin ou prendre la peine de vérifier une information parfois déjà reprise par des personnalités, ce qui peut donner naissance à la diffusion de rumeurs.  » Cela peut être dû à la recherche du scoop, à la difficulté de trouver un informateur fiable sur place mais aussi à des biais cognitifs que nous faisons tous. On va, par exemple, avoir tendance à faire des corrélations entre des événements qui n’ont pas de lien direct ou leur attribuer la même cause, détaille la spécialiste. Simultanément aux attentats de Boston de 2013, un incendie s’est déclenché dans la bibliothèque J.F. Kennedy de la ville : logiquement la question d’un lien entre les deux événements s’est posée. Pourtant, ce n’était pas le cas et, même si les médias ont démenti par la suite, la rumeur avait déjà fait son chemin... « 

Au-delà de ces fausses informations, liées à l’actualité ou à une erreur d’interprétation, internet fourmille également de  » légendes urbaines « , souvent inquiétantes, dont l’origine est bien plus obscure. Pour ne citer qu’un exemple, dans la première décennie des années 2000, un e-mail a connu une large diffusion en Belgique. Sous la forme d’une mise en garde, il faisait le récit de l’enlèvement d’une fillette dans le magasin Ikea d’Anderlecht : le kidnappeur avait été arrêté in extremis, avec dans les bras le bambin drogué et les cheveux rasés. Bien évidemment, tout ceci était faux, mais face à l’émotion suscitée et à la propagation de l’e-mail, la marque suédoise avait dû se fendre d’un démenti dans la presse.  » En réalité, ce type de récit n’est pas neuf, explique Aurore Van De Winkel. On en retrouve quantité dans les journaux spécialisés dans les faits divers depuis qu’ils existent. Ils racontent nos peurs et découlent souvent de récits très anciens (faits divers, légendes traditionnelles, contes, roman et nouvelles, etc.) qui ont été modernisés : au Danemark, par exemple, on remarque que de vieilles histoires mettant en scène de méchants trolls ont été remises au goût du jour... avec des Turcs !  » Ces légendes urbaines, si elles ne sont pas récentes, se diffusent désormais beaucoup plus facilement, rapidement (et internationalement) grâce aux réseaux sociaux.  » Un récit publié à l’autre bout du monde peut se retrouver ainsi chez nous, souvent déformé et relocalisé à proximité pour nous paraître plus marquant. « 

Tous crédules ?

Pour survivre sur la toile, toutes ces informations doivent être partagées et crues par un certain nombre d’internautes.  » Or, il nous arrive à tous d’y croire et d’en partager, met en garde Aurore Van De Winkel. Ce n’est pas une question d’intelligence ou d’éducation, même s’il existe des trucs pour repérer les faux les plus grossiers (voir encadré p. 29) : nous sommes bombardés de tellement d’informations – Caroline Sauvajol, professeure à Science Po, parle d’infobésité – que nous n’avons pas le temps de tout vérifier. Pour peu que l’information aille dans le sens de notre intuition, provoque en nous des émotions ou nous soit transmise par une personne de confiance (ami, personne compétente dans le domaine de l’information), nous sommes susceptibles d’y croire. Et ce, d’autant plus que les explications fausses nous semblent parfois plus logiques que la réalité : certaines choses nous semblent, à tort, trop incroyables que pour être dues au hasard. « 

NICOLAS EVRARD

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