© FRANK BAHNMÜLLER

Dirk Decabooter, 63 ans, mari de Marleen, 59 ans atteinte d’Alzheimer

190.000 personnes sont atteintes de démence en Belgique. En 2050, elles seront 390.00 ! Lorsque le diagnostic de démence tombe, c’est un véritable coup de massue. Pour celui qui en est atteint, bien sûr, mais aussi pour l’aidant proche.

« J’étais prépensionné et nous avions plein de projets pour le jour où Marleen arrêterait de travailler, elle aussi. Puis le diagnostic est tombé. Nous étions mariés depuis quarante ans et je n’en ai pas douté une seconde : je serais son aidant proche. Electricien, je n’avais pas la moindre expérience dans le domaine des soins. C’est dur, mais je peux heureusement compter sur mes deux filles et sur l’aide apportée par une asbl spécialisée. Je m’y sens à l’aise : là-bas, gérer la démence fait partie du quotidien. Oui, j’ai des moments de découragement, car je rencontre des personnes atteintes de démence à un stade bien plus avancé que celui de Marleen. C’est une façon de me confronter à la réalité, si dure soit-elle. A cause de l’Alzheimer, j’ai perdu l’avenir de ma famille de vue. Nous ne pouvons rien planifier à plus de quelques semaines à l’avance, car personne ne peut dire comment la maladie va évoluer.

C’est dans le cadre de son travail de réceptionniste que Marleen a compris ce qui lui arrivait. Elle commençait à se tromper avec les numéros de téléphone ou à perdre ses moyens lorsqu’un visiteur lui posait une question alors qu’elle avait toujours eu l’esprit très vif. A l’époque, le médecin a diagnostiqué un burn-out. Jusqu’au soir où, au retour d’une fête, elle a failli avoir un grave accident de voiture parce qu’elle n’arrivait plus à se concentrer. C’est alors que nous avons appris la vérité. Marleen a essayé de rester positive, ce qui nous a aidés tous les deux. Nous sommes évidemment très tristes mais je refuse de baisser les bras.

Parfois, elle plaisante et me dit que j’ai une autre femme. Et c’est vrai que la maladie a changé son caractère. Marleen est devenue plus dépendante et plus susceptible. Je dois faire attention à la façon dont je dis les choses. Nous arrivons encore à parler de sa maladie, parfois avec des larmes.

Je constate qu’elle a de plus en plus de mal à gérer les petites choses du quotidien, comme s’habiller, par exemple. Elle perd la notion du temps. Quand je vais faire des courses, au bout de dix minutes, elle pense que je suis parti depuis trois heures. Et alors elle panique. Maintenant, je note sur un papier l’heure de mon départ. Toute ma vie s’organise en fonction de Marleen. J’ai renoncé aux longues balades à vélo que j’aimais faire avec les membres de mon club. Désormais je ne m’accorde plus qu’une heure de vélo par-ci par-là. Je continue à voir mes frères un soir par mois mais, si Marleen est seule à la maison, au bout de deux heures, je m’inquiète.

Je m’occupe de ma femme à l’instinct. J’ai heureusement une nature patiente. Marleen n’arrive plus à cuisiner mais elle est très fière de pouvoir m’aider à laver ou couper les légumes. Je la laisse faire à son aise. Quand elle n’y arrive pas, je ne le fais pas à sa place, à moins qu’elle me le demande. Cela la valorise.

Nous serons bientôt grands-parents pour la première fois. C’est fou de voir à quel point cela fait plaisir à Marleen. Savoir que nous pouvons encore partager de tels moments m’aide. Comme le jour où j’ai vu ses yeux briller lors de sa première sortie à cheval avec l’asbl qui l’accueille. Elle a gardé quelques amies proches qui viennent la voir, mais sa maladie met mal à l’aise certaines de nos connaissances et même des membres de la famille. Ils n’osent pas lui parler ou ne s’adressent qu’à moi. Du coup, Marleen se sent mise à l’écart. Très peu de gens comprennent ce que signifie Alzheimer. Il faut le vivre pour savoir ce que c’est... C’est pourquoi il est tellement important de parler de cette maladie, dans l’espoir qu’elle soit mieux acceptée ! »

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