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BRIGITTE FOSSEY  » Je ne suis pas angélique ! « 

La rayonnante actrice française se confie sur son parcours, ses passions, sa famille, ses projets multiples.

Fillette émouvante dans le mythique Jeux interdits ou encore maman dépassée dans la comédie culte La Boum, la septuagénaire Brigitte Fossey était l’invitée d’honneur du Festival du Film historique de Waterloo afin d’y recevoir un hommage pour sa carrière.

Vous avez 67 ans de carrière ! Ça fait quoi ?

Je viens de l’apprendre là ! Car je ne pense jamais au nombre d’années, je suis toujours dans le présent et dans l’avenir, dans les projets. Mes parents ont été jeunes toute leur vie : ma mère marchait 2 h par jour jusqu’à sa mort, à 94 ans, et mon père est parti à 104 ans ! C’est vous dire l’acuité qu’il avait et la jeunesse, et donc moi j’ai décidé que le temps n’existait pas, une décision prise quand j’avais 5 ans, c’est-à-dire que je ne faisais pas de différence quand je parlais avec des gens de 70 ou 80 ans. L’âge ne va pas changer notre âme... Je crois que, toute la vie, il faut marcher et échanger avec les autres.

Si vous deviez choisir un plus beau souvenir ?

Ma rencontre avec le réalisateur américain Robert Altman. Il m’avait demandé de doubler Shelley Duvall dans Trois femmes et nous sommes devenus très amis. Par après, comme j’étais aux Etats-Unis pour la promotion de mes films, il m’a invitée chez lui, à Los Angeles, en me disant que j’allais dîner avec Paul Newman et que je serais sa femme dans son prochain film ( Quintet, ndlr). Une surprise incroyable pour moi car, depuis mes 14 ans, j’avais la photo de Paul Newman sur ma table de chevet ! Et je disais à ma mère qu’un jour je travaillerais avec mon idole. Elle me prenait pour une folle mais je le désirais tellement que j’étais sûre que ça arriverait. Ma plus belle histoire de rêve réalisé...

J’ai décidé que le temps n’existait pas.

Quel souvenir gardez-vous de votre premier film Jeux interdits ?

Je me souviens d’absolument tout ! J’en ai un souvenir assez passionnant parce que justement j’ai appris un métier à l’âge de 5 ans, un privilège extraordinaire ! Etre parmi les adultes avec un seul enfant comme partenaire et être prise au sérieux, ça donne une responsabilité... Sachant déjà lire et écrire, j’avais lu le scénario et je comprenais l’histoire. J’entendais parler de la guerre tous les jours au repas avec mes parents et leurs anecdotes souvent comiques d’ailleurs.

Vous arrive-t-il de revoir vos films ?

Oui, à l’occasion de festivals essentiellement. J’aime surtout voir le début de Jeux interdits parce qu’on voit mes vrais parents jouer mes parents donc ceux de Paulette, et ils meurent sur le pont. Alors qu’ils ne sont pas acteurs, mon papa et ma maman voulaient interpréter ce rôle. Maintenant qu’ils ont disparu, je regrette beaucoup que leur nom ne se trouve pas au générique du film ... C’est anormal !

Aimez-vous vous voir à l’écran ?

Pas trop, non. Ça a toujours été le cas sauf quand c’est vingt ans après. Alors là, je suis capable de juger mais, sur le moment, je ne suis jamais contente, comme tous les acteurs !

Ces derniers temps, vous vous faites plus discrète au cinéma...

J’ai joué dans un film de la réalisatrice Solange Cicurel qui a reçu, cette année, un Magritte du Cinéma (pour Faut pas lui dire, ndlr). J’ai récemment beaucoup tourné pour la télévision notamment dans la série belgo-suisse Quartiers des Banques qui va d’ailleurs continuer et dans laquelle j’endosse le rôle d’une banquière suisse, une belle composition pour moi ! (rires) J’ai encore d’autres projets sur le feu en télévision ; je lis aussi des pièces, pas mal de comédies... Je viens en outre de sortir trois livres, dont A la recherche de Victor Hugo, des expériences qui m’ont pris énormément de temps. Puis, la musique a pris beaucoup d’importance dans ma vie.

Vous donnez des concerts-littéraires...

Oui, avec des musiciens, je choisis des musiques en harmonie avec les lettres. C’est comme un dialogue. On se parle, on se répond, avec les correspondances de grands compositeurs comme Chopin ou Liszt ou de la romancière George Sand. En fait, c’est assez théâtral de lire des textes... L’actrice en moi est vraiment satisfaite de pouvoir se produire dans des lieux exceptionnels, comme des cathédrales ou des grandes salles de spectacles, avec des musiques exceptionnelles car ça met les textes en lévitation, ça les fait vibrer davantage ! J’ai encore beaucoup de spectacles littéraires et musicaux prévus avec des violonistes et des pianistes.

D’où vient cette passion pour la musique et la poésie ?

Mon père écrivait des poèmes et mon grandpère maternel aussi. J’ai fait 9 ans de piano avec un professeur qui m’emmenait aux concerts. En fait, j’ai toujours beaucoup compté sur la musique comme une amie. Elle est une interlocutrice bienvenue qui élargit la perspective de la vie, qui reconstruit... Quand j’ai eu mon premier chagrin d’amour, j’écoutais Bach tout le temps ! (rires)

D’ailleurs, vous donnez aussi des récitals pédagogiques sur Bach à des enfants...

J’ai, en effet, raconté l’histoire de Bach dans la cathédrale de Toul à des enfants des écoles du département (Meurthe-et-Moselle, ndlr). C’était beau ! Ils écoutaient cette histoire tout en étant initiés à la musique du compositeur. Les premières écoutes sont très importantes ! Peut-être que la très grande musique de Jeux interdits m’a formée à cette écoute... J’ai aussi enregistré des contes pour enfants.

Et votre fille a suivi votre voie !

Au départ, Marie ne voulait pas être comédienne pour ne pas faire comme moi mais finalement ça s’est imposé. Par ailleurs, elle écrit des contes pour les enfants et elle leur enseigne le théâtre... Ma fille est formidable ! Mon petit-fils, Paul, qui a 19 ans, vient de suivre un stage de théâtre au Canada. Il a déjà participé à des courts métrages et il va, sans doute, apprendre la comédie.

C’est donc dans les gènes ?

C’est possible ! Mon grand-père écrivait des revues théâtrales et mon père était fasciné par le théâtre et le cinéma. Il y a avait des projections de films, une fois par mois au moins, à la maison, à Tourcoing, et moi je devais aller me coucher. C’était affreux ! J’écoutais alors La Belle et la Bête de Jean Cocteau par le trou de la serrure.

Blonde au visage angélique, quel genre d’enfant étiez-vous ?

Je suis blonde, alors on pense que je suis angélique. En fait, non, pas du tout ! J’ai toujours été comme mes parents, pleine de fantaisie et de spontanéité que j’essaye de garder sinon c’est la mort. Toute sa vie, il faut essayer de dire la vérité. Je pense que mentir fait vieillir ! (rires)

Et comme maman, avez-vous ressemblé à celle que vous avez interprétée dans La Boum ?

Comme elle, j’étais dépassée par les événements. Difficile de tout gérer en même temps... Toutes ces mères modernes déchirées entre le travail et la maternité, c’était bien moi ! Ma fille avait 2 ans de moins que Vic (interprétée par Sophie Marceau, ndlr) et quand elle m’a demandé pour aller à sa première boum, j’ai dit :  » Avec qui ? Où ?...  » et elle m’a lancé :  » M’enfin maman, tu es en train de me réciter La Boum là, ça suffit !  » (rires)

Avez-vous gardé des contacts avec les acteurs du film ?

J’ai souvent revu Claude Brasseur et Sophie Marceau à l’occasion de projections à des festivals et c’est toujours une joie. Sophie est merveilleuse, authentique, spontanée, naturelle comme elle l’était à 13 ans ! Ce sont des amis mais je vis plutôt dans l’intimité de ma famille.

A quoi ressemble votre quotidien ?

Un mélange entre beaucoup de temps dans ma chambre avec mes livres, des visites d’expositions de peinture, des sorties cinéma, de la gymnastique au moins deux fois par semaine, et des promenades. Partir ne fut-ce qu’une demi-heure dans la nature, c’est le paradis pour moi !

Auriez-vous rêvé d’une autre carrière ?

Je ne rêve de rien d’autre que ce que je vis. Peut-être que j’aurais aimé le chant mais je préfère privilégier l’interprétation, continuer à faire ce que je fais.

Songez-vous à la retraite ?

Ça n’existe pas et je ne sais même pas comment ça s’écrit ! On a besoin de tous les âges dans mon métier, ce qui renouvelle mes rôles ! (rires)

BRIGITTE FOSSEY
© GETTY IMAGES

BIO EXPRESS

1946

Naissance à Tourcoing

1952

Film Jeux interdits

1964

Etudes de lettres et philosophie puis Conservatoire d’art dramatique

1968

Naissance de sa fille Marie

1973 Film

Les Valseuses

1980

Film La Boum

1985

Premier concert littéraire

1993

Série Le château des oliviers

2004

Pièce Grosse chaleur

2017

Série Quartier des banques

2017

Livre A la recherche de Victor Hugo

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