Les contacts sociaux stimulent plus le cerveau que les motscroisés. © ISOPIX

Beaucoup de questions, des réponses inattendues

Peut-on prévoir l’évolution de la maladie ?

Pas plus qu’on ne dispose d’un médicament, il n’existe de scénario bien défini de l’évolution de la démence.  » L’important est de réussir à ouvrir  » la porte  » qui permet d’accéder à la personne atteinte, conjoint ou parent, précise Jurn Verschraegen. Un photographe a pris des clichés de personnes atteintes de démence dans différents pays et a comparé sa mission à un voyage d’exploration, comme s’il était le premier homme à mettre le pied en terre inconnue. Cette démarche demande du courage, de la créativité et de l’audace, celle de tenter des approches nouvelles et inédites. Si ça ne marche pas, il faut s’y prendre autrement, en tâtonnant. Dès qu’il se produit un déclic, cela peut faire des merveilles. Même si tout le monde ne se sentira pas forcément capable de tenter la même aventure. « 

Laisser le patient vivre le plus longtemps possible chez lui, est-ce la meilleure solution ?

On entend souvent dire que ce choix aiderait à retarder l’apparition des symptômes et stimulerait l’autonomie de la personne atteinte : on aimerait y croire mais ce n’est pas totalement vrai.  » Cela ne fonctionne que si la personne se sent en sécurité chez elle, souligne Jurn Verschraegen. Or certains malades passent leur temps à chercher leur père ou leur mère, alors que ces derniers sont décédés depuis vingt ans ou plus. Le malade ne les trouve pas et panique. Dans ce cas, laisser le malade vivre chez lui n’est pas une bonne idée. « 

L’activité physique estelle bénéfique pour une personne atteinte de démence ?

La tendance actuelle consiste à encourager les malades à bouger. Des études scientifiques ont récemment démontré qu’une activité physique régulière contribue à retarder l’évolution de la démence, qui est une maladie dégénérative.  » Certaines villes et communes organisent des cours de natation spécialement conçus. On trouve des centres d’accueil et de soins où des danseurs professionnels prennent en charge les personnes atteintes. Le vélo, la marche, la course à pied, etc. tout cela est excellent. A pratiquer en pleine nature de préférence, en tout cas à l’extérieur le plus souvent possible, recommande Jurn Verschraegen. Si la personne est capable de partir seule à vélo, tant mieux : il faut entretenir cela avec, au besoin, l’aide d’une application ou d’un traceur GPS. Glympse est une application très utile : elle informe l’entourage, en temps réel, de l’endroit où se trouve la personne via son smartphone. On peut aussi la suivre à la trace, gratuitement, sur Google Maps. « 

Les jeux et exercices cérébraux aident-ils à retarder l’évolution ?

Les casse-tête, les mots croisés et les sudokus sont réputés entretenir la bonne santé de nos petites cellules grises. Alors faut-il se mettre aux jeux cérébraux ?

 » Pas forcément. Si vous aimez cela, ne vous en privez pas mais n’espérez pas en tirer des bienfaits préventifs ou thérapeutiques. On entretient mieux son cerveau en multipliant les contacts sociaux et en se lançant dans de nouvelles activités. « 

Songez aux projets de vie et autres activités sur-mesure, comme les Buddyprojecten, à Bruxelles et en Flandre. Des bénévoles se mettent en contact avec des patients atteints de démence et organisent régulièrement des sorties adaptées.  » Tout cela se déroule de manière informelle, les duos se forment, parfois de manière inattendue, selon les affinités, constate Jurn Verschaegen. Chaque tandem décide de ce qu’il a envie de faire et à quelle fréquence. Par exemple : tel étudiant fait chaque semaine du vélo avec un homme âgé atteint de démence, d’autres volontaires organisent des sorties au musée, des parties de cartes ou des balades en ville. « 

Aux Pays-Bas, l’initiative Dementalent qui consiste à offrir du travail bénévole à des personnes atteintes de démence remporte un franc succès. Ainsi un homme donne des cours à des étudiants en infirmerie, un autre travaille au coeur d’une zone naturelle, une femme vient aider chaque semaine la gérante d’une boutique de mode... Leur point commun ? Ils passent du bon temps, se sentent valorisés et retrouvent un but dans la vie.

Le passé comme balise ?

Lorsqu’on s’occupe de personnes atteintes de démence, on a tendance à évoquer leur passé parce que cela assure un lien, une continuité avec ceux qui oublient.  » On a longtemps cru que parler du passé permettait d’entrer plus facilement en contact avec le malade. C’est parfois le cas et on remarque alors que ces évocations l’apaisent, lui font plaisir, lui redonnent confiance en lui. Mais ce n’est pas toujours vrai. D’où l’importance de tenir compte des besoins actuels du malade. Ainsi, un joueur de billard se sentira certainement frustré de manquer ses coups. Au point parfois de vouloir abandonner l’activité en question. La personne peut cependant éprouver du bien-être dans une activité tout autre. On peut essayer de l’orienter vers la peinture, la poterie, l’équitation, l’aviron, la danse... tout est possible ! Et cela ne se limite pas à de l’occupationnel. Ces activités peuvent générer de véritables petits chefs-d’oeuvre.  » Parce que si la mémoire flanche, l’imagination, elle, reste bien vivace.

Il est faux de croire que la démence empêche d’apprendre. Certains malades apprennent à se servir d’un micro-ondes ou à utiliser Facebook. Il leur faudra peut-être davantage de temps mais, dès que les premiers résultats sont là, la maladie cesse de progresser et la personne voit même parfois sa mémoire regagner du terrain. Cela a été mesuré scientifiquement, au grand étonnement des médecins.

Le passé garde cependant toute son importance. Connaître le vécu d’une personne atteinte de démence peut être d’une grande importance pour comprendre son comportement.  » Par exemple, un deuil qui aurait laissé une plaie béante, comme la perte d’un enfant. Ce genre de traumatisme peut ressurgir plus tard sous forme de souvenirs extrêmement chargés en émotions. « 

Faut-il communiquer différemment ?

L’entourage peut garder le contact très longtemps, à condition de trouver le bon langage.  » Dans la pratique, on se rend compte que c’est difficile. Nous essayons donc de former du personnel capable d’aider les familles. « 

Le chant peut constituer une alternative au langage parlé. Il existe des chorales spécialisées qui accueillent des malades et leur accompagnant. On sait désormais que le chant peut être un excellent moyen de communication, y compris en cas de démence avancée. Les malades qui ne sont plus capables de parler réussissent tout d’un coup à chanter à tue-tête d’anciennes chansons, sans en oublier un couplet.  » Certains parviennent ainsi à renouer le contact avec d’autres. « 

Trouver le bon moyen de communication a également son importance pour prolonger autant que possible le libre arbitre de la personne.  » Souhaite-t-elle assister aux funérailles de son conjoint ? Accepte-t-elle d’être placée en maison de repos et de soins ? Aujourd’hui, on a tendance à poser directement la question. Lorsqu’on ne parvient pas à se faire comprendre par le langage courant, il faut trouver un autre moyen. Par exemple, à l’aide de dessins ou de photos : la personne exprime alors ce qu’elle veut en indiquant telle ou telle image. « 

Infos : www.alzheimerbelgique.be, www.vivreavecunedemence.be et www.alzheimer.be La Journée mondiale de la maladie d’Alzheimer qui se déroule le 21 septembre accueille de nombreuses actions.

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