© FRANK BAHNMÜLLER

Ann Vanbreusegem, 51 ans, et Astrid Van Hoorde, 19 ans, épouse et fille de Jo, 53 ans atteint de démence fronto-temporale.

190.000 personnes sont atteintes de démence en Belgique. En 2050, elles seront 390.00 ! Lorsque le diagnostic de démence tombe, c’est un véritable coup de massue. Pour celui qui en est atteint, bien sûr, mais aussi pour l’aidant proche.

 » Ann : Incrédulité, chagrin, révolte. Trois ans après le diagnostic, il ne se passe pas un jour sans que je ne pleure. C’est tellement dur de voir l’homme que j’aime s’éloigner de moi petit à petit et se transformer en être perdu et dépendant. Je n’arrive pas à l’accepter. Avant que le diagnostic ne tombe, je sentais déjà que quelque chose n’allait pas. Jo perdait tout son entrain, lui qui était si actif, si bricoleur. Un jour, en rentrant de son travail, il s’est mis à bégayer. Son père avait été, très jeune, atteint de démence. Nous sommes allés voir le même neurologue, qui, très vite, a fait le lien. Jo a rapidement décliné. En très peu de temps, il n’a plus été capable de parler, puis de marcher. Il lui faut également de l’aide pour manger et aller aux toilettes.

Dès qu’on pense avoir réglé un problème, un autre se présente et il faut repartir de zéro. Cela demande toute une organisation, étant donné que je travaille encore à 4/5 comme institutrice maternelle. Heureusement, je peux compter sur l’aide de mes parents, qui s’occupent de Jo deux jours par semaine, de ma nièce et de notre fille Astrid, qui est aux études. Elle est vraiment adorable avec son papa.

Astrid : J’ai toujours admiré mon père. Je pense que j’entretiens avec lui un lien encore plus fort qu’avec ma mère. Ce qu’il vit nous a encore rapprochés. Je le câline et je lui raconte plein de choses. A ses réactions, je vois bien qu’il me comprend, même s’il ne parle pas. Au début, c’était le monde à l’envers : devoir donner le bain à son papa, le raser... mais on s’y fait. Franchement, je ne pense pas que ma vie soit tellement différente de celle des autres jeunes de mon âge.

Ann : Un jour j’ai bondi hors de mon bain, parce que j’avais entendu la porte d’entrée claquer. Je me suis retrouvée en rue, juste couverrte d’une serviette éponge, à chercher Jo. Il était dehors, en pyjama, avec le chien et la télécommande. Sur le coup, on a eu peur mais, par la suite, on a bien ri ! D’un coup, notre vie a radicalement changé. On se rend compte de son bonheur le jour où il s’en va... Pour beaucoup de nos amis, c’est trop dur de voir Jo tel qu’il est devenu. Il n’y a que son meilleur ami qui ne l’a pas laissé tomber. Je trouve cela magnifique. Il a le projet d’emmener Jo en Corvette sur le circuit de Franchorchamps, un vieux rêve de jeunesse.

Physiquement aussi, les soins que nécessite mon mari laissent des traces. Je sens que je pousse mon corps à bout. Quand on est aidant proche, on prend sur soi en permanence. On n’a plus la moindre énergie pour ses hobbys, son temps libre. Une fois par semaine, je fais une heure de vélo avec une amie. C’est mon échappatoire, tout comme le sont mes collègues à qui je peux me confier. A l’école aussi, avec ma classe, j’oublie tout et je deviens la  » souriante Madame Ann « . De couple sur un pied d’égalité, nous sommes passés à la relation de malade/aidant et nous partageons désormais une autre forme d’intimité. Comme la maladie est héréditaire, nous savons que notre fils et notre fille risquent de l’attraper...

Astrid : Je ferai le test, car je veux savoir. S’il est positif, je saurai que je dois vivre ma vie en fonction de cette perspective. Et que je devrai vivre un maximum de choses avant mes 50 ans. »

Lecture et infos ? Démence et perte cognitive, Prise en charge du patient et de sa famille, sous la direction de Jean-Emile Vanderheyden et Bernard Kennes, éditions De Boeck, 2017 (env. 40 ?) ? www.health.belgium.be/fr/news/la-demence-que-faut-il-retenir ? www.alzheimerbelgique.be

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